Olivier Py, à la tête du festival d’Avignon depuis 2013, s’apprête à laisser les rênes à Tiago Rodrigues. Pour ses adieux à la Cité des Papes, il présente sa dernière création, Ma jeunesse exaltée. Rencontre.
Quelle est la teinte de cette 76e édition ?
Olivier Py : Ce sera une grande fête, mais ce fut vrai pour toutes les éditions. Celle-ci est placée sous le thème de « Il était une fois », un thème banal en apparence, mais je crois qu’on a besoin de raconter des histoires dans un monde qui va mal. On le voit notamment aujourd’hui : entre l’Ukraine et la Russie, il y a un combat entre les hommes et les chars, mais il y a aussi un combat narratif.
Avignon semble renaître de ses cendres après deux éditions tronquées…
Olivier Py : Oui évidemment, avec une présence du public qui nous légitime et qui nous fonde. Je le rappelle toujours : tant qu’il y aura des places à dix euros pour les moins de vingt-cinq ans au festival d’Avignon, on n’aura pas besoin d’autres définitions pour dire que nous faisons du théâtre populaire.
Justement, le public est-il au rendez-vous ?
Olivier Py : En ce qui concerne la billetterie, les chiffres sont à peu près les mêmes que l’année dernière et il y a trois ans. On est assez confiant, mais il reste des places. Un directeur doit toujours dire qu’il reste des places !
Kirill Serebrennikov investit le Palais des papes pour l’ouverture avec cette nouvelle de Tchekhov, Le moine noir.
Olivier Py : On avait ourdi cette présence de Kirill Serebrennikov dans la cour du Palais des papes il y a maintenant deux ans. C’est sa quatrième venue au Festival d’Avignon, c’est un artiste que nous ne présentons plus, à la renommée internationale, avec un public fidèle. C’est un opposant à Poutine, et il y a deux ans, je ne savais même pas s’il serait libre de venir à Avignon. Finalement, il est là, fort heureusement. Le procès ubuesque qu’il lui a été fait en tant qu’opposant est terminé, et il peut désormais voyager. Il n’a pas été question de le déprogrammer une minute, car ce n’est pas Poutine que l’on programme, mais bien son opposition.
Vous présentez aussi une pièce Ma jeunesse exaltée qui s’annonce épique !
Olivier Py : Oui, une pièce de dix heures. J’ai l’habitude de faire ces grandes épopées, c’est même Avignon qui les a fondées — on a d’ailleurs une pensée pour Peter Brook, car c’est lui qui a donné cette idée qu’Avignon pourrait être plus exigeant avec le public et lui proposer des œuvres qui durent une journée ou une nuit entière. Le festival est le lieu pour ce genre d’expérience parce qu’il a un public pour applaudir ces formes héroïques. Comme à mon habitude, je parle du théâtre dans cette pièce, en lui rendant hommage, notamment à travers la figure d’Arlequin. Avec lui, on est plus dans la comédie. C’est ce dont j’avais envie : je pense que plus le monde est sombre, plus il faut rire ! Cet Arlequin est à la fois une allégorie du théâtre, mais aussi une allégorie de la jeunesse. Et cette pièce est portée par une troupe très jeune et extraordinaire. La pièce s’appelle Ma jeunesse exaltée, mais c’est de la leur que je veux parler.
Cette 76e édition est votre dernière en tant que directeur…
Olivier Py : J’essaye de ne pas trop y penser, parce que je sais qu’à la fin du mois de juillet, je serai happé par une terrible tristesse. Non seulement de quitter le festival, mais aussi de quitter la ville d’Avignon où j’ai vécu ces dix dernières années. Mais je suis consolé de cette tristesse, car c’est Tiago Rodrigues qui reprendra le flambeau, et que j’ai pour lui de l’amour et de l’estime. Je suis sûr qu’il nous concoctera un festival dans l’héritage de Jean Vilar. Un festival avec une exigence artistique, politique et intellectuelle… Mais un festival populaire.
Est-ce que ce sont les directeurs du festival qui soufflent dans les trompettes ?
Olivier Py : Oui, bien sûr (rires). C’est moi qui souffle dans la trompette tous les soirs pour ouvrir la cour du Palais des papes, c’est ma première responsabilité.
Qu’est-ce que vous comptez faire après ?
Olivier Py : Je ne sais pas. Vraiment, très sincèrement.
Avez-vous eu des consignes sanitaires ?
Olivier Py : La seule consigne est de proposer aux spectateurs de mettre des masques, je le leur conseille aussi. Les protocoles peuvent évoluer : l’année dernière, ils ont changé pendant le festival, donc on est prêts à tout.
Ce sera une édition prospère ?
Olivier Py : Je suis un directeur superstitieux : tout peut arriver, mais à ce jour, à la billetterie, on n’enregistre pas de baisses. Je sais que ces billetteries, dans les théâtres et les cinémas à Paris, ont connu une énorme baisse ces derniers mois, mais le festival affiche un beau fixe, et je m’en réjouis. Et je me réjouis aussi des tarifs, qui font d’Avignon un théâtre populaire avec cette accessibilité maximale.
Un dernier mot, Monsieur le directeur ?
Olivier Py : Vive la fête et vive la jeunesse ! N’oublions pas que le festival est une fête, une utopie. Je crois qu’il y a matière à espérer quand on traverse le festival d’Avignon !
Propos recueillis par Marie Gicquel
Festival d’Avignon
Du 7 au 26 juillet 2022
Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage