Avant de faire danser le festival Paris l’été, en juillet prochain, Fouad Boussouf, nouveau directeur du Phare, centre chorégraphique national du Havre, embrase le cœur et le corps de Nivernais, avec Näss (les gens en arabe), pièce pour sept interprètes virtuoses.
Dans la grande salle comble de La Maison de la culture de Nevers, qui inaugure le même soir la très belle exposition consacrée à la collagiste, poète et dessinatrice, Anne Éthuin, les brouhahas des petits, des grands, servent de nappes sonores. Même le noir de la salle, n’y fait rien. Une vague d’excitation semble parcourir les rangs. En fond de scène, l’éclairage de moins en moins tamisé révèlent des silhouettes. Lentement, elles s’individualisent, ne font plus corps avec le décor. De dos, impassibles, elles ont l’air de statues. Les beats de la musique techno se font orage, tempête, cyclone balayant avec eux les derniers chuintements, les derniers bruits. Place au spectacle.
Entrer dans la transe
Un léger tressautement, un imperceptible mouvement de bras, de jambes, les danseurs s’animent. Tout est fluide, net, précis. Ils font groupe, bougent d’un même élan, d’un même geste, habitent l’espace. Ils ne semblent faire qu’un. Puis, l’un, l’autre se détache. Solo, pas de deux, le tableau se fragmente, se fractionne mais toujours avec la même énergie, la même puissance. Les corps sautillent, les interprètes deviennent vagues, déferlantes, foules. La langue de Fouad Boussouf se fait itérative, hypnotique, ardemment vivante. La transe s’empare du plateau, de la salle. Le moment de communion est unique. Les spectateurs applaudissent en rythme, au diapason des danseurs qui tapent, de tout leur poids de toute leur force, le sol.
Un uppercut de bonheur
Entremêlant avec habileté les grammaires chorégraphiques, passant du hip hop, des danses urbaines à d’autres plus traditionnelles, le jeune directeur du Phare offre un show sans pareil, où le mystique virevoltant se conjugue à une physicalité ancrée dans la terre. Afin de donner toute son intensité, toute sa faconde à l’écriture de Fouad Boussouf, les danseurs se jettent à corps perdu sur scène. Leurs corps semblent se démultiplier, se transformer, envahir d’une aura contagieuse, folle, lumineuse, plateau et gradins. C’est tout simplement vertigineux. Loin de la pluie qui fait rage dehors, des tracasseries du quotidien, Näss emporte tout sur son passage, tristesse, morosité et grisaille pour suspendre l’instant, lui donner des « shoots » de bonheur pur.
Littéralement envoûté, le public réserve aux artistes littéralement en eaux à la fin de la représentation une standing ovation, nettement méritée. Du bel ouvrage, une gourmandise qui se déguste sans modération, de la joie brute.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Nevers
Näss de Fouad Boussouf – Cie Massala
Maison de la Culture de Nevers – Scène conventionnée Arts & Territoire
2 Bd Pierre de Coubertin
58000 Nevers
Présentation le 24 mai au soir
Durée 50 min
Tournée
du 20 au 23 juillet 2022 au Lycée Jacques-Decour dans le cadre du Festival Paris l’été.
Chorégraphie de Fouad Boussouf assisté de Bruno Domingues Torres
avec Elias Ardoin (ou Yanice Djae), Sami Blond, Mathieu Bord, Maxime Cozic (ou Teddy Verardo), Loïc Elice, Justin Gouin et Nicolas Grosclaude
Lumières de Fabrice Sarcy
Costumes et scénographie de Camille Vallat
Son et arrangements – Roman Bestion
Crédit photos © Charlotte Audureau