Où s’arrête la lucidité ? Où commence la folie ? Continuant à explorer les résonnances singulières entre théâtre et sciences, Élisabeth Bouchaud convie à plonger vertigineusement au cœur de l’âme tourmentée d’un guérisseur polonais du siècle dernier. Plume déliée, enlevée, la directrice du théâtre de la Reine Blanche, ancienne physicienne, affine son style, une langue châtiée, poétique et fiévreuse.
Dans une sorte de cahute, où les quelques objets artisanaux présents sont de guingois, un homme entre. Fébrile, tonitruant, habité, il semble poursuivi par des fantômes, ceux des femmes qu’il a aimées, ceux des gens qu’il a guéris, ceux venu le tourmenter pour ne pas avoir pu les sauver. Gourou, magnétiseur ou charlatan, le colosse hirsute vitupère, éructe, râle. Son métier, il y a bien longtemps qu’il ne l’exerce plus. Un drame, lui a fait perdre toute confiance en lui, l’a obligé à renoncer à cette croyance, que ses doigts d’or étaient capables de sauver n’importe quelle vie, n’importe quelle âme.importe quelle vie, n’importe quelle âme.
Traversant ses souvenirs avec la fougue du désespoir, de l’animal qui se sent traqué, pris au piège, il confesse ses croyances, ses doutes, ses fêlures, son crime. Au-delà du texte ciselé d’Élisabeth Bouchaud, c’est bien la performance du comédien Grigori Manoukov qui est la pierre angulaire de ce seul-en-scène. Si parfois on se perd, sa tourmentée faconde rattrape le spectateur au vol, le ramène au plus près du jeu, de cette folie dévorante. Lyrique autant que délirant, voire énigmatique, Шаман – Chaman est une œuvre qui emporte le festivalier vers des ailleurs aliénants, au bord d’une transe verbale tout à fait singulière !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Avignon
Шаман – Chaman de Élisabeth Bouchaud
Festival Off d’Avignon
Avignon – Théâtre de la Reine Blanche
16 Rue de la Grande Fusterie
84000 Avignon
du 7 au 25 juillet 2022 à 17h05 – Relâches : 12, 19 juillet 2022
Durée 1h20
Mise en scène d’Élisabeth Bouchaud et Grigori Manoukov
Avec Grigori Manoukov
Création lumière de Paul Hourlier
Scénographie de Vitali Skvorkin
Costumes de Aska Błażejowska et Elisabeth Bouchaud
Crédit photos © Pascal Gély