Lauranne Germond © Denis Meyer / MAIF

Lauranne Germond, maîtresse d’œuvre forestière au MAIF Social club

Au MAIF Social Club, Lauranne Germond s'associe avec Florent Héridel pour le commissariat de l'exposition, Le Chant des forêts.

Lauranne Germond © Denis Meyer / MAIF

Co-fondatrice de l’association COAL qu’elle dirige depuis son origine en 2008 dans le but de promouvoir l’émergence d’une nouvelle culture de l’écologie et de la nature dans l’art, Lauranne Germond s’est associée en tant que commissaire d’exposition au MAIF Social Club dans le cadre de l’exposition le Chant des forêts. A l’invitation de son nouveau directeur artistique, Florent Héridel, elle a conçu un espace tant pédagogique qu’artistique.  

© Denis Meyer / MAIF

Comment êtes-vous arrivée sur le projet ?

Lauranne Germond : Tout simplement à la demande de Florent Héridel, qui a suivi de prêt mon parcours. Depuis quinze ans maintenant, je travaille sur les enjeux écologiques dans l’art. En 2021, le prix de l’association COAL, que nous décernons chaque année et qui a pour objectif de mettre en lumière des artistes engagés pour l’écologie, était dédié à la forêt. Chaque édition est consacrée à une thématique spécifique. Il y a deux ans, nous avions fait le choix de nous intéresser à l’écosystème sylvestre. En parallèle de cela, j’ai aussi cofondé un festival qui s’appelle Les Nuits des Forêts, et qui se tiendra à nouveau en juin prochain. À mon sens, c’est une thématique essentielle dans l’art, mais aussi pour l’écologie. Il était donc important de la mettre à l’honneur. J’en étais là de mes réflexions quand nous nous sommes rencontrés avec Florent. En toute logique, il m’a invitée à poursuivre mes recherches, et à y consacrer sa première exposition en tant que nouveau directeur artistique du MAIF Social Club. 

Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots qu’est-ce que COAL ? 
"l'Orant #5" de Beya Gille Gacha pour l'exposition "le chant des forets" au Maif Social Club © Nicola Buttignol
L’Orant #5 de Baya Gille Gacha © Nicola Buttignol

Lauranne Germond : C’est une association que j’ai cocréée, il y a quinze ans en 2008. Elle est née d’une initiative citoyenne, nous étions une poignée d’amis, et nous voulions défendre une approche culturelle de l’écologie. À l’époque, l’initiative était vraiment pionnière. Nous avions à cœur de porter nos convictions, et de donner du sens à nos pratiques. L’idée étant que c’est depuis notre culture que se joue notre rapport à la nature, les acteurs culturels, les artistes en particulier ont un rôle majeur à jouer dans la transition écologique. C’était un volet à creuser. Il fallait trouver un moyen de mobiliser les artistes, de les inviter à participer aux débats de société à travers leurs œuvres, de questionner les pratiques. Cela tombait sous le sens d’autant que c’était l’époque où l’on commencer à identifier ce que l’on appelait les parties prenantes : les membres de la société civile, les dirigeants d’entreprise, les acteurs institutionnels étaient invités à se mobiliser autour de l’enjeu climatique. Il semblait logique que les artistes aient leur part à jouer. Par ailleurs, des penseurs comme Bruno Latour formalisaient le fait que la crise écologique était aussi une crise de la sensibilité. En créant COAL, il y avait cette ambition initiale de développer d’autres outils, approches, imaginaires, façons de faire et de penser, avec les artistes. 

Vous évoquiez la mise en place d’un prix … 

Lauranne Germond : La création du Prix COAL a contribué à valoriser les actions de l’association, mais surtout à mettre en avant le travail des artistes, de valoriser leur engagement. Il faut imaginer qu’en 2008, les artistes travaillant sur ces sujets étaient peu visibles, peu représentés, peu identifiés. Ce prix a permis, via un appel à projet, de découvrir, de mobiliser ou d’identifier des artistes engagés. Cela fait quinze ans que l’association œuvre à cette reconnaissance. Face à l’engouement des pouvoirs publics, des mécènes et du public, nous avons même créé il y a quatre ans un prix à destination des étudiants. 

Quels artistes peuvent concourir ? 
Déforestation : déterrer les signaux par le Collectif Fibra  © Juan Pablo Murrugarra / MAC Lima
Déforestation : déterrer les signaux par le Collectif Fibra © Juan Pablo Murrugarra / MAC Lima

Lauranne Germond : Le prix s’adresse à tous les artistes du champ des arts visuels. Ils doivent proposer un projet en lien avec les enjeux écologiques de la thématique annuelle et bien entendu, respecter certains principes d’éco-conception. Cela recouvre une très grande diversité de formes et de projets. On dépasse forcément la notion de courant, de discipline ; les approches sont souvent très transversales. Je distingue à mon échelle quatre typologies de pratiques : Celles qui favorisent le partage de connaissances, la mise en valeur des recherches scientifiques et rendent perceptibles des enjeux environnementaux qui ne le sont pas toujours ; celles qui agissent davantage dans le champ politique et symbolique, se rapprochent des formes activistes et militantes ; également des pratiques en quête de résilience et de réparation, ancrées sur le terrain, qui agissent directement sur des espaces dégradés par exemple, et enfin celles qui explorent le champ de la reconnexion au vivant par des pratiques somatiques, spirituelles, transformatrices… 

Tout cela a nourri les grandes lignes de l’exposition…

Lauranne Germond : Évidemment, je me suis nourrie de cette expertise pour construire l’exposition. J’ai souhaité la concevoir comme une polyphonique des voies de la forêt. Les échanges que j’ai eus avec Florent pour imaginer Le Chant des forêts m’ont conduit à concevoir un espace ludique et immersif, où la forêt est convoquée dans sa dimension merveilleuse et magique, mais qui amène les visiteurs à une meilleure connaissance de ses enjeux scientifiques, économiques et écologiques. Il ne faut pas oublier que cet écosystème extrêmement riche est essentiel à notre planète, à notre survie, qu’il est l’un des plus riches en biodiversité, et aussi qu’il alimente depuis des millions d’années nos imaginaires et les cultures de nombreuses civilisations. La forêt étant à la croisée de trois univers, écologiques, environnementaux et culturels, il était essentiel que ces trois dimensions soient présentes. 

Comment avez-vous fait le choix des artistes ? 
Them par Romain Bernini © Romain Bernini
Them par Romain Bernini © Romain Bernini

Lauranne Germond :À partir de ce fil conducteur qui est arrivé assez vite, j’ai défini cinq axes qui nous permettaient d’aborder chacun des grands enjeux. Pour le choix des artistes, j’ai notamment puisé dans les quelques 600 candidatures reçues dans le cadre du Prix COAL dédié aux forêts que j’évoquais plus haut. C’est comme cela que j’ai découvert le travail de Beya Gille GachaFlorian Mermin ou encore le collectif Fibra qui a été lauréat du prix. Il y a d’autres artiste comme Thierry Boutonnier, avec qui nous collaborons de longue date, il était lauréat du premier Prix COAL en 2010 ! Je suis depuis l’évolution de leur travail. Je trouve important et nécessaire de travailler avec les artistes dans la continuité. En parallèle de cela, je suis toujours en recherche de nouveaux talents, au fil de mes rencontres, de mes activités. C’est comme cela que j’ai proposé à Benjamin Gabrié de faire la scénographie de l’exposition. J’avais apprécié son travail en tant que scénographe pour le spectacle vivant. Il y a dans son approche des décors, quelque chose de très immersif, de très baroque. Son univers correspondait à ce que je souhaitais mettre en place pour cette exposition. Ensemble, nous avons imaginé cette circulation autour de deux clairières.

Cela fait sept mois que l’exposition a ouvert. Les retours que vous avez, correspondent-ils à ce que vous aviez imaginé ?

Lauranne Germond :Je suis contente de ce que nous avons mis en place. J’ai le sentiment que l’exposition est très bien accueillie. Les retours sont très enthousiastes. Les enfants ont plaisir à venir arpenter notre forêt. Les enseignants y trouvent la matière pédagogique nécessaire pour travailler autour des enjeux écologiques, faire prendre conscience de l’importance de préserver cet écosystème en évitant que cela soit culpabilisant. Au fil du temps et des remarques toujours enthousiastes, j’ai vraiment le sentiment que nous avons rempli notre mission tant sur la dimension esthétique, la découverte des œuvres, des artistes que sur ce que représente la forêt à l’échelle de notre planète, de notre civilisation. 

Que peut on vous souhaiter ? 

Lauranne Germond : Que l’exposition poursuive sa route, et que tous ceux qui sont passés par le MAIF Social Club prennent un peu plus soin de nos forêts.

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore 

MAIF Social Club
37 rue de Turenne, Paris 3ème
Plus d’informations sur l’exposition ici.
Toute la programmation du lieu sur maifsocialclub.fr
Gratuit – Entrée libre

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