Benjamin Bellecour ©Christophe Clovis

Benjamin Bellecour et les Mises en Capsules

Pour la 14e édition des Mises en Capsules, son fondateur, Benjamin Bellecour, a répondu à nos questions.

Benjamin Bellecour © Christophe Clovis

14e édition des Mises en Capsules, festival qui a permis à bien des artistes de s’exprimer et de se révéler, son créateur, Benjamin Bellecour, a répondu à nos questions.

A la création, il y a 16 ans, aviez-vous imaginé que ce festival durerait si longtemps ?

Non, pas du tout. La première année, j’ai eu très peur. Je me disais qu’il n’y aurait que trois, quatre personnes dans la salle, que les spectacles allaient être nuls ! À partir de la deuxième édition, nous avons senti que si cela s’était bien passé la première fois, ce n’était pas un accident. La fidélité du public et l’envie des artistes d’y participer sont les deux choses qui m’ont surpris. C’est là où l’on s’est dit, avec Salomé Lelouch et Pierre-Antoine Durand, que l’on ne s’était pas trompé. Jamais je n’aurais pensé que cela plairait à autant de gens, pendant autant d’années. Je n’avais même jamais envisagé que les spectacles créés aux capsules aient une vie après.

Qu’est-ce qui en a fait le succès ?
Visuel mises en capsules 2022

L’idée de se dire que l’on pouvait aller au théâtre, en début d’été, d’une façon différente. Cela ne coûte pas très cher. C’est la possibilité de découvrir des choses très différentes, en buvant des verres. Je pense qu’il y a eu vraiment un truc qui s’est passé avec cette possibilité d’une soirée théâtrale plus festive que d’habitude, loin de la messe culturelle ! Oui, cela a vraiment joué. On est libre, pouvant arriver et repartir quand on veut… Cette liberté-là, que l’on retrouve également chez les artistes, a beaucoup contribué à créer une atmosphère globale qui est assez légère et bienveillante. C’est un festival joyeux autant dans le pourquoi on y vient et le pourquoi on le fait. C’est pour ça que cela fonctionne.

Comment faites-vous la sélection ?

On reçoit entre 200 et 300 dossiers, selon les années. Au début, j’étais tout seul, après j’ai lu avec Pierre-Antoine Durand, et maintenant on est six personnes dans le comité de lecture. On est trois à lire les mêmes textes. On s’en parle. On en sélectionne trente ou quarante, que l’on voit en lecture de 10-15 minutes À partir de là, on en choisit 16. On pénalise un peu les seuls en scène, pour que cela ne soit pas un festival de seul en scène. Ce ne sont que des écritures contemporaines. Des spectacles qui n’ont jamais été joués. On ne se limite absolument pas sur le nombre de personne sur scène, sur la folie des projets, etc. Ce qu’on aime, c’est « le pas de côté » dans le style où dans l’idée. Du moment qu’il y a une originalité de ton, cela nous donne envie. Alors, des fois on se trompe et des fois on ne se trompe pas !

Dans toutes les capsules présentées, beaucoup ont existé ensuite…
La métamorphose des cigognes Marc Arnaud  © Alejandro Guerrero

Aujourd’hui, je pense qu’il y a une quarantaine de spectacles qui sont devenus des formes longues. Cela va du Porteur d’histoire à La machine de Turing, en passant par Le syndrome du banc de touche, La main de Leïla, Lorsque Françoise paraît, La métamorphose des Cigognes, qui est nominée aux Molières. Grosso modo, il y a un tiers, voire la moitié des spectacles qui chaque année se prolongent en formes longues. Certains deviennent de très gros succès, d’autres vivent leur vie, etc. Il y a des spectacles qui ne tiennent pas sur les formes longues et cela nous va très bien. Cela a été aussi un marchepied pour beaucoup de gens qui comme acteur, comme metteur en scène, comme auteur, ont fait leurs premiers pas, ont osé passer des caps. Que ce soit Salomé Lelouch, Alexis Michalik, Igor Mendjiski, Benoît Solès. Le collectif L’Avantage du doute y a fait ses premières pas avec Les dessous. Pour pas mal d’entre eux, cela a été un accélérateur de particules à un certain moment, soit pour un spectacle, soit pour leur carrière. Une de nos grandes fiertés est d’avoir contribué, à un moment, à accélérer des choses, d’avoir donné la possibilité à des artistes de s’autoriser à faire des choses. Alexis Michalik, qui n’arrêtait pas de nous dire, qu’il n’était pas auteur, s’est lancé. Evidemment, qu’il aurait fini par écrire. Mais le fait que le festival existe, cela a permis à beaucoup d’essayer, l’écriture, la mise en scène… Là aussi, c’était superbe ou  non ! Mais, je pense que quand on est un artiste, on a besoin de brouillon. Et au théâtre, il n’y en a pas tellement. J’adore les expositions de dessins préparatoires d’une œuvre. Je trouve ça très émouvant. C’est ce que l’on retrouve aux Capsules, ce premier geste, qui parfois n’est pas tout à fait abouti. Il y a un droit à créer et aussi un droit à se tromper. Et ce risque-là, il faut oser le prendre.

Que penser de toute cette création foisonnante ? Que le théâtre est loin d’être mort ?

Je peux dire que cette 14e édition est plus que jamais nécessaire. On sort de trois ans de Covid ! Cela a été extrêmement violent pour beaucoup de créateurs. Un grand nombre de projets ont été mis à l’arrêt. Oui, il y a une grande envie. Le théâtre reste un endroit, contrairement au cinéma, où on a juste besoin d’un projecteur, d’une ou deux chaises, pour que les acteurs fassent vivre quelque chose. Le théâtre est un endroit où l’on s’autorise à réfléchir sur la société, sur les questions sociales et actuelles très rapidement. Soit de manière ludique ou très documentaire, premier degré. Beaucoup de gens du cinéma, de la littérature, de la télévision viennent du théâtre et il faut que cela reste toujours le cas.

Un grand souvenir ?
Le porteur d'histoire d'Alexi Michalik © Chantal Stigliani

La première fois où j’ai vu, les trente premières minutes du Porteur d’histoire ! Cela a été très fort ! Evidemment aujourd’hui, je dis ça parce qu’il s’est passé tout ce qui s’est passé, mais quand même cela reste un grand souvenir. Je me souviens aussi que c’est la première fois où j’ai vu Jonathan Cohen sur scène. C’était dans Masques et nez de Mendjiski. Je m’étais demandé qui était cet acteur que je trouvais dingue. Mais, quand on a du refuser des spectateurs parce que la salle était plus que pleine ! C’était à la dernière représentation de la première édition ! Moi qui pensais que cela n’allait intéresser personne, qu’il n’y aurait que quinze personnes dans la salle, que j’allais perdre de l’argent, de voir à la fin de cette première édition, la salle pleine, les artistes contents de l’avoir fait et qui nous remerciaient. Je me suis dit que finalement ce n’était pas une si mauvaise idée que cela.

Et des regrets ?

Il y a une époque où l’on remettait un prix. On a arrêté assez rapidement, car ce n’était pas une bonne idée. C’était comme si, tout d’un coup, cela devenait un concours, que l’on disait qu’un spectacle était meilleur que les autres. Ce n’était pas l’idée des Capsules. Ça, c’est un regret. L’autre regret, c’est un projet qu’on avait commencé à faire avec Salomé Lelouch. On a toujours essayé d’aller chercher, d’aller provoquer des écritures sur un thème commun. Une année, on avait fait un festival, dans l’esprit des Capsules, sur le thème du fait divers, mais on n’a pas été plus loin. Il y a aussi regret que le festival Les mises en capsules ne rentre dans aucune case pour obtenir des subventions. C’est dommage ! J’ai le regret de ne pas réussir à ce que ce festival soit, financièrement, quelque chose de plus attrayant pour les compagnies. J’aimerais faire mieux là-dessus.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Ce n’est pas un festival qui a vocation à grossir, à aller ailleurs. L’avenir, c’est de continuer à bien faire ce que l’on faisait au début. J’espère que l’on continuera à découvrir des gens ! Que je resterai aussi curieux que je l’étais à 25 ans. J’espère que cela m’aidera pour que mon regard ne se fatigue pas. L’avenir, c’est de continuer à rester réceptif.

Marie-Céline Nivière

Festival Les Mises en Capsules.
Théâtre Lepic.
1 avenue Junot 75018 Paris
Du 23 mai au 11 juin 2022.
Du lundi au samedi à partir de 19h.
16 créations de 30 mn, 5 spectacles par soir.

Photo © Christophe Clovis, © Chantal stigliavi, © Alejandro Guerrero

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