Pour sa deuxième création en tant que directeur du Ballet, Émilio Calcagno affirme son geste chorégraphique, son questionnement sur le lien entre danse et musique. Toujours en quête de défi, après Storm, pièce qui s’appuyait uniquement sur une bande son électro, l’artiste sicilien puisse cette fois dans l’univers effervescent, débridé des compositeurs de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Il s’amuse de cet éclectisme, où se conjugue romantisme, minimalisme, surréalisme et nappe électro-acoustique imaginée par Matteo Franceschini, s’en nourrit et signe une œuvre où défile de manière très kaléidoscopique des grammaires chorégraphiques empruntant autant au ballet classique, aux danses de salon, qu’à une gestuelle très contemporaine.
De Satie à Ravel, en passant par Messiaen ou Lilie Boulanger – rare compositrice de cette époque à ne pas avoir sombré dans l’oubli et dont l’une des œuvres les plus connues donne son nom à ce spectacle assez féministe – joués en direct par l’Ensemble Ouest d’Aurélien Richard, Émilio Calgagno imagine une succession de tableaux vivants, d’images d’où surgissent des personnages mythologiques, des figures divines. Traversant le plateau, des amazones tout de noir vêtu cèdent la place à une Jeanne d’Arc des temps modernes portant casque de pompier. Un découpage de l’espace rappelant l’œuvre de Mondrian répond à une évocation fugace du Déjeuner sur l’herbe de Manet. Mais c’est chez Caravage, qu’il trouve une matière picturale, plastique, qui fait écho à son goût du spectaculaire, du tragique. Jouant des tempos, des codes, passant de duos charnels à de grands ensembles plus rythmés, diffractant les points de vue grâce à un miroir descendant des cintres, il multiplie les références pour mieux s’en affranchir et inventer son propre langage.
Loin d’imposer une vision du monde prédéfinie, l’artiste sicilien convoque l’imaginaire du spectateur, le fait voyager dans des univers très différents et ainsi ouvrir une boîte à rêve grandeur nature. Portée par l’écriture précise, concise d’Émilio Calcagno, la troupe, d’où émerge de nouvelles têtes, passe à l’étape supérieure, fait corps et dévoile une belle maîtrise. D’un matin de printemps sonne le renouveau du Ballet de l’Opéra Grand Avignon.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon
D’un matin de printemps d’Emilio Calcagno
Opéra Grand Avignon
Place de l’Horloge
84000 Avignon
Jusqu’au 30 octobre 2022
Durée 1h10 environ
Décors et costumes de Thibault Sinay
Création lumière d’Elena Gui
Musiques de Claude Debussy, Gabriel Fauré, Maurice Ravel, Erik Satie, Lili Boulanger
Arrangements d’Aurélien Richard
Musique électronique de Matteo Franceschini
Avec le corps de Ballet de l’Opéra Grand Avignon et l’Ensemble Ouest – Violon Constance Ronzatti, Violoncelle Myrtille Hetzel & Piano Aurélien Richard
Crédit photos © Mickaël & Cédric Studio Delestrade