Un œil brun, presque noir, des lèvres roses, un pelage châtain, presque doré, à la place du visage, ainsi apparaît Madeleine Gonzalès, fillette d’à peine huit ans, en couverture du dernier roman historique de Mario Pasa. Le personnage intrigue, attise toutes les curiosités. Est-elle une créature fantastique, une chimère ? A-t-elle vraiment existé ?
Se glissant dans la peau de cette enfant velue née lors du massacre de la Saint-Barthélemy, l’auteur d’origine italienne donne vie à un tableau tombé dans l’oubli, exposé au château d’Ambras, au cœur du Tyrol. Habillée d’une robe somptueuse de cour, Madeleine a le regard triste, un peu boudeur, l’air impavide, placide, comme pour oublier qu’aux yeux de beaucoup, elle est une créature, une étrangeté, un phénomène de foire. Affublée d’une fourrure qui recouvre en grande partie sa figure, tout comme son père et la plupart ses frères et sœurs, elle est atteinte d’hypertrichose, soit un développement excessif de la pilosité. Cette particularité lui fait côtoyer les grandes personnalités du XVIe siècle : Catherine de Médicis, les Farnese, mais aussi Ambroise Paré, qui s’occupe d’elle avec bienveillance, avec affection.
À travers ses yeux, défile l’histoire de France et d’Italie. Adulée par les uns, ostracisée par les autres, elle vit et s’instruit. Définitivement humaine, elle habite les pages de cette fiction très bien documentée. La plume de Mario Pasa est assez précieuse, un brin désuète, pour permettre de plonger sans réserve dans les pensées de cette fillette, cette femme devenue héroïne de roman. C’est ce qui fait la beauté du geste, mais en complique aussi la lecture. S’amusant notamment à insérer des citations d’Ambroise Paré, l’auteur complexifie sa prose, mais n’oublie pas dans son récit la part de fable, de conte qui se cache par-delà les apparences. Derrière le monstrueux, le fantastique n’est jamais loin… de quoi laisser nos imaginaires déborder !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
L’infante sauvage de Mario Pasa
Éditions Actes Sud
janvier, 2023
10.00 x 19.00 cm
224 pages