En se penchant sur l’incroyable destin d’Yves Montand, Ali Bougheraba et Cristos Mitropoulos nous invitent à entrer dans une folle ronde qui nous emporte sur des rythmes endiablés de l’Italie fasciste au Paris d’après-guerre, de la Russie communiste à l’Amérique flamboyante des années 60. Porté par une troupe de comédiens-chanteurs épatants, Ivo Livi est un petit bijou à découvrir sans tarder.
Entouré de médecins et d’infirmiers, Yves Montand se meurt. Epuisé, son cœur s’arrête doucement. A l’orée de cette fatale issue, l’artiste remonte le fil du temps et se plonge dans ses souvenirs. La première image qui lui revient en mémoire, c’est le visage de sa mère Guiseppina, une maitresse-femme, une « mama » italienne. Si elle distribue plus facilement les claques que les caresses, elle n’en est pas moins aimante et surprotectrice avec ses trois enfants. Puis viennent les évocations de son père, Giovanni, un ouvrier acharné, un communiste dans l’âme.
Face à la montée du fascisme de Mussolini en Italie, la petite famille fuit la Toscane natale et émigre dans les quartiers pauvres de Marseille. La vie reprend son cours. Ivo s’amuse. Ivo joue. Il rêve de Paris, d’Amérique avec son ami d’enfance. La guerre va passer par là. Juif de confession, ce dernier est déporté et le jeune Livi, dont le nom à prêter à confusion, sera marqué à jamais. Après un CAP coiffure, il travaille dans le salon de sa sœur Lydia qu’elle a installé dans le garage de la maison familiale. Repéré rapidement par son physique de géant et son talent de chansonnier, il abandonne les peignes et les ciseaux et se lance dans le Music-Hall. Malgré un début chaotique, sa carrière prend son envol au contact d’Edith Piaf, qui amoureuse le prend sous aile. Tout va ensuite s’enchaîner à une rapidité déconcertante.
Séduisant et charmeur, il épouse en 1949 la fascinante Simone Signoret avec qui il formera durant près de 40 ans, le couple le plus en vue du tout Paris. Malgré une incartade avec la sublime Marylin Monroe, Montand et Signoret resteront toujours soudés partageant notamment les mêmes idéaux politiques. Chanteur, danseur hors pair, il se frotte avec succès au cinéma et devient dans les années 60 une star internationale. Si une certaine mélancolie, nostalgie, reste ancré dans son regard, dans son attitude, il marque la chanson française par son style indémodable et son talent au cordeau.
Brûlant la vie, se laissant porter par ses passions et son amour du chant, Yves Montand s’est fait un nom en lettres d’or dans le monde du Music-hall et du 7ème art. C’est cette destinée fascinante faite de succès éclatant et de drames intimes que Cristos Mitropoulos et Ali Bougheraba nous proposent de découvrir dans un spectacle burlesque, hilarant et profondément humain. Ils nous entraînent dans l’ascension de cet idéaliste vers les firmaments de la consécration à un rythme effréné.
Toujours en mouvement les quatre comédiens-chanteurs changent de personnages à vue. Un simple accessoire, une attitude, une modulation de la voix, et hop ! En un clin d’œil, ils sont quelqu’un d’autre. Véritables virtuoses, ils nous invitent dans une danse effrénée qui ne s’arrêtera que le rideau enfin baissé refermé. Camille Favre-Bulle se glisse avec charme et amusement dans la peau de toutes les femmes de la vie d’Ivo Livi. Mère, sœur, femmes, elle est une Piaf épatante et gouailleuse à souhait. Benjamin Falletto est un Ivo jeune, naïf et sensible. Cristos Mitropoulos, un Montand plus mature, plus séducteur. Jean-Marc Michelangeli (en alternance avec Ali Bougheraba), un Montand vieillissant, fascinant. Et Olivier Selac, avec son accordéon, nous entraîne passionnément dans ce conte vibrant et touchant.
Conquis par autant de talent et par l’ingéniosité de cette mise en scène rythmée, on en oublie presque les côtés moins glorieux de Montand, savamment escamotés du récit, et la truculence un brin excessive du spectacle. Ivo Livi, le destin d’Yves montand est un délice de spectacle à savourer au plus vite. C’est Brillant !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Ivo Livi ou le destin d’Yves Montand d’Ali Bougheraba et Cristos Mitropoulos
Théâtre de la Gaité-Montparnasse
26, rue de la Gaité
75014 Paris
Jusqu’au 31 décembre 2016
Du jeudi au samedi à 19h – Dimanche à 17h
Reprise au Théâtre Tristan Bernard à partir du 21 janvier 2017
Mise en scène Marc Pistolesi
Avec Camille Favre-Bulle,Ali Bougheraba,Benjamin Falletto,Cristos Mitropouloset Olivier Selac à l’accordéon
Crédit photos © Fabienne Rappeneau
Super spectacle