Chloé Tournier © Christelle Calmettes

Chloé Tournier croque à pleines dents la Garance

Du 10 au 14 mai 2023, Chloé Tournier lance, à la Garance de Cavaillon, le festival Confit ! Une expérience entre théâtre et gastronomie.

Chloé Tournier © Christelle Calmettes

Nommée en juin 2021 à la Garance, Scène nationale de Cavaillon, Chloé Tournier, ancienne directrice artistique du Maif Social Club, poursuit son travail autour des écritures contemporaines en phase avec la société actuelle, nourrie de récits du quotidien, elle ancre son projet au cœur du Territoire. Le festival Confit ! qui ouvre ses portes du 10 au 14 mai 2023 en est le parfait exemple. 

© Christelle Calmettes

Comment se passe votre arrivée à la Garance ? 

Chloé Tournier : Cela va faire bientôt 16 mois que j’ai pris mes fonctions à La Garance, c’est donc à la fois une arrivée que l’on peut qualifier de récente, mais qui ne l’est plus tant que cela. Pendant cette première année de nombreux chantiers ont été mis en place, à tous niveaux : des travaux pour plus d’accessibilité et d’esthétisme dans les espaces d’accueil de La Garance, une enquête des publics en partenariat avec l’Université d’Avignon, un nouveau site internet qui sortira avec la saison 23-24, la création d’un pôle de coordination générale pour accompagner au mieux les deux Festivals que nous portons pour la première fois en 2022 – 2023, le Festival  Manip ! (autour de la magie nouvelle) et Confit ! (autour des projets artistico-culinaires). Cela prend du temps d’apprivoiser un territoire, de tisser un écosystème de partenaires, culturels mais pas que, de construire des stratégies de développement public, et surtout de faire tout cela en collectif avec les équipes et tutelles. C’est évidemment des périodes euphorisantes, nourries par les envies et les rêves que l’on projette avec des équipes, pour une structure. Pour autant, je suis heureuse d’appréhender les mois à venir plus sereinement ! 

Pouvez-vous nous donner les grandes lignes de votre projet ? 
La Rose des vents de Noémi Boutin et Emmanuel Perrodin © Jean-Pierre Dupraz
La Rose des vents de Noémi Boutin et Emmanuel Perrodin © Jean-Pierre Dupraz

Chloé Tournier : Ré-enchanter le présent vise à ré-insuffler de la poésie dans le quotidien. Ce projet reflète une conviction profonde : le réel tel que nous le percevons les uns et les autres est profondément impacté par les imaginaires que nous y projetons. Il est, de ce fait, extrêmement important de favoriser l’émergence de nouveaux imaginaires, issus de catégories de la population qui ont une place moindre importante dans le champ de la production symbolique. 
Ré-enchanter le présent porte la conviction que plaisir et apprentissage sont des notions liées et non opposées que c’est dans la joie que naissent les grandes idées, dans la convivialité, que se tissent les liens les plus pérennes. Aussi ces marqueurs forts se retrouveront dans l’ensemble des projets que nous accueillons – ou coproduisons – en pensant non pas la proposition artistique de manière isolée, mais bien l’expérience artistique globale proposée aux spectateur.trice.s. Ces expériences artistiques, par leur unicité et leur singularité, bousculent les codes habituels de représentation.
Les artistes complices auprès desquels nous nous engageons pendant trois années sont Leila Ka, le Begat Theater, Pauline Susini et Thierry Collet. Iels reflètent la grande diversité des disciplines, propres à une scène nationale, et l’attention portée à la parité bien sûr dans la diffusion mais aussi et surtout dans la production. Les saisons à La Garance sont rythmées par trois temps forts : le premier autour de la magie nouvelle avec le Festival Manip, le second autour de la cuisine avec le Festival Confit ! et enfin le Festival C’est pas du Luxe que nous construisons avec la Fondation Abbé Pierre sous forme de biennale à Avignon. 
À partir de la saison prochaine, La Garance va développer une saison « arts visuels » par le biais du dispositif Cura. Notre objectif est de devenir un lieu de culture et de vie en journée comme en soirée, que les habitant.e.s du territoire s’approprient aisément. 

Dans moins d’un mois, vous lancez le Festival Confit ! Pouvez-vous nous parler de cette manifestation qui conjugue spectacle et bonne bouffe ? 
La Cuisine des auteurs de Jérôme Pouly, sociétaire de la Comédie Française © Julien Simon Photographies
La Cuisine des auteurs de Jérôme Pouly, sociétaire de la Comédie Française © Julien Simon Photographies

Chloé Tournier : Le Festival Confit ! condense sur 5 jours des spectacles de toutes disciplines :  théâtre à la bougie en dégustant des pâtes al dentemusique de création et bouillabaissebanquets de territoires ! Mais il propose aussi des ateliers, comme l’atelier synesthésie mené par le chef Emmanuel Perrodin, qui pense l’impact de nos sens – ici en l’occurrence l’ouïe avec l’aide du trompettiste multicarte François Bérody – sur nos sensations gustatives. Nous avons aussi un Troc de confiture maison, des balades dans les Parc Régionaux naturels des Alpilles et du Luberon, des projections cinématographiques… La cuisine narre à la fois le singulier – nos identités propres et personnelles, nos parcours familiaux et patrimoines intimes – et le pluriel – nos rencontres et mises en partage, nos marqueurs collectifs. C’est un sujet sur lequel chacun.e d’entre nous a des choses à conter et qui peut être un outil fort de création de commun dans un territoire, le Vaucluse, marqué par les fractures économiques, culturelles, politiques et sociales. L’aspect culinaire peut être un marqueur de réassurance qui va favoriser une plus grande prise de risque artistique, une curiosité accompagnée pour les publics, comme par exemple sur la musique contemporaine. 
Les spectacles que nous accueillons abordent la cuisine dans le fond (elle est le sujet de la narration) comme dans la forme (les publics sont invités à manger systématiquement). L’expérience immersive permet ainsi de déguster un paysage, d’ingérer un propos artistique via nos différents sens, de le faire sien. Enfin l’expérience ainsi partagée autour d’un plat qui favorise les)échanges et rencontres, entre publics et artistes mais aussi entre les publics eux-mêmes, réintroduisant une forte notion de convivialité dans la sortie spectacle vivant. 

D’où vous est venue cette idée ? 

Chloé Tournier : Je crois tout simplement que j’ai souhaité combiner deux passions, faire plaisir aux papilles comme aux pupilles. Je crois profondément que l’intime, le quotidien, sont bien plus politiques que l’on veut le laisser croire, et que parlant de nourriture on parle en réalité de santé publique, d’environnement, d’approvisionnement, de géopolitique, de fracture sociale et culturelle, de l’histoire d’un territoire, et d’une société de demain à construire. La nourriture est un véhicule de pensée extraordinairement riche. 
J’avais ainsi réalisé mon mémoire de fin d’étude sur ce sujet, et à mon poste précédent au MAIF Social Club, développé une programmation intitulée « Matières à mijoter ». 

Bientôt vous allez lancer votre saison. Pouvez-vous en dire plus sur les grands temps forts qui vont l’émailler ? 
Leïla Ka © Nora Houguenade
Leïla Ka © Nora Houguenade

Chloé Tournier : La saison 23 – 24 est une saison de créations ! Tout d’abord parce qu’elle va nous permettre d’accueillir les créations de nos 4 artistes complices. La première de Maldone, la nouvelle pièce de Leila Ka, chorégraphe et interprète incroyable qui porte 5 danseuses au plateau pour la première fois après des solos et duos qui ont rencontré beaucoup de succès. Ce sera en novembre. La première aussi des Consolantes de Pauline Susini qui s’interroge dans un théâtre documenté et fictionné sur les process de reconstructions individuelles et collectives, à la suite d’un traumatisme. Ce sera en janvier. Le Begat Theater créera Home/Land en octobre, dans l’espace public. Et Thierry Collet reprendra Dans la peau d’un magicien en décembre pour le Festival Manip ! Globalement plus d’un tiers des projets accueillis l’année prochaine sont des créations, avec aussi Vertébrés de Lisa Guez pendant le Festival Confit !Carmen de la 2b Cie, Les vagues d’Élise Vigneron ou encore Foreshadow d’Alexander Vantournhout. Nous ouvrirons la saison avec la chanteuse Zaho de Sagazan au tout début octobre et la conclurons sur Que ma joie demeure de Clara Hédouin, une randonnée spectacle accueillie par le Festival In d’Avignon cet été.

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Festival Confit !
La Garance – Scène nationale de Cavaillon
Rue du Languedoc
84300 Cavaillon
du 10 au 14 mai 2023

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