Regarde les tomber, Thomas Piasecki ©Simon Gosselin

Regarde les tomber, un triangle amoureux au Larzac

Dans «Regarde les tomber», Thomas Piasecki met en scène le triangle amoureux et politique d'une femme et deux hommes rencontrés au Larzac.

Tous au Larzac ! C’est au beau milieu de cette lutte historique, amorcée par un projet d’extension de camp militaire en plein Massif central, que se rencontrent Irène, Reza et Gaspard. Entre 71 et 81, contre l’expropriation de « quelques paysans, pas beaucoup, qui élevaient vaguement quelques moutons » (dixit André Fanton, secrétaire d’État à la Défense du gouvernement Chaban-Delmas), en réalité cent-huit familles, un mouvement de désobéissance civile réunit jusqu’à une centaine de milliers de personnes sur les mille kilomètres de la causse du Larzac. Sur une scène sagement meublée d’une structure en bois, où un écran affiche des images de ces dix années de lutte, Irène, désormais sexagénaire, convoque les souvenirs des deux hommes qu’elle a rencontrés coup sur coup l’été 76. Gaspard en juillet, Reza en août. Elle les a aimés l’un et l’autre, simultanément, sans cachotteries. À fait un enfant à chacun, et partage depuis sa vie entre le Larzac, où vit Gaspard, et Béthune, où s’est installé Reza.

Regarde les tomber, Thomas Piasecki ©Simon Gosselin
©Simon Gosselin

Comme l’arrivée de libertaires et de militantes féministes dans les petites propriétés paysannes de la causse aveyronnaise a fait de ce petit morceau de campagne l’un des terrains de la révolution sexuelle, le trio amoureux formé par les trois protagonistes ébranle les mœurs traditionnelles — en témoignent les coups de fil entre Irène et ses parents, ou l’impossibilité, pour Reza, d’assumer ouvertement cette conjugalité partagée. On renoue non sans intérêt avec les enseignements politiques portés par cette évocation entremêlant la vie intime et l’histoire française à grand renfort d’archives. Mais la pièce de Thomas Piasecki, artiste associé à la Comédie de Béthune, ne parvient pas vraiment à opérer la synthèse de ces deux régimes de récit, entre l’écran et la scène. Et, à ratisser trop large, perd sa focale et dilue son essence. Le récit finit presque par se cristalliser autour de Reza, français maghrébin pour lequel l’abandon libertaire est compliqué par son héritage social d’enfant d’immigrés prolétaires, et c’est presque dans cette digression, paradoxalement, que la pièce retrouve le plus de chair. En dépit du potentiel d’une distribution aux couleurs de jeu différentes (Murielle Colvez, Joseph Drouet et Johann Weber), l’ensemble peine ainsi à prendre totalement corps et à faire sienne la profusion d’idées et d’échanges qui aura émergé de ces fructueuses années de lutte.

Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé spécial à Béthune

Regarde les tomber de Thomas Piasecki
Comédie de Béthune – CDN des Hauts-de- France
138 Rue du 11 Novembre
62400 Béthune

Du 27 février au 4 mars 2023
Durée 1h36

Tournée
En octobre 2023 au Bateau Feu, scène nationale de Dunkerque
22/23 et 23/24 en construction

Texte et mise en scène Thomas Piasecki
Jeu Murielle Colvez, Joseph Drouet et Johann Weber
Assistant à la mise en scène Emmanuel Bordier
Scénographie Philémon Vanorlé
Lumières Emmanuel Bordier
Vidéo Pierre-Martin Oriol
Son, musique Gilles Gauvin

Crédit photos © Simon Gosselin

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