Directrice des études de l’École du TNS depuis 1995, elle accueille tous les deux ans une nouvelle promotion d’élèves formés aux métiers de la création théâtrale. Alors que l’institution se prépare à une passation de pouvoir entre son directeur actuel, Stanislas Nordey, et un successeur encore inconnu, elle évoque avec nous l’action et l’avenir de ce lieu d’apprentissage prestigieux.
Le Groupe 47 a présenté, il y a quelques semaines, les travaux des élèves de la section mise en scène : Faust de Goethe et FaustIn and Out de Jelinek par Ivan Marquez, et Sallinger de Koltès par Mathilde Waeber. Comment ces projets ont-ils vu le jour ?
Dominique Lecoyer : Les élèves metteurs en scène sont partie prenante d’un groupe de vingt-six élèves, composé d’acteurs, de scénographes-costumiers, de régisseurs-créateurs, de dramaturges et d’eux-mêmes. Pour ces spectacles, la promotion est répartie en deux équipes, qui travaillent en parallèle sur la même durée. Les metteurs en scène choisissent eux-mêmes le texte qu’ils veulent monter. Rien n’est imposé par l’École. Ils n’ont pas de limitation de durée et ont donc la possibilité de faire des projets qui n’ont pas un cadre trop contraignant. L’idée de ces projets, c’est qu’ils travaillent en pluridisciplinarité comme deux jeunes troupes autour d’une idée artistique forte, sous le regard d’un artiste, ici Claire Ingrid Cottanceau, qui les stimule dans leurs recherches. Il y a également un travail très important de tous les corps de métiers du TNS, des constructeurs de décors aux costumiers jusqu’au secrétariat général. Ça complète le travail que fait l’équipe permanente de l’École, afin qu’ils apprennent au mieux à travailler dans une grande structure de création. Ce moment est vraiment significatif de la pédagogie de notre théâtre-école, qui s’appuie sur une structure de création avec tous les métiers représentés par des professionnels permanents.
Comment s’annonce l’année à venir pour les élèves du TNS ?
Dominique Lecoyer : Le groupe 46, diplômé en juin, présentera Donnez-moi une raison de vous croire au Nouveau théâtre de Montreuil du 14 au 22 juin, puis dans la salle Gignoux du TNS du 23 septembre au 1er octobre. Le groupe 47 va, lui, continuer sa progression en troisième année, et préparera avec Sylvain Creuzevault un spectacle de sortie autour de L’Esthétique de la résistance de Peter Weiss. Ce dernier sera présenté au TNS du 25 au 27 mai 2023 dans le hall Grüber, et puis éventuellement à Avignon si tout cela s’agence bien sous la direction de Tiago Rodrigues. Nous allons également conduire la troisième édition d’un projet qui tient très à cœur à Stanislas Nordey et à toute la maison, qui réunira ces deux promotions autour d’un même texte. Sur un même temps de répétition, ils auront la possibilité de mettre ce texte en jeu en croisant les promotions. Cette année, il s’agit d’un texte de Sonia Chiambretto qui s’appelle La Taïga court, qui parle de migration climatique avec une dramaturgie très ouverte, et à partir duquel il y aura quatre propositions différentes conçues par les élèves metteurs en scène et leurs équipes. Nous mélangeons les acteurs, les scénographes et les régisseurs des deux promotions pour justement réactiver l’envie artistique de travailler ensemble. Et selon le souhait de Stanislas, les quatre projets seront présentés sur les mêmes dates entre le 4 et le 9 novembre 2022.
Vous vous apprêtez également à accueillir une nouvelle promotion, dès la rentrée…
Dominique Lecoyer : Nous sommes actuellement en fin de concours pour la sélection du groupe 48, au stade probatoire. Et nous recommençons un concours l’an prochain pour faire succéder au groupe 47 un groupe 49, qui sera le premier pris en compte par la nouvelle direction. Il est important que celle-ci puisse participer à la sélection d’une nouvelle promotion. Ainsi, si le nouveau directeur ou la nouvelle directrice souhaite impulser un projet global qui relie le théâtre et l’école, il pourra travailler avec deux groupes « neufs », faire naître une même dynamique artistique à ces deux endroits simultanément.
Que souhaitez-vous à l’école pour la suite ?
Dominique Lecoyer : Nous avons envie que ce théâtre prolonge l’action qu’on y a menée. Dans l’immédiat, nous sommes dépendants du calendrier politique, donc nous tenons la structure, mais il ne faudrait pas que cette période dure trop longtemps sans dynamique artistique. Stanislas, comme ses prédécesseurs, a donné beaucoup de place à l’école au sein du théâtre. Je souhaite évidemment que cela reste ainsi : un endroit de recherche, qui nous porte tous. Nos jeunes ont envie de continuer à faire du théâtre pour le plus grand nombre, et encore plus face aux inquiétudes du moment. La crise sanitaire, la guerre en Ukraine… cette génération fait face à tous ces obstacles avec courage. Il faudrait que la nouvelle direction épouse cette dynamique pour rester raccord avec la société, et faire que le théâtre soit relié au plus grand nombre. On croit souvent que nos écoles forment des élites isolées du reste du monde, ce n’est pas du tout le cas. Il faut continuer à trouver les formes, les budgets, les structures partenaires qui porteront nos jeunes générations. Dans les années qui viennent, ce sera sans doute plus difficile de trouver des moyens financiers pour faire des spectacles, donc il va falloir être rusés et les faire dans un cadre adapté.
D’année en année, comment voyez-vous changer les générations ?
Dominique Lecoyer : Je suis arrivée avec le groupe 28 et nous en sommes au groupe 48. J’ai maintenant toute une constellation d’anciens élèves que j’aime beaucoup et qui peuvent m’appeler comme si c’était hier. C’est sûr que les élèves de cette génération sont beaucoup plus conscients des limites financières, ils sont soucieux du développement durable, de la récup, de faire des spectacles qui durent et se jouent beaucoup, ils sont très en recherche de partage, de retours de la part des spectateurs. Ils sont aussi intéressés par le jeune public et l’intergénérationnel. J’ai vécu la période des gros spectacles, des grands moyens, des énormes décors, des chevaux sur scène… ce n’est pas forcément ce théâtre qui fait rêver les jeunes maintenant. Cela m’apporte beaucoup, dans mon propre parcours, de réfléchir à toutes ces questions avec eux. J’espère pouvoir encore les aider à trouver leur voie dans les temps qui s’annoncent.
Propos recueillis par Samuel Gleyze-Esteban
École du TNS
1 avenue de la Marseillaise
67000 Strasbourg
Donnez-moi une raison de vous croire de Marion Stenton
Mise en scène Mathieu Bauer
Collaboration artistique et composition Sylvain Cartigny
Avec l’ensemble des artistes du Groupe 46 de l’école du TNS
Du mardi 14 au mercredi 22 juin 2022
Nouveau Théâtre de Montreuil – Salle Maria Casarès
63 rue Victor Hugo
93100 Montreuil
Du 23 septembre au 1er octobre 2022
TNS – Salle Gignoux
1 Avenue de la Marseillaise
67000 Strasbourg
La Taïga court de Sonia Chiambretto
Mise en scène Antoine Hespel, Timothée Israël (Groupe 46), Ivan Màrquez, Mathilde Waeber (Groupe 47)
Avec les élèves des groupes 46 et 47 de l’École du TNS
Du 4 au 9 novembre 2022
TNS – Salles Gignoux, Jeanne Laurent, Espace Grüber : Hall et Studio
67000 Strasbourg
L’Esthétique de la résistance de Peter Weiss
Mise en scène Sylvain Creuzevault
Avec les artistes du Groupe 47 de l’École du TNS et Servane Ducorps, Vladislav Galard, Arthur Igual, Frédéric Noailles
Du 23 au 27 mai 2023
TNS – Hall Grüber
18 rue Jacques Kablé
67000 Strasbourg
Crédit photos © Jean-Louis Fernandez