Rachel Arditi © Céline Nieszawer

Dans la tête follement lunaire de Rachel Arditi

Les Éditions Flammarion publie "J'ai tout dans ma tête", le premier roman autofictionnel de la comédienne Rachel Arditi.

J'ai tout dans ma tête de Rachel Arditi © Flammarion
© Flammarion

Regard noir scrutant dans de lointaines pensées, l’air un peu boudeuse, un peu mélancolique, tee-shirt rayé, Rachel Arditi, enfant, pose pour son père. C’est par cette image, ce tableau plus exactement, qui lui sert aussi accessoirement de photo de profil sur son compte Facebook, qu’on entre dans son premier roman. Il est très difficile de se détacher de ce visage impassible de petite fille. Quelque chose accroche, donne envie d’en savoir plus.

Dès les premières pages, le ton est donné, mi-lunaire mi-métaphysique. C’est dans un EPHAD, situé dans un château à Nogent-sur-Marne, à quelques encablures de Paris, que tout commence et que tout se termine. Une maison de retraite un peu particulière, destinée aux artistes. Bien qu’il rêve d’évasion, qu’il fasse tous les jours de nouveaux plans sur la comète, pour rejoindre son Marseille natal, le père de Rachel y a tout-à-fait sa place. Régulièrement en fille aimante, elle le visite, se laisse bercer par les projets farfelus, les douces illusions de ce peintre atteint d’Alzheimer. Entre eux, alors qu’il a 96 ans et elle tout juste la trentaine, il y a une belle communion, un amour infini. Elle est sa biche, il est son soleil. 

Derrière l’apparente légèreté de cette figure paternelle très bohème, dont elle esquisse un tendre et taquin portrait, se dessine en contrepoint, le récit parallèle d’une jeune comédienne qui cherche sa place dans un monde pas tout à fait pour elle. Trop réel, peut-être. Sensible, rêveuse, elle s’identifie à Tatiana, l’héroïne d’Eugéne Onéguine de Pouchkine, dont elle prépare une adaptation revisitée pour un grand théâtre parisien. Croquant ses contemporains avec ses belles dents blanches et une autodérision si fidèle à sa personnalité, Rachel Arditi signe un roman initiatique touchant et humain. La plume est enlevée, drôle pour parler de son père depuis disparu, un brin mélancolique, mais jamais noire quand elle évoque son métier de comédienne dépendant du désir des autres. 

Réalité fantasmée ou fiction autobiographique, J’ai tout dans ma tête séduit par cette fraîcheur grave autant qu’éthérée, par cette ambiance singulière où, entre les lignes, l’autrice apparaît en toute fantaisie ! 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

J’ai tout dans ma tête de Rachel Arditi
Éditions Flammarion
parution le 11 janvier 2023
240 pages
Prix conseillé 19,00 euros

Crédit portrait © Céline Nieszawer

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