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Timeline, une comédie mortifère et inaboutie sur le théâtre

Timeline, une comédie absurde plein de finesse sur le théâtre et son avenir.

La virtualité aura-t-elle raison du théâtre ? C’est à cette terrible question qu’une bande de théâtreux particulièrement gauches et branques tente de répondre. Sous la plume décalée et drolatique de Jean-Christophe Dollé, une comédienne incapable de jouer, un auteur en panne d’idées, un spectateur excédé, un metteur en scène dépassé et une actrice de second rôle, ingénue et maladroite, s’interrogent sur leur avenir et se prennent magistralement les pieds dans le tapis. Conquis dés les premières minutes par cette farce clownesque et particulièrement barrée, le public rit à gorge déployée. Malheureusement sur la longueur, la force comique et burlesque du propos s’essouffle. A trop vouloir théoriser, le discours se perd dans des circonvolutions enrayant la trop belle rythmique… En somme, une pièce inaboutie qui gagnerait, à être resserrée et raccourcie de plusieurs dizaines de minutes, pour devenir un petit bijou d’absurdité et de comédie.

Dans un décor gris, chaotique et apocalyptique, une comédienne (éclatante Juliette Coulon) s’avance. Cintrée dans un robe-trench, portant une valise en carton, vieillotte et surannée, elle scrute le public le regard hagard et perplexe. D’une voix claire, elle entame sa tirade introductive. Très vite, elle s’arrête, se tait, regarde en coulisses et fuit la scène. Vide, incapable de ressentir la moindre émotion, elle n’arrive plus à donner le change, à jouer. Devant cette désertion, l’affolement gagne le metteur en scène (tonitruant Félicien Juttner), qui émerge hirsute d’une porte dérobée, suivi de peu par une seconde comédienne complétement azimutée (fabuleuse Clotilde Morgiève) et par l’auteur hébété (étonnant Erwan Daouphars). Tous trois tentent de sauver les apparences devant un public interdit. Essayant de temporiser les couacs qui mettent en danger la représentation, ils s’enfoncent dans des excuses et des mensonges plus délirants les uns que les autres. Ils bafouillent et semblent impuissants à reprendre le cours normal de la représentation.

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Face à cette farce ubuesque, à leur maladresse savoureusement drôle, les rires fusent. Incompris, les artistes s’énervent et prennent à parti un spectateur (extraordinaire Yann de Monterno) du premier rang, qui pour tromper son ennui s’amuse avec son portable. Commence alors un dialogue de sourd entre la troupe persuadée que l’ère du virtuel aura leur peau et un membre du public indigné d’avoir payé 25 euros pour ce pitoyable spectacle. Dans un moment de folie, le metteur en scène en vient aux mains et vire de la salle ce récalcitrant quidam. L’euphorie est à son comble, la salle hilare. Mais voilà, après une première demi-heure enlevée et totalement délirante, il est temps de rentrer dans le fond du sujet : l’avenir du théâtre dans une société où la virtualité prend de plus en plus de place.

En effet, comment l’art vivant peut il survivre dans un monde régit par une « timeline », ce fameux compteur de minutes qui apparaît en bas des vidéos que l’on visionne sur ordinateur. Cette ligne du temps que l’on peut d’une pression sur un bouton, accélérer, ralentir, afin de s’affranchir des réalités du présent. Ainsi durant 1h30, nos quatre théâtreux gauches vont voyager dans le futur et assister à ce que la virtualité augmentée pour causer comme dommage au théâtre.

En imaginant la fin possible du spectacle vivant, Jean-Christophe Dollé signe une comédie efficace, absurde, terriblement drôle mais qui finit par se perdre dans des explications confuses et un brin trop philosophiques. En appelant à la rescousse le chœur antique (Aurélie Vérillon et Élisa Oriol), il rend confus son propos et noie la belle rythmique. Malgré tout, la mise en scène ingénieuse et extravagante de Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé fait des miracles et tient en haleine un public versatile à deux doigts de l’ennui.

Si la pièce est imparfaite, elle n’en est pas moins intelligente et cocasse. Elle doit beaucoup de sa force comique au cinq comédiens, particulièrement épatants. Juliette Coulon est divine en théâtreuse vidée de substance artistique. Erwan Daouphars est fascinant en auteur raté, incapable d’aligner deux mots cohérents. Félicien Juttner se glisse avec facétie dans la peau de ce metteur en scène qui perd pied. Bouillonnant, il explose magistralement de colère face à un public qui lui préfère la réalité augmentée. Clotilde Morgiève est délirante. De sa petite voix fluette et traînante, elle s’amuse à être toujours dans la protestation pacifique et conciliante. Quant à Yann de Monterno, il n’est jamais autant brillant que dans la mascarade et le déguisement outrancier. Chacune de ses interventions est suivie d’une salve de rire absolument méritée.

Bien que le spectacle gagnerait à être ramassé et élagué de quelques réflexions un peu trop complexes qui alourdissent le propos… Timeline est certainement l’une des comédies les plus innovantes de ce festival…à découvrir sans tarder !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


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Timeline, une comédie absurde plein de finesse sur le théâtre et son avenir

Timeline de Jean-Christophe Dollé
Festival OFF d’Avignon
Théâtre du Girasole
24bis, Rue Guillaume Puy
84000 Avignon
Du 7 au 30 juillet 2016 à 22H30
Durée 1h30

Mise en scène de Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé
avec Juliette Coulon, Yann de Monterno, Erwan Daouphars, Félicien Juttner, Clotilde Morgiève, Aurélie Vérillon et Élisa Oriol
Scénographie et Costumes de Marie Hervé
Lumières de Ln
Vidéo de Mathias Delfau
Image de François de Galard
Chorégraphie de Magali B.

Crédit photos © Fouic Théâtre

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