En s’attaquant à La légende du Saint Buveur de l’auteur austro-hongrois Joseph Roth (1884-1939), Christophe Malavoy réalise un ouvrage rempli de poésie et de tendresse.
Andreas est devenu clochard après une histoire d’amour malheureuse et une vie sans illusion. Un soir, un vieil inconnu lui donne 200 francs. Le vagabond alcoolique, qui se considère homme d’honneur, n’aura qu’un objectif : les lui rendre. Malgré les rencontres, entraîné par les aléas de la pauvreté, retombant inlassablement dans sa soif d’alcool, il n’y arrivera pas. Pourtant, il y aura cru ! La fin est de toute beauté, avec cette dernière phrase en forme de prière : « Dieu nous accorde à nous tous, les buveurs, une mort aussi légère, aussi belle ».
Malavoy aborde un monde aujourd’hui disparu, mais qui ne cesse de s’accrocher. La misère est toujours là. Il fait revivre le Paname des poètes, des chanteurs de rue. Il y a du Marcel Carné dans l’atmosphère, du Alexandre Trauner dans les couleurs. Sans jamais les imiter, la pièce s’en inspire, et l’on retrouve dans les personnages que croise Andreas les voix des artistes de cette époque. Amusez-vous à les reconnaître ! Le comédien donne ses lettres de noblesse à ce mendigot immigré polonais qui ressemble comme un frère à l’auteur. Dans une grande maîtrise de son art, jouant d’un Bugle au son doux et rond, poussant la chansonnette, dont le très émouvant Pauvre Rutebeuf de Villon-Ferré, il nous entraîne sur les rives d’une dérive annoncée. Et l’on perçoit le message de l’auteur : nous sommes faits de qualités et de défauts, et c’est ainsi que les hommes tentent de survivre.
Marie-Céline Nivière
La légende du Saint Buveur de Joseph Roth.
Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris.
Du 31 août au 6 novembre 2022.
Du mardi au samedi à 18h30, dimanche 15h.
Durée 1h15.
Adaptation, mise en scène et interprétation de Christophe Malavoy.
Scénographie de Francis Guerrier.
Lumière de Maurice Giraud.
Costumes de Pascale Bordet et Nadia Meen.
Son de Denis Chevassus.
Assistante à la mise en scène Catherine Pello.
Crédit photo © L’Arsène