Agathe Mélinand © Polo Garat

Agathe Mélinand : « Pour La Périchole, Il s’agissait donc, de créer un langage argotique, théâtral, actuel et amusant. »

Au Théatre des Champs-Élysées, La Périchole d'Offenbach, mise en scène par Laurent Melly fait carton plein. Rencontre avec Agathe Mélinand, dramaturge du spectacle.

Agathe Mélinand © Polo Garat

La dramaturge connait son « Meilhac et Halévy » sur le bout des notes et des mots depuis qu’elle travaille sur les livrets des œuvres de Jacques Offenbach. Pour La Pèrichole, qui remporte un succès fou au Théâtre des Champs-Élysées dans la mise en scène de Laurent Pelly et sous la baguette Marc Minkowski, Agathe Mélinand a livré une partition langagière drôle et actualisée. La belle Périchole est une punk sans chien et son amoureux Piquillo gratte mal une guitare, ils crèvent la dalle et parlent comme les jeunes d’aujourd’hui… et sont irrésistibles !

Vous avez adapté un grand nombre d’œuvres de Jacques Offenbach depuis Orphée aux enfers en 1997. Comment votre approche du livret, a-t-elle évolué́ ? 
LA PERICHOLE de Jacques OFFENBACH - Direction musicale : Marc MINKOWSKI - Direction des choeurs : Salvatore CAPUTO - Mise en scene et costumes : Laurent PELLY - Adaptation des dialogues : Agathe MELINAND - © Vincent PONTET

Agathe Mélinand : Le travail est différent selon les œuvres, en fonction des sujets, de la longueur des livrets, de la question de l’actualisation, mais je peux dire que pour moi c’est toujours la première fois. Avec La Belle Hélène, certains puristes et encore aujourd’hui d’ailleurs, criaient au sacrilège qu’on ait pu avoir oé toucher aux livrets de Meilhac et Halévy … Mais en vérité il est très compliqué de jouer cela in extenso aujourd’hui sans y toucher. Je n’ai jamais pensé́ avoir une « mission » dans le milieu de l’opéra -bouffe qui serait de réécrire les dialogues des livrets d’opéra d’Offenbach. Ce que je pense est qu’il vaut mieux les retravailler un peu. Alors, oui j’ai évolué dans cette approche, parce que maintenant j’ose plus. Pour La Périchole, c’est une phrase qui m’a permis d’y aller carrément. A la création en 1868, le spectacle a été un four, le public disait : « pourquoi nous parler de pauvres qui ont faim ? ». Il y a une provocation dans La Périchole et je souhaitais appuyer sur ce point. 

Vous dites que votre moteur c’est la musique ? 

Agathe Mélinand : Oui, c’est la source primordiale : ce qui est important c’est Offenbach. Je travaille en musique, pour la musique et je cherche à écrire des dialogues les plus musicaux possibles tout en essayant de me mouler dans le style de Meilhac et Halévy. Ce travail pour La Périchole peut se comparer à celui que j’ai effectué́ sur La grande duchesse de Gerolstein : il y a dans l’un comme dans l’autre, plus de dialogues que de musique et ça n’est pas possible aujourd’hui. 

Comment Offenbach travaillait-il avec Meilhac et Halévy ? 
LA PERICHOLE de Jacques OFFENBACH - Direction musicale : Marc MINKOWSKI - Direction des choeurs : Salvatore CAPUTO - Mise en scene et costumes : Laurent PELLY - Adaptation des dialogues : Agathe MELINAND - © Vincent PONTET

Agathe Mélinand : Il était le chef, ce qui ne change rien au génie de Meilhac et Halévy. Il les harcelait, ne les laissait jamais tranquilles, et surtout il refaisait tout, les dialogues, la musique, adaptant, changeant, coupant…c’était du « live ! », il adaptait l’œuvre à la situation : après Sedan et la défaite de Napoléon III, Offenbach a ajouté un acte à La Périchole. Chef d’orchestre, compositeur, metteur en scène, tortionnaire de librettistes, il ne s’arrêtait jamais, il savait ce qu’il voulait et ce qui plairait : Il fallait que ça marche et que ça rapporte de l’argent. Et il l’a fait pendant dix ans de manière éclatante.
A la fin de sa vie, il a voulu changer de genre en montant La Haine de Victorien Sardou, il s’est ruiné et sa vie artistique s’est arrêtée là. 

Quelles sont les particularités de La Périchole ? Y avait-il des difficultés particulières comme trouver le langage adapté à notre époque ?

Agathe Mélinand : Ce qui est diffèrent ici c’est la noirceur et c’est ce qui fait la beauté́ de la pièce ! L’histoire est grinçante, sordide et le danger aurait été de louper le sordide, même si c’est drôle, entraînant. La situation des deux héros est dramatique. Ces chanteurs de rue, Périchole et Piquillo, vivent dans la misère, crèvent de faim et elle choisit de laisser tomber son amoureux pour un dîner et quelques bijoux offerts par le vice-roi. Elle se vend et même si elle dit à Piquillo que rien ne s’est passé avec le vice-roi, on n’est pas obligé de la croire. Elle n’est pas nymphomane comme La grande duchesse de Gerolstein ou La belle Hélène, elle utilise « son cul » pour arriver à quelque chose. Nécessité fait loi. A l’époque d’Offenbach, les demi-mondaines étaient les reines de Paris. Un jour, l’une d’elles joua dans Orphée aux Enfers vêtue exclusivement de ses diamants. On dit, qu’au cours du spectacle, elle jetait, l’un après l’autre, ses diamants aux techniciens du théâtre. Périchole, elle, garde ses diamants, grâce accordée par le vice-roi, et tout finit en vitesse, comme toujours avec Offenbach et en happy end, même si son monde est en train de disparaître. 

Ce sont les personnages qui vous ont inspirée leur langage Comment avez-vous travaillé avec les chanteurs ? Vous vous êtes adaptée à eux ?
LA PERICHOLE de Jacques OFFENBACH - Direction musicale : Marc MINKOWSKI - Direction des choeurs : Salvatore CAPUTO - Mise en scene et costumes : Laurent PELLY - Adaptation des dialogues : Agathe MELINAND - © Vincent PONTET

Agathe Mélinand : En fait, mon travail est fantasmatique : je rêve… je rêve avec Meilhac et Halévy. Une fille qui vit dans la rue aujourd’hui parlera avec les expressions et les mots d’aujourd’hui. Il s’agissait donc, de créer un langage argotique, théâtral, actuel et amusant. Je n’ai pas écrit pour les chanteurs, ce sont eux qui se sont emparés de leurs personnages. Stanislas de Barbeyrac, -qu’on savait doué mais pas à ce point ! – s’est emparé de Piquillo et il est sublime. Je suis ouverte aux transformations, s’il y a besoin de changer, on change, mais pas trop, sinon tout s’écroule. 

Quelles sont les œuvres que vous aimeriez travailler à présent ?

Agathe Mélinand : Robinson Crusoé, une des plus jolies œuvres d’Offenbach et j’aimerais beaucoup qu’on s’attaque, Laurent Pelly et moi, à Geneviève de Brabant, un grand délire médiéval. Je vais retrouver Meilhac et Halévy à l’opéra de Lille pour La chauve-souris. Laurent met en scène et je retravaille le livret à partir de la pièce Le réveillon, écrite par nos deux librettistes. Et là, nous nous préparons à L’impresario de Smyrne, une pièce du théâtre de Goldoni que j’ai adaptée, Natalie Dessay fait partie de l’aventure. 

Propos recueillis par Brigitte Hernandez 

La Périchole d’Offenbach
Théâtre des Champs-Élysées
15 avenue Montaigne
75008
jusqu’au 27 novembre 2022

Le spectacle sera diffusé sur une chaîne de France Télévisions courant avril 2023 et les auditeurs de France Musique pourront le déguster le 31 décembre. 

direction musicale de Marc Minkowski
mise en scène et costumes de Laurent Pelly
adaptation des dialogues d’Agathe Mélinand
scénographie de Chantal Thomas
lumières de Michel Le Borgne
collaborateur aux costumes – Jean-Jacques Delmotte
avec Stanislas de Barbeyrac, Laurent Naouri/ Alexandre Duhamel, Antoinette Dennefeld/ Marina Viotti, Les Musiciens du Louvre et le chœur de l’Opéra National de Bordeaux

Crédit Portrait © Polo Garat
Crédit photos © Vincent pontet

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