Troublante et poétique histoire que cette passion sombre et ravageuse d’une institutrice envers un de ses élèves de 5 ans doué pour la magie des mots.
Le synopsis : Une institutrice décèle chez un enfant de 5 ans un don prodigieux pour la poésie. Subjuguée par ce petit garçon, elle décide de prendre soin de son talent, envers et contre tous.
La Critique : Difficile à appréhender, ce second film de Nadav Lapid, tant la beauté des images se mêle au trouble malsain qui se dégage de la relation qui s’installe progressivement entre Nira, l’institutrice, et Yoav, le poète en culotte courte.
Au commencement, nous découvrons une institutrice douce, presque transparente, tout ce qu’il y a de plus ordinaire, dans une école de quartier de Tel Aviv. L’espace est lumineux et plaisant. Tout semble paisible dans un cadre épuré et sobre. Un véritable nid douillet pour ces jeune enfants, qui ne connaissent pas encore la brutalité du monde qui les entoure. La caméra s’attarde sur les visages, et notamment celui de Nira. S’il peut paraître quelconque au premier abord, très vite l’intensité de son regard, d’un bleu lumineux et incandescent, nous irradie et nous terrasse. Le charme agit. Cette femme brûle d’un feu hypnotique. Derrière, l’ordinaire se cache une autre femme, une poétesse en herbe, rêvant d’ailleurs et d’évasion pour fuir un monde qui ne lui correspond pas, rêvant aussi d’égaler les poètes reconnus d’un temps révolu.
On naît poète, on ne le devient pas. La capacité d’observer la beauté du monde et d’en sublimer l’éclat grâce à la magie des mots est un don. C’est ce que découvre Nira, en écoutant un soir, Yoav, un de ces jeunes élèves, âgé de 5 ans, déclamer à sa superbe nounou, un poème aux tonalités chantantes et au verbe chargé d’émotion. De ce moment de grâce, va naître chez Nira une folie ravageuse et destructrice. Elle en est persuadée, cet enfant blond comme les blés et aux yeux bleus qui se perdent dans le vague est un génie de la poésie. Il faut donc le protéger du monde extérieur qui n’est pas prêt à l’accueillir et à reconnaître en lui un être d’exception.
Malgré une mise en scène sobre, peut-être trop, le long métrage de Nadad Lapid prend des accents oniriques en filmant au plus près le visage et les regards de ses protagonistes, regards qui se répondent et se fuient tout à la fois. La magie des images, ainsi que leur beauté, fait écho à l’indicible et malsain attrait que Nira ressent pour Yoav. La passion poétique qu’éprouve cette institutrice n’a pas de limite. Elle est entière, dévorante et violente. Elle nous chavire, nous bouleverse et nous entraîne à nos corps défendant dans ce tourbillon dramatique sans que l’on puisse s’y opposer.
A l’instar de Nira subjuguée par le talent de Yoav, nous le sommes par la beauté brute de ce film, malgré l’arrière goût amer et désagréable que laisse cette histoire dans nos consciences.
Bien qu’un peu long, l’institutrice fait partie de ces œuvres qui resteront gravées dans notre mémoire. malgré les quelques réticences que votre esprit peut manifester par moments laissez-vous plonger dans le bleu hypnotique des yeux de Sarit Larry, sublime et troublante dans le rôle de cette femme en décalage avec le monde actuel sans âme et sans magie…
réalisé par Nadav Lapid
Avec Sarit Larry, Avi Schnaidman et Lior Raz
Date de sortie : 10 septembre 2014
Durée : 2h00mn
