Salle Richelieu, Stéphane Varupenne, guitare à la main et micro à portée, insuffle au Proust imaginé par Christophe Honoré dans son adaptation de la Recherche des airs de dandy post-apocalytique, plus mélancolique que romantique. Vibrant, touchant et décalé, le comédien s’amuse du contre-emploi et confirme son talent de caméléon.
©Stéphane Lavoué, coll. comédie-Française
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
L’envie de reproduire pour mes camarades, à la fête de fin d’année de l’école primaire, le personnage de Charlot que j’avais vu avec ma classe dans Les Temps modernes.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien et metteur en scène ?
La scène était sûrement la possibilité pour moi, plutôt introverti, bon petit soldat, ayant peur de gêner les autres, le moyen de pouvoir exprimer ma petite folie et l’insolence enfouie au fond de moi, dans un cadre qui me protégeait et m’autorisait tout. C’était également un moyen de côtoyer le monde des adultes plus rapidement peut-être : j’étais souvent le petit dans les divers ateliers que j’ai pu faire.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
J’ai un souvenir particulier d’un spectacle à partir de textes de Durringer au lycée, avec mon professeur de sciences économiques, Serge Reliant, qui dirigeait l’atelier. Ces textes que j’ai utilisés lors d’auditions m’ont permis de rentrer au conservatoire par la suite. La confiance les conseils de Serge sur l’écoute du partenaire, sur comment ne pas tirer la couverture à soi, résonnent encore aujourd’hui.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Arrivant à Paris en ayant vu très peu de spectacles, beaucoup de choses m’impressionnaient. Je me souviens de The elephant vanishes de Murakami mis en scène par Simon McBurney, j’en étais sorti émerveillé par la vidéo et le son. Et puis voir des acteurs japonais et anglais, sous titrés en français, moi qui avais peu voyagé alors, pensant que Bobigny était le bout du monde… incroyable. Et puis la découverte de textes, d’auteurs, par un acteur seul en scène : Denis Lavant dans Figures sur Francis Bacon, Jean-Quentin Châtelain dans Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas d’Imre Kértesz, Niels Arestrup dans les Lettres à un jeune poète de Rilke… trois grands souvenirs !
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Encore une fois, je commencerais par mon professeur Serge Reliant au lycée. C’est fondateur. Ça commence souvent par un très bon professeur. Puis des amis au CNSAD comme Thibault Perrenoud, formidable comédien et metteur en scène. Il y a bien sûr, mes amis rencontrés au Français comme Jérémy Lopez et Sébastien Pouderoux avec qui nous avons créé un vrai partenariat et partagé de si belles aventures en alliant nos deux passions, le théâtre et la musique. Et puis les metteurs en scène de spectacles qui m’ont apporté beaucoup, je pense à Anne Kessler, Julie Deliquet, Thomas Ostermeier et Christophe Honoré, entre autres.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Il m’enrichit artistiquement et humainement, il me permet de lire, de voir et d’entendre avec une acuité décuplée puisque toutes ces lectures, ces écoutes, ces regards, quand ils sont liés à mon travail, ont un but, constituent une recherche, pas seulement un passe-temps ou une récréation.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Tout peut être source d’inspiration. J’essaie de ne rien négliger, de rester curieux dans plein de domaines.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
J’essaie de ne pas trop sanctuariser le plateau, même si je ne le prends pas comme un bac à sable non plus. J’essaie d’être le plus possible au présent, ça n’est pas toujours facile, il y a la peur du trou quand on change sa « musique », et puis ça se fait avec l’autre : réinventer tout seul peut paraître factice également.
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Je pense à la voix surtout : trouver le timbre, le volume, le rythme pour que la pensée soit nette, précise et rendre le phrasé du poète.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Je ne me pose pas ou plus cette question, peut-être pour ne pas trop en attendre, ne pas être déçu si ça n’arrive pas, mais aussi parce que depuis que j’ai commencé, j’ai fait de belles rencontres avec des metteurs en scène, des rôles, des univers, qui étaient complètement inattendus, comme faire un spectacle sur Gainsbourg ou jouer Marcel dans Le Côté de Guermantes et lire La Recherche par exemple… des choses que je n’aurais jamais imaginées. Je préfère continuer à me laisser surprendre et on verra bien.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Je risque de redire ce que j’ai dit à la question précédente, et puis, en ce moment, le projet fou qui me prend pas mal de temps, c’est la paternité, essayer d’être un père suffisamment bon. Peut-être qu’artistiquement ça va aussi débloquer des choses et des envies, qui sait ?
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Ce n’est pas facile de résumer en une seule œuvre…
Je dirais le Boléro de Ravel, peut-être, c’est le fait d’être au Français qui me fait penser à ça sûrement, dans cette répétition inlassable du même thème, ce roulement perpétuel, cet épuisement, ce passage d’un instrument à l’autre, et cette musique qui fait partie du patrimoine, si populaire qui grandit, qui s’enfle et qui emporte…
Olivier Frégaville-gratian d’Amore
Le Côté de Guermantes d’après Marcel Proust
Création au Théâtre Marigny en 2020
Reprise à la Comédie-Française
Jusqu’au 14 mai 2023
Durée 2h30 environ
Adaptation et mise en scène Christophe Honoré
Avec Claude Mathieu, Anne Kessler, Éric Génovèse, Florence Viala, Elsa Lepoivre, Julie Sicard, Loïc Corbery, Serge Bagdassarian, Gilles David, Stéphane Varupenne, Sébastien Pouderoux, Laurent Lafitte, Rebecca Marder, Dominique Blanc (remplacée exceptionnellement par Clément Hervieu-Léger), Yoann Gasiorowski et les comédiens de l’académie de la Comédie-Française Aksel Carrez, Mickaël Pelissier, Camille Seitz, Nicolas Verdier
Preneur de son Romain Gonzalez
Scénographie Alban Ho Van et Ariane Bromberger
Costumes Pascaline Chavanne
Lumière Dominique Bruguière
Son Pierre Routin
Travail chorégraphique Marlène Saldana