Alceste entre « en une humeur noire, en un chagrin profond », quand il voit « vivre entre eux les hommes comme ils le font ». La société dépeinte par Molière au XVIIe n’est finalement pas si éloignée de la nôtre. Le paraître et les faux-semblants sont toujours de mise. Il suffit de regarder les réseaux sociaux où les nouveaux petits marquis, portable greffé à la main, exposent chaque instant de leur vie et donnent leur opinion sur tout et rien. Tout n’est qu’hypocrisie et superficialité. Il a encore de quoi râler l’Atrabilaire.
Ça l’énerve !
La pièce démarre sur une fête. C’est écrit ainsi. Ici, elle devient une soirée ultra-branchée. L’électro hurle et l’alcool coule à flots. Sur le dancefloor, Célimène règne en reine de la nuit. Les participants se filment, envoyant en direct sur les réseaux ce qui se passe. Histoire de dire : j’y étais. On aperçoit projeter sur un écran blanc le résultat. Thomas Le Douarec inscrit de suite le ton qu’il donne à sa mise en scène. Ce sera rock, glamour, moderne, connecté et rageur.
Portant bien « ses brusqueries et son chagrin bourru », Alceste regarde tout cela atterré. Jean-Charles Chagachbanian est excellent. Comme en hommage à Jean-Pierre Bacri, son interprétation est dans les tonalités des grommellements de l’acteur disparu. Ne vous méprenez pas, il ne s’en est qu’inspiré. Son interprétation est très fine. Ce personnage est composé de deux facettes, il y a le grincheux et l’amoureux. Ce dernier fond devant sa dulcinée. Elle est tout ce qui l’excède et pourtant il l’aime. « L’amour a ses raisons que la raison ignore ».
C’est l’hymen
Dans cette version, ils sont vraiment amants. Célimène est une jeune veuve et non une oie blanche. Comme il est beau ce tableau, entre deux scènes, où l’on voit Alceste revêtir sa maîtresse… La gracieuse Jeanne Pajon apporte de belles nuances à cette jeune femme charmante qui veut rire, s’amuser et être le centre des intérêts. Elle n’est pas une capricieuse, mais un être libre. La solitude effrayant cette âme de vingt ans, elle préfère se perdre dans la folie de son époque. Elle nous ravit dans la scène où elle s’écharpe avec Arisnoé (divine Caroline Devisme).
Une troupe au diapason
Philippe Maymat (exquis Philinte), Justine Vultaggio (adorable Eliante), Thomas Le Douarec (ineffable Oronte), Rémi John (Acaste) et Valérian Behar Bonnet (Clitandre) nous ont régalés. De la scénographie, très joliment pensée, à la direction d’acteur, très précise, tout dans cette mise en scène enlevée et robuste nous a séduits. Rappelez-vous de son Cid, qui le fit connaître : nous sommes dans cette même veine. Après Guitry, Wilde, Dostoïevski, Obaldia, le metteur en scène a enfin trouvé le chemin qui mène à Molière. Bravo !
Marie-Céline Nivière
Le Misanthrope de Molière
Théâtre du Ranelagh
5, rue des Vignes
75016 Paris
Du 19 octobre au 14 décembre 2024
Durée 1h50
Festival OFF Avignon
Théâtre Les Lucioles
10, rue des remparts Saint-Lazare
84000 Avignon.
Du 3 au 21 juillet 2021 à 15h50, relâche les 1er et 2 juillet
Théâtre de l’Epée de Bois
Cartoucherie – Route du Champs de Manœuvre
75012 Paris.
Du 11 janvier au 4 février 2024.
Festival Off Avignon – Théâtre des Lucioles.
10, rue des remparts Saint-Lazare 84000 Avignon.
Du 7 au 29 juillet 2023 à 15h10, relâche les mercredis.
Festival d’Avignon Off – Théâtre des Lucioles.
10, rue des remparts Saint-Lazare 84000 Avignon.
Du 7 au 30 juillet 2022 à 15h45, relâche les 13, 20 et 27 juillet 2022.
Adaptation et mise en scène de Thomas Le Douarec.
Assisté de Caroline Devismes et Virginie Dewees.
Avec Valérian Behar-Bonnet, Jean-Charles Chagachbanian, Thomas le Douarec, Rémi Johnsen, Philippe Maymat, Jeanne Pajon, Justine Vultaggio, Caroline Devismes. Lumières de Stéphane Balny.
Costumes de Marlotte.
Musique de Valérian Behar-Bonnet.
Décors de David Lionne et Jérome Lebertre
Crédit photos © Bernard Gilhodes
Très belle critique. Nous ne l’aurions pas aussi bien écrite, mais nous la partageons. Bizarrement, je m’attendais à encore plus rock…