Orphée et Eurydice de Gluck. Mise en scène de Robert Carsen © vincent Pontet

Orphée et Eurydice retrouvent vie et jeunesse au Théâtre des Champs-Élysées

Encore quelques jours pour découvrir, au Théâtre desChamps-Élysées, la nouvelle production de ce mythique opéra de Gluck dans une splendide mise en scène de Robert Carsen.

Orphée et Eurydice de Gluck. Mise en scène de Robert Carsen © vincent Pontet

Encore quelques jours pour découvrir la nouvelle production de ce mythique opéra de Gluck dans une splendide mise en scène de Robert Carsen.

Robert Carsen a convoqué les champs Phlégréens, ce lieu lunaire et angoissant que les Grecs considéraient comme l’entrée des Enfers. Le metteur en scène canadien y a installé la première scène, l’enterrement d’Eurydice que la mort a enlevée à Orfeo, inconsolable héros. 

Intense mise en scène
Orphée et Eurydice de Gluck. Mise en scène de Robert Carsen © Vincent Pontet

« La mise en scène est un pont entre la scène et la salle, explique clairement le metteur en scène dans le programme. Ce qui m’incite à briser le « quatrième mur » de temps en temps » — ce fameux mur imaginaire qui sépare le public de la scène. Est-ce le cas ici ? Carsen a souhaité, comme pour tous ses nombreux spectacles (opéras, comédies musicales, théâtre) que les spectateurs « participent intuitivement en s’appropriant une partie de l’histoire. Chacun s’emparera différemment de la musique et des émotions qu’elle fait naître. » Un vœu pieu que ce refrain bien usé, trop souvent promis ? Eh bien ici, c’est vrai, et ô combien cette musique de mort, d’amour et de renaissance, dans cette mise en scène, se révèle irrésistible. Orfeo se tient sur cette terre de douleur, pierreuse et désolée, et voit le cortège des funérailles s’avancer avec le corps de son amour vers le trou creusé. 

Des artistes lumineux 

Orfeo est beau, jeune. Un rêve que ce contre-ténor polonais, break dancer (eh oui !) qui ravit les cœurs dès son apparition sur scène. Carsen a de la chance : Jakub Josef Orlinski est un atout maître pour que les spectateurs y « croient ». Idem pour le reste de la distribution, avec la toute aussi juvénile soprano Regula Mühleman qui a chanté Eurydice le soir de la première malgré un léger refroidissement, et la pétillante Elena Galitskaya, dans le double rôle d‘Amour/Amore, dieu décisionnaire dans la mort et la vie des héros. De la chance aussi pour les spectateurs car enfin, voir sur scène des interprètes de talent qui ont l’âge des personnages, leur fougue, leur élan ! Comme ça fait du bien… d’autant qu’ils évoluent dans un décor qui n’étouffe pas leur présence. Alors certes, tous les contre-ténors ne sont pas Philippe Jaroussky, mais Orlinski a ravi par son jeu naturel, sa voix qui traduisait parfaitement la douleur d’Orfeo, l’espoir, la perte.

Un sens du détail
Orphée et Eurydice de Gluck. Mise en scène de Robert Carsen © vincent Pontet

Dans cette mise en scène, chaque détail renforce, sans pathos, les symboles de la vie et du destin. La terre brune, matière essentielle qui reçoit les corps, est celle-là même qui permet au monde de se nourrir. Lorsqu’Orfeo descend au royaume du dieu Hadès, tel Ulysse allant chercher l’aide du devin Tiresias pour pouvoir rejoindre Ithaque, les morts viennent à lui et lui reprochent sa venue. Ce sera sa voix, symbole de la portée « musicale » qui les convaincra de guider Eurydice à l’air libre. C’est ainsi que durant une heure trente à peine, nous passons d’un monde à un autre, et si Eurydice oblige Orfeo à rompre le serment qu’il a juré de respecter, de ne pas la regarder avant d’être revenu au monde des vivants, nous ne nous en plaignons pas. Car ainsi, grâce à elle peut avoir lieu le happy end, véritable deus ex machina orchestré par Amour/Amore.

Un dieu à deux facettes

Robert Carsen précise les deux facettes de ce dieu « fluide » : « dans notre production, le dieu est successivement le double d’Orfeo et d’Eurydice, d’abord homme, puis femme dans la dernière scène, où soudé par la passion amoureuse, le couple ne fait plus qu’un. Le versant masculin de l’amour affronte la douleur, la peur et le courage, tandis que son versant féminin représente l’élan vital, ce qui confère sa véritable portée à ce Happy end, au terme d’un parcours situé dans un contexte que j’ai voulu réaliste. »

Dommage qu’Eurydice et Amour ne puissent pas se défaire de leurs costumes noirs pour alléger la tonalité de deuil. Une touche de blanc, un symbole de joie, n’aurait pas nui au plaisir du public. Après tout, c’est le bonheur ! Le bonheur qui a failli disparaître à jamais…

Brigitte Hernandez 

Orfeo ed Euridic de Christoph Willibald Gluck
Opéra chanté en italien, surtitré en français et en anglais
Théâtre de Champs-Élysées
15 avenue Montaigne 
75008 Paris 
Jusqu’au 1er octobre 2022
Durée 1h20 sans entracte

direction musicale de Thomas Hengelbrock 
mise en scène de Robert Carsen 
reprise de la mise en scène de Christophe Gayral
scénographie et costumes de Tobias Hoheisel 
lumières de Robert Carsen, Peter Van Praet 
reprise des lumières  de Matthieu Pouly 
avec  Jakub Józef Orliński (Orfeo), Regula Mühlemann (Euridice) et Elena Galitskaya (Amore)

Orchestre – Balthasar Neumann
Chœur – Balthasar Neumann

Crédit photos © Vincent Pontet

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