Plus fort que la classe de neige, plus vivifiant que la classe verte, l’Espace des Arts – Scène nationale de Chalon-sur-Saône invite six collèges de l’agglomération au sens large à participer à une classe théâtre. Le projet lancé en 2021 est tout simple, proposer à des CM1 ou des CM2 de découvrir l’art vivant autrement, en passant une semaine dans l’envers du décor. Avec un ou une artiste associé.e, les élèves travaillent textes, jeux et explorent les métiers du spectacles. Reportage.
Dix heures du matin, un jeudi de mars, à Chalon, devant l’entrée des artistes de la scène nationale, l’activité est assez calme. Dans le bâtiment classé monument historique, fait de béton, de bois et de verre, le silence règne. Après la première hier soir de Nostalgie 2175 d’Anja Hilling, mis en scène par Anne Monfort, l’institution ouvre tranquillement au public. À l’accueil, les premiers coups de téléphone retentissent. Dans les salles, c’est l’heure du nettoyage, du rangement, du montage ou du démontage de décor. Dans les bureaux, les administratifs s’affairent à leurs tâches quotidiennes. Soudain, des rires d’enfants résonnent. La vie s’insuffle dans les couloirs. C’est l’heure de la pause. Les élèves de Frédérique Miaillon, de la classe de CM1 de l’École chalonnaise Saint-Jean-des-Vignes, déjà au travail depuis plus d’une heure, prennent l’air dans la cour, s’amusent, jouent au ballon, échangent parfois quelques impressions sur leur matinée.
Deux groupes, deux ambiances
Dans le studio noir, qui sert souvent aux répétitions, parfois de salle de spectacle, Une dizaine d’enfants prend possession du plateau. Guidés par Julie Roux, autrice, metteuse en scène, comédienne formée au Conservatoire national supérieur d’Art Dramatique et membre du vivier de l’Espace des arts, ils font des pantomimes, des grimaces. « L’objectif de la semaine, raconte l’artiste, est de leur faire prendre conscience de leur corps, de leur apprendre à improviser, à exprimer des émotions par des gestes, des mots. Aujourd’hui, la consigne est toute simple : ils doivent mimer un objet qui à un problème et nous raconter ce qui ne va pas. » Utilisant la méthode qui sert aux clowns à trouver leur personnage, elle intervient de la salle, les questionne, les aiguille. Sourire aux lèvres, chacun leur tour les enfants s’avancent sur scène – les uns s’imaginant vase, les autres crayon ou rummikub® – et partagent avec les autres ressentis et émotions. Face à la bienveillance du regard de Julie Roux, tous prennent plaisir à être autre. Dans la salle Trop Classe, spécialement dédiée à ce dispositif imaginé en partenariat avec l’Éducation nationale, Frédérique Miaillon anime l’atelier d’écriture. Toujours sur le même principe, l’autre partie de la classe doit en quelques mots, quelques phrases faire deviner un objet. Aidés de l’enseignante et d’une conseillère, Tous penchés sur leur cahier, ils bûchent en silence. Certains fiers à bras, s’agitent, font la moue, mais très vite ils plongent à nouveau dans leur pensée. Armés d’un crayon, ils reprennent le fil de leur court récit.
Un dispositif innovant
Après l’avoir testé l’an passé sur quatre classes de primaire, Nicolas Royer, directeur du lieu, souhaite, à terme, l’élargir. « Cette année, explique-t-il, nous en accueillons en tout sept dont une de collège. L’objectif est d’aller jusqu’à dix, qu’elles viennent de la ville, de l’agglomération chalonnaise ou de zone rurale. Par ailleurs, et, c’est très important, Chaque fois nous associons au projet un artiste différent, cette semaine c’est Julie Roux, la prochaine fois ce sera Justine Berthillot. Chapeauté par Olivier Letellier, qui s’occupe notamment de former les enseignants, le dispositif est pensé pour que tout le long de l’année les enfants soient initiés à l’art vivant et pour qu’ils puissent voir un minimum de trois spectacles. Nous espérons ainsi leur faire découvrir le théâtre sous toutes ses coutures, leur montrer le fonctionnement d’une maison comme la nôtre et pourquoi pas leur donner le goût du spectacle vivant. » À voir la mine réjouit des enfants, le pari pourrait bien à terme être gagné. En attendant, en ce début d’après-midi, la vingtaine d’élèves se retrouve pour un moment de calme où chacun assis sur un gros coussin écoute les autres raconter les histoires écrites le matin. « Demain, c’est le dernier jour de l’atelier, souligne Pascale Giroud, responsable des publics au sein de l’Espace des Arts. Nous leur laissons le choix de présenter ou non ce qu’ils ont fait dans la semaine. Nous ne souhaitons pas systématiser une sorte de sortie de résidence qui les contraindraient à préparer toute la semaine un spectacle. On perdrait en liberté, en spontanéité. »
La journée se termine. Elle fut riche en enseignement, en rencontre. Le visage radieux des enfants suffit pour comprendre à quel point Trop classe est une initiative pédagogique, ludique, culturelle et artistique à encourager. D’ailleurs, d’autres scènes comme celle de Sénart notamment, devraient dans les mois à venir suivre le mouvement. Pour finir, Comme dirait l’un des élèves croisés studio noir, « c’est vraiment trop bien ! »
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Chalon-sur-Saône
Trop Classe
un dispositif de l’Espace des Arts – Scène nationale de Chalon-sur-Saône
5 Bis avenue Nicéphore Niépce
71100 Chalon-sur-Saône
Crédit photos © OFGDA