Après le succès de la première édition, le Théâtre de la Reine Blanche poursuit l’aventure d’« Osez les Autrices ». Rencontre avec Tessa Volkine, vice-présidente de l’AAFA, qui a eu l’idée de cette manifestation permettant de découvrir des pépites de théâtre écrites par des autrices émergentes.
Comment vous est venue l’idée de ce rendez-vous ?
Tessa Volkine : Quand j’ai arrêté la présidence de l’AAFA-Actrices et Acteurs de France Associés, j’ai créé la commission AAFA-Parité-Egalité. Un projet qui me tenait vraiment à cœur. On a commencé à travailler sur des chiffres et sur plein d’autre choses. Pour les autrices, les chiffres donnés par la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) indiquaient que seules 35% d’entre elles voyaient leurs œuvres montées au théâtre. Mais il n’y a pas que ça ! On a donné à Carole Thibaut le plus petit CDN de France (le théâtre des Îlets de Montluçon) : est-ce parce que c’est une femme ?!
Ce n’est pas nouveau, le peu de place qui est laissé aux autrices…
Tessa Volkine : Aurore Evain, comédienne, metteuse en scène, autrice, qui a beaucoup travaillé sur les femmes et les actrices, a remis au jour des pièces écrites au temps de Molière, et même d’avant, par des femmes. Il faut savoir qu’elles étaient nombreuses et avaient beaucoup de succès, à l’époque. C’est Aurore qui a fait revenir le mot autrice, rappelant que ce terme existait autrefois. Au moment de la création de l’Académie, les hommes avaient décidé que ce mot ne pouvait pas exister puisque les femmes n’écrivaient pas. Et voilà comment il a été rayé de notre vocabulaire.
Ça vous a motivée, j’imagine ?
Tessa Volkine : J’avais envie de passer par l’artistique pour notre commission. Pourquoi ne pas mettre en place des lectures de pièces écrites par des femmes ? Celles-ci sont encore plus mal loties que toutes les comédiennes. On ferait ainsi travailler les comédiennes et comédiens de l’AAFA. Et on pourrait faire la promotion des autrices. C’est du militantisme ! L’idée était de commencer la soirée par une présentation de notre organisme, bien sûr, et d’inviter une personnalité qui nous parlerait de la parité dans nos métiers. Je précise dans tous les corps de métiers : cela peut être la production, etc. L’autre idée était de donner quelques chiffres issus de l’Observatoire de l’égalité et autres. Ils sont représentatifs de la situation. On voit que ça bouge, mais pas tant que ça.
Et comment le théâtre de la Reine Blanche est arrivé sur le projet ?
Tessa Volkine : Il se trouve que ma complice, avec qui je travaille, Françoise Lorente, connaît bien Sabine Dacalor, qui s’occupe et de la production et de la programmation du théâtre. Elle lui en a parlé et Sabine a rebondi tout de suite : il était prévu de mettre en place tout un festival sur les pièces écrites par des femmes. On s’est rencontrés avec la directrice du théâtre, Élisabeth Bouchaud, Sabine Dacalor et Ulysse Baratin, à l’époque programmateur. C’est ainsi que s’est mise en place la première édition. On a créé un comité de lecture avec des membres de différentes commissions de l’AAFA. Nos ressources sont principalement des textes envoyés par Artcena, la SACD Beaumarchais, les E.A.T-Écrivaines-Écrivains Associés du Théâtre. Le critère était les autrices émergentes. Ce qui ne veut pas dire jeunes, mais que leurs textes ne soient pas édités ou joués dans l’année. Pour la première édition, nous en avons lu plus de 80 ! Comme cela avait lieu une fois par mois, nous en avons présenté neuf. L’aventure s’étant très bien passée, la Reine Blanche nous a proposé de la poursuivre pour cette saison.
Cette deuxième édition sera un peu différente…
Tessa Volkine : Déjà, cela se déroulera tous les deux mois ! Et il m’est venu l’idée de proposer au SNMS (Syndicat National des Metteuses et Metteurs en Scène) d’intégrer l’aventure. Lorsque j’en ai parlé à son président, Cyril Le Grix, il m’apprend que chez eux, Audrey Bertrand a justement monté une commission harcèlement et parité. Du coup, je la contacte et elle s’enthousiasme ! Maintenant, nous travaillons avec elle. Le comité de lecture s’est étoffé avec l’arrivée des metteuses et metteurs scène. On a retenu cinq pièces cette année. La première est Autoken d’Anne Corté, mise en lecture par Guy-Pierre Couleau, avec six comédiennes et comédiens de l’AAFA. Notre invitée est Madeleine Aba Bowe Bouniol, conseillère emploi à Pôle Emploi Spectacles, spécialisée dans la parité et la diversité.
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Osez les autrices
Théâtre de la Reine Blanche
2 bis, passage Ruelle
75018 Paris.
Les samedis 15 octobre, 10 décembre 2022, 11 février, 15 avril, 10 juin 2023 à 16h.
Durée : 2 heures
Samedi 15 octobre : Autoken de Anne Corté.
Mise en lecture de Guy-Pierre Couleau,
Avec les comédiennes et comédiens de l’AAFA, Juliette Blanche, Sabine Lenoel, Juliette Maurice, Cyrille Perrin, Bastien Massalongo, Hervé Terrisse.
Invitée Madeleine Aba Bowe Bouniol, conseillère emploi à Pôle Emploi Spectacles.
A venir :
Samedi 10 décembre : « Méduses » de Mélie Néel.
Samedi 11 février : »Feux » de Céline Bernard.
Samedi 15 avril : « Kingsland » de Sophie Merceron.
Samedi 10 Juin : « Putain d’un jour » de Marie-Hélène Chiocca.
Crédit photo © Mohamed Khalil