Et moi et le silence de Naomi Wallace - mise en scène de rené Loyon © Nathalie Hervieux

Quand la parole cogne et nous percute

À l’Epée de Bois, puis aux Célestins -théâtre de Lyon, René Loyon adapte Et moi et le Silence de la grande dramaturge américaine, Naomi Wallace.

En mettant en scène, au Théâtre de l’Epée de Bois, puis aux Célestins de Lyon, Et moi et le Silence de la grande dramaturge américaine, Naomi Wallace, René Loyon nous propose un spectacle intense où critique sociale et poésie font bon ménage pour nous raconter une société qui n’offre aucune chance à ses enfants.

Naomi Wallace est une femme de lettres américaine, née en 1960, qui possède un style et une langue notables. Nous avions découvert son œuvre en 2012, quand la Comédie-Française, dont une des missions est de faire découvrir des auteurs contemporains, avait inscrit à son répertoire Une puce, épargnez-la, dans une mise en scène d’Anne-Laure Liégeois. Puis en 2015, lorsque Roland Timsit, à partir de trois textes de l’autrice, créa au Théâtre 13, La carte du temps. Avec Et moi et le silence, de facture différente, elle démontre une fois de plus la qualité de son travail et que le regard qu’elle pose sur notre monde est essentiel. À noter l’excellente traduction, pour toutes ses pièces de Dominique Hollier, qui sait faire ressortir la beauté, la force des mots et des sentiments.

Bonnes pour s’en sortir

Et moi et le silence de Naomi Wallace - mise en scène de rené Loyon © Nathalie Hervieux

L’histoire se passe dans les années 1950, quelque part aux Etats-Unis. A nous de nous projeter. Deux gamines que la vie a bien bousculées se retrouvent en prison. Pour s’en sortir elles n’ont qu’un seul moyen, rêver à ce qu’elles feront une fois dehors. Leur objectif est simple, elles seront les meilleures femmes de ménage du Conté. Alors, dans leur cellule, s’appuyant sur leur amitié amoureuse, elles jouent aux jeux du Maître et du valet. Bien, sûr, on songe aux Bonnes de Jean Genet, mais cela n’est que fugace. Recouvrant la liberté, les filles se retrouvent confrontées à la réalité de la pauvreté, de la discrimination sociale et de la ségrégation raciale. Jamie est afro-américain. Dee est blanche. Elles n’ont aucune chance !

La jeunesse sacrifiée

La grande force de la pièce réside dans sa construction. Rien de linéaire, se basant sur le système des flash-back, l’autrice tisse son récit en ne cessant de nous faire passer d’une époque, celle de la prison, à l’autre, celle de la liberté. Ce jeu de miroirs renforce la teneur de son propos. Loyon a eu l’excellente idée de choisir des interprètes différentes selon le lieu où elles se trouvent. Pour le passé, ce sont les remarquables Sarah Labrin et Morgane Real. Avec elles, Jaimie et Dee semblent plus mûres. Ce qui est normal, puisqu’en prison, il y a des règles à suivre et des attitudes à avoir. Une fois dehors, elles sont plus fragilisées et retrouvent la candeur de leur jeunesse. Juliette Speck et Roxane Roux sont bouleversantes. Si l’on s’attache plus aisément au personnage de Dee, la raisonnable, qui a cause de la couleur de sa peau, ne trouvera jamais le repos, la petite Jaimie, enfant maltraitée par des parents défaillants, possède assez de failles pour nous toucher.

Jeu d’ombre et de lumière

Et moi et le silence de Naomi Wallace - mise en scène de René Loyon © Nathalie Hervieux

René Loyon a traité avec une belle sensibilité les passages entre les époques et les lieux. Chaque tableau possède sa propre lumière et des jeux d’ombres remarquables. La prison est lumineuse, avec cette fenêtre qui s’ouvre sur les arbres et les saisons. La maison est sombre, suintant de leur pauvreté, se refermant sur elles comme un piège. Les actes s’enchaînent grâce aux mouvements graciles des comédiennes qui s’échangent le plateau. Visuellement, cela fonctionne très bien. Un spectacle coup de poing, car ces filles, pas si éloignées de nous, auraient dû avoir le droit de vivre et non celui de mourir.

Marie-Céline Nivière

Et moi et le silence de Naomi Wallace
Théâtre de l’Epée de Bois
Cartoucherie – Route du Champs-de-Manœuvre 75012 Paris
Du 3 au 20 mars 2022
Jeudi et vendredi à 21h, samedis à 16h30 et 21h, dimanche 16h30
Aux Célestins de Lyon (69)
Du 29 mars au 3 avril
Durée 1h15

Traduction de Dominique Hollier
Mise en scène de René Loyon
Avec Sarah Labrin, Morgane Real, Roxanne Roux, Juliette Speck
Dramaturgie de Laurence Campet
Scénographie de Nicolas Sire
Lumières de Laurent Castaingt
Costumes de Nathalie Martella
Musique d’Aguirre

Crédits photos © Nathalie Hervieux

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