Le monde du théâtre est à nouveau en deuil. Ce mercredi 10 mai, nous apprenons la triste nouvelle du décès de celle qui fut une grande directrice de théâtre, Colette Nucci. Sous sa direction, le Théâtre 13 a obtenu ses lettres de noblesse. Au revoir, Madame, et merci pour tout ce que vous nous avez apporté. ©Bruno Perroud
De sa belle et longue silhouette, le sourire aux lèvres, elle nous accueillait fébrilement les soirs de première. Son accent chantant, aux couleurs de son sud natal et de l’Algérie de son enfance, résonnera pour toujours dans nos oreilles et dans nos cœurs. Cette femme de caractère aimait passionnément le théâtre.
Dès son arrivée en France, au Mans, en 1963, elle s’est inscrite à un cours de théâtre. Jeune fille douée, elle entre en 1971 au Conservatoire national d’art dramatique, où elle suit, jusqu’en 1974, l’enseignement du grand Louis Seigner de la Comédie-Française. Puis, pour l’amour d’un beau peintre, José Luís Peñamaría, elle s’installe à Madrid, de 1976 à 1984. On pense aujourd’hui très fort à lui et à ses fils auxquels elle avait transmis le virus du théâtre, les comédiens Benjamin et Pablo Peñamaría.
Une comédienne trop rare
Cette absence l’a éloigné des plateaux de théâtre et de cinéma. Dès qu’elle rentre en France, elle ouvre à Bougival une école d’art dramatique et dirige sa compagnie. Au Grenier de Bougival, elle joue en 1997 dans Le Paradis sur terre de Tennessee Williams, mis en scène par Fabian Chappuis, puis en 1999 dans La mère confidente de Marivaux, mis en scène par Delphine Lequenne. Sa dernière apparition sur scène en tant que comédienne fut en 2001 dans Treize mains de Carole Shields, mise en scène par Rachel Salik, avec Geneviève Mnich, Susanne Schmidt et Françoise Vatel. Je me rappelle encore de sa belle prestation sur la scène du Théâtre 13.
C’est justement au théâtre 13 qu’elle régna en maîtresse femme de 1999 à 2020. À l’époque, il n’y avait qu’une salle. Située entre les barres d’immeubles du boulevard Blanqui, ce théâtre municipal n’attendait qu’elle pour faire rayonner le théâtre dans le treizième arrondissement. La deuxième salle ouvrira rue du Chevaleret en 2011. Dans l’une comme dans l’autre, la priorité était la découverte, la troupe, l’audace et surtout le plaisir. Classique et contemporain y faisaient bon ménage. Je me souviens de son immense bonheur lorsque la pièce de Dany Laurent, Comme en 14 !, avec Marie Vincent, reçu le Molière du meilleur spectacle public, en 2004.
Une pépiniériste
Elle aimait découvrir les jeunes pousses. Ils sont nombreux à être passé dans ses deux théâtres. J’y ai vu tant de spectacle que je sais que je vais en oublier. Je songe à Fabian Chappuis (qui fut également son collaborateur fidèle), Christophe Lidon, Benoît Lavigne, Xavier Gallais, Sophie Lecarpentier et sa compagnie Eulalie, Justine Heynemann, Quentin Defalt, Alexis Michalik. C’est là, que ce dernier créa son fameux Porteur d’histoire et que sa carrière prit le bel envol que l’on connaît. Elle disait de lui à notre confrère de L’Humanité, Gérald Rossi : « Il a le talent qui fait que les gens sortent heureux. J’ai besoin que l’on m’embarque dans des histoires. J’ai besoin de bons textes, de bons acteurs et qu’un auteur me raconte quelque chose ». Elle n’a eu de cesse de nous faire vivre de belles aventures théâtrales.
Je me souviens de mon émotion lorsque je l’ai vu pour la dernière fois, l’an passé, au théâtre du Rond-Point, où nous avions assisté à une représentation de la mise en scène de sa grande amie Salomé Lelouch, Snow Thérapie. Les stigmates de la maladie étaient encore là, mais elle avait mené le combat si vaillamment qu’on pouvait parler de guérison définitive. Malheureusement, le crabe a encore gagné, nous enlevant une personne de grande qualité. Une cérémonie aura lieu vendredi 19 mai à 10h30 au crématorium du Père Lachaise. La profession et les amis seront présents en nombre pour lui dire combien on l’aimait.
Repose toi mon amie.
Je garderai ancrėe dans ma mémoire le souvenir de ton beau sourire et de ta voix chantonnante.