tout dépend du nombre de vaches de Dalila Boitaud-Mazuadier © Cécile Marical

Les Zébrures d’automne 2022, regards de femmes

À Limoges, les Francophonies des écritures à la scène poursuivent leur exploration du monde, questionnent l’importance du devoir de mémoire et offrent aux autrices une tribune où se conjugue revendications, interrogations et poétiques envolées.

tout dépend du nombre de vaches de Dalila Boitaud-Mazuadier © Cécile Marical

À Limoges, les Francophonies des écritures à la scène poursuivent leur exploration du monde, questionnent l’importance du devoir de mémoire et offrent aux autrices une tribune où se conjuguent revendications, interrogations et poétiques envolées. 

La journée commence dans le collège limougeaud Léon Blum. À quelques encablures du centre-ville, devant le bâtiment, à droite de l’accueil, des chaises sont installées en arc de cercle face à un bureau et un tableau noir. Dans quelques minutes, une cinquantaine d’élèves de tout âge, de tout niveau, va envahir l’espace de son brouhaha, de sa dissipation, de son chahut. Il faudra tout le doigté, la patience de Dalila Boitaud-Mazaudier pour capter leur attention, les embarquer dans un voyage en terres africaines, leur raconter l’Histoire, ses grands événements, ses atrocités, dire la nature humaine, ses états, ses tourments. 

Fables noires pour évoquer l’indicible 
tout dépend du nombre de vaches de Dalila Boitaud-Mazuadier © Cécile Marical

En 1994, d’avril à juillet, l’humanité a perdu son âme. Une guerre fratricide, un génocide a entaché à jamais les plaines et les montagnes du Rwanda. Travaillant sur le devoir de mémoire, sur l’importance de dire les choses, de ne rien omettre des grandeurs et des barbaries des hommes, pour mieux donner un sens au présent, à la vie et construire l’avenir, la compagnie Uz et coutumes irrigue son travail des récits de ceux qui ont survécu, tente d’esquisser les contours de ce qui a provoqué ce massacre de masse, des effets délétères de la colonisation aux luttes de pouvoir. Empruntant à Adélaïde, Charles, Élise, Valens, Annick, leurs mots, Dalida Boitaud-Mazaudier et sa troupe se font passeurs d’Histoire et transmettent sans fard le drame d’un pays, sa dimension malheureusement universelle et tristement itérative. Comment, en écoutant les mots de ces hommes et de ces femmes qui ont vécu l’horreur, ne pas penser à l’Ukraine, à la Birmanie ? Lumineuse, captivante, la comédienne et metteuse en scène touche au plus juste, émeut et réveille les consciences. 

Déambulation féminine

Un peu plus tard, en fin de journée, au théâtre de l’Union, Aurélie Van Den Daele propose de découvrir autrement l’étonnante bâtisse construite dans les années 1910 sous l’impulsion du peintre sur porcelaine Jean-Baptiste Couty, afin d’offrir une salle des fêtes à la coopérative ouvrière limougeaude. À travers dix textes commandés à des autrices de tout horizon, des quatre coins de monde, elle imagine une déambulation textuelle et féministe dans les coulisses du théâtre. Des ateliers de costumes, en passant par les réserves, la salle de répétition ou de lecture, la metteuse en scène imagine trois parcours autour du désir de création, du nécessaire besoin d’écrire, de dire son regard sur la société, sur les émotions profondes que traversent le corps féminin. Casques sur la tête, les festivaliers se laissent guider par les mots, les histoires contées et les lieux. Voyage immobile, fable poétique ou crue, réalité du quotidien, Je crée et je vous dis pourquoi, est comme le dit le sous-titre du spectacle, une cartographie, une exploration du processus créatif. Malgré des inégalités de textes, de jeux, le pari de la nouvelle directrice du théâtre de l’Union est gagné. Le public sort enthousiaste de cette balade en terre dramaturgique !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Limoges

Les zébrures d’automne 2022
Jusqu’au 1er octobre 2022

Tout dépend du nombre de vaches de Dalila Boitaud-Mazaudier
Théâtre Jeune Public en Français et Kinyarwanda
jusqu’au 28 septembre 2022

Mise en scène de Dalila Boitaud-Mazuadier et Hadi Boudechiche
avec Dalila Boitaud-Mazuadier, Vincent Mazaudier et Thomas Boudé/Cyril Dillard (en alternance)
Musique de Thomas Boudé, Cyril Dillard
Scénographie d’Adrien Maufay
Régie générale de Vincent Mazaudier
Regards extérieurs écriture – Olivier Villanove, Karim Ressougni-Deminieux
Regards extérieurs plateau – Christophe « Garniouze » Lafargue, Pierre Mazaudier

Je crée et je vous dis pourquoi. Cartographie au féminin du désir créateur. Une idée d’Aurélie Van Den Daele
Théâtre de l’Union 
20 Rue des Coopérateurs
87006 Limoges
Jusqu’au 25 septembre 2022
Durée 1h30 environ 
Mise en scène d’Aurélie Van Den Daele
Commande à dix autrices Bibatanko (République démocratique du Congo), Gaëlle Bien- Aimé (Haïti), Marie Darah (Belgique), Daniely Francisque (France – Martinique), Maud Galet-Lalande (France), Halima Hamdane (France / Maroc), Nathalie Hounvo Yekpe (Bénin), Hala Moughanie (Liban), Emmelyne Octavie (France – Guyane), Johanne Parent (Canada – Québec)
Avec Sumaya Al Attia, Isabelle Girard, Léa Miguel, Marie Quiquempois, Diane Villanueva 
Conception technique et sonore – Grégoire Durrande, Nourel Boucherk
Création arts visuels de Claire Gaudriot
Création scénographie, costumes et lumière – L’équipe de l’Union

Crédit photos © Cécile Marical & © Christophe Péan 

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