Via Injabulo, Via Katlehong © Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon
VIA INJABULO production Via Katlehong avec Thulisile Binda, Julia Burnham, Katleho Lekhula, Lungile Mahlangu, Tshepo Mohlabane, Kgadi Motsoane, Thato Qofela, Abel Vilakazi direction de la compagnie Via Katlehong Buru Mohlabane, Steven Faleni

Ici, c’est le pantsula !

De Johannesburg à Avignon, les danseurs de Via Katlehong voyagent dans un ovni chorégraphique. Via Injabulo réunit autour d'eux Amala Dianor et Marco Da Silva Ferreira pour une fête de rêve.

Via Injabulo, Via Katlehong © Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon

De Johannesburg à Avignon, les danseurs de Via Katlehong voyagent dans un ovni chorégraphique. Via Injabulo réunit autour d’eux Amala Dianor et Marco Da Silva Ferreira pour une fête de rêve.

L’énergie des danseurs de Via Katlehong est fulgurante comme passer des townships sud-africains à la scène du Festival d’Avignon. Depuis des années, la compagnie court les scènes internationales, s’associant à des chorégraphes invités et faisant rayonner le pantsula, cette danse née des quartiers populaires de « Jozi » dans les années 1970, devenue sur place un ciment politique et social. Via Injabulo est un double programme conviant la troupe sud-africaine à dialoguer avec des chorégraphes venus d’ailleurs, Amala Dianor et Marco da Silva Ferreira. Un franco-sénégalais, un portuguais, soit un double programme dont les deux pièces travaillent différemment la langue du pantsula, mais s’accordent au son de basses mastodontes.

Territoire
Via Injabulo, Via Katlehong © Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon

Tous les passages de danses populaires vers la scène risquent l’écueil du prêt-à-consommer, de prétendre donner à voir comme telle une culture née dans l’urgence sans admettre que la scène l’isole de son terreau politique et social. Marco Da Silva Ferreira, dans førm Inførms, a donc l’intuition de « déterritorialiser » la pantsula vers un endroit tiers, non identifié et neuf. Il passe pour cela par une forme de déconstruction, qui met en avant d’une part la virtuosité technique et d’autre part le caractère burlesque d’une danse dont la syntaxe chorégraphique naît dans le mime de gestes quotidiens.

Piétinant au rythme de la musique génialement texturée de Jonathan Uliel Saldanha, les huit danseurs dessinent les dynamiques d’une communauté en version micro. L’espace du plateau et la lumière de Cárin Geada participent à focaliser des concentrations au sein de cette joyeuse fête, regroupements sur un coin du plateau où figure à trois corps harponnés. Les encouragements et les exclamations joyeuses ponctuent cette fête scrupuleusement orchestrée par le chorégraphe portuguais, dans une complicité manifeste avec ses interprètes hors pair.

Bloc party

Pause, les danseurs reviennent avec des glacières à la main, qui finiront empilées sur scène. Deux d’entre eux vont distribuer des briques de jus de fruits dans les gradins. Une platine suspendue sert de setup pour un mix d’une efficacité terrassante, ainsi la bloc party commence. Avec Emaphakathini, Amala Dianor, venu du hip-hop au contemporain, fait du plateau entier un espace social — boîte de nuit, hangar ou rue, qu’importe.

Via Injabulo, Via Katlehong © Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon

Ce décor accueille une pièce incroyablement festive, rythmée par d’hypnotisants sifflets, et en même temps théorique, la nature du spectacle présenté étant mis en question dans l’écriture chorégraphique comme dans la structure. Exemple : une danseuse se détache du groupe, observe puis commence à dessiner des mouvements de danse contemporaine. D’autres commencent à suivre, opposant la courbe aux pulsations du pantsula et du gumboot — claquettes, piétinements, claques de la main sur les jambes. « Attends, attends, ici, c’est le pantsula ! » interrompt l’un des danseurs, dans un clin d’œil amusé au cahier des charges.

Thulisile BindaJulia BurnhamKatleho LekhulaLungile Mahlangu, Tshepo Mohlabane, Kgadi MotsoaneThato QofelaAbel Vilakazi, les huit danseurs, sont captivants d’aisance et de maîtrise, dès le sidérant solo qui ouvre førm Inførms. Technique et incroyablement expressive, la danse de Via Katlehong trouve bien sa place dans la cour minérale de l’université. Témoigner d’une danse qui est aussi un mouvement, donc une communauté, des lieux et des ambiances, tout en taillant à cette troupe de danseurs prodigieux deux pièces originales : c’est le pari réussi de Via Injabulo, secousse joyeuse et fédératrice qui aura laissé extatique une bonne partie du public avignonnais.

Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé spécial à Avignon

Via Injabulo de Via Katlehong avec Marco da Silva Ferreira et Amala Dianor
Festival d’Avignon
Cour minérale – Avignon université
Entrée 74 rue Louis Pasteur
84000 Avignon

Jusqu’au 17 juillet 2022
Durée 1h15

førm Inførms
Direction de la compagnie Via Katlehong : Buru Mohlabane et Steven Faleni
Chorégraphie Marco da Silva Ferreira
Musique Jonathan Uliel Saldanha
Lumière Cárin Geada

Emaphakathini
Direction de la compagnie Via Katlehong : Buru Mohlabane et Steven Faleni
Chorégraphie Amala Dianor
Lumière Cárin Geada

Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon

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