Après Helsingør, Léonard Matton poursuit, au théâtre des Béliers Parisiens, son exploration des possibilités qu’offre le théâtre immersif. Il a trouvé avec la pièce de Pirandello, Henri IV, l’œuvre qui sied à sa recherche d’aborder autrement le théâtre. Un régal !
Cette fois-ci, le spectateur n’est pas convié à bouger de son siège, en revanche, il se retrouve en pleine immersion, en pleine action. Sa participation au spectacle s’inscrit justement dans son propre rôle, celui de public. Son attention est toujours sur le qui-vive, puisque l’action se déroule partout, sur le plateau et en dehors de cet espace sacré, dans le hall et aussi dans toute la salle. Les comédiens surgissent de partout, nous incluant dans le processus de la représentation. La mise en scène de Léonard Matton est formidable. Rien n’est laissé au hasard et nous ne cessons d’être surpris.
Dans les coulisses d’une création
L’idée de base est des plus séduisantes, nous assistons à un filage, c’est-à-dire à une répétition où l’on défile la pièce dans son ensemble. Normalement, le public n’est pas convié à cet exercice. La metteuse en scène et l’envahissante productrice, devant faire plaisir à leurs mécènes, ont accepté qu’il y ait des spectateurs. Un comédien surgit et découvre, tout étonné, qu’il s’est trompé d’Henri et de période ! Cela tombe bien, il n’interprète pas le personnage d’Henri issu du Saint-Empire ! Le théâtre dans le théâtre fonctionne très bien, surtout lorsqu’il est bien fait. Et ici, il l’est. Les comédiens ont créé leurs propres personnages de comédiens qui s’apprêtent à jouer pour nous. C’est à devenir fou, allez-vous penser ? Justement, la pièce de Pirandello parle de cela, de la folie.
L’essence d’une pièce
Léonard Matton signe une adaptation très pertinente de la pièce de l’auteur italien. S’il a énormément expurgé, ce qu’on lui pardonne grandement, il en a gardé la quintessence. En quelques mots un jeune homme a été victime d’un accident de cheval dans sa jeunesse lors d’une mascarade. Il était déguisé en Henri IV et depuis, il se prend pour lui. Durant vingt ans, il va vivre enfermé dans sa demeure, entouré de serviteurs, dans ce passé qui n’est pas le sien, rejouant la vie de cet empereur du Saint-Empire. Mais, un jour, sa sœur mourante, demande à son fils de faire examiner son oncle par un psychiatre. Ce qu’il fait, accompagné de sa fiancée, de la mère de celle-ci et de son amant. Mais pour ne pas perturber le malade, ils doivent se déguiser et jouer des personnages. Et l’on découvrira ce qui s’est passé vingt ans plus tôt et surtout que le fou n’est pas le fou que l’on croit ! Et que tout n’est que représentation !
Une troupe pleine de fougue
Les jeunes comédiens de la Compagnie Acquaviva se sont glissés avec bonheur et de belles prédispositions dans leurs personnages. On adore leurs apartés, qui souvent se résument à un regard, à une attitude, lorsqu’ils sortent des personnages de Pirandello pour revenir à ceux qu’ils se sont créés. Donc, on vous prévient, ne lâchez jamais votre attention. Et dans le rôle du personnage, que Pirandello n’a pas nommé, qui se prend pour Henri IV, notons un jeune homme à l’avenir des plus prometteurs, Dylan Perrot. Son interprétation, très christique, nous a fait songer à Laurent Terzieff, qui fut éclatant dans ce personnage.
Marie-Céline Nivière
Henri IV de Luigi Pirandello
Théâtre des Béliers Parisiens
14, rue Saint-Isaure 75018 Paris
Du 21 février au 14 mars
Lundi à 21h
Durée 1h40
Adaptation, mise en scène et scénographie de Léonard Matton
Traduction de Benjamin Crémieux
Assistante à la mise en scène Clémence Audas et Aurélie Gendéra
Avec Albert Arnulf, Clémence Audas, Yolanda Creighton, Aurélie Gendéra, Reynold de Guenyveau, Guillaume Lauro Lillo, Justine Marçais, Maud Olivieri, Dylan Perrot, Alice Preyssas, Maxime Seynave, Pierre-Emmanuel Uguen.
Costumes de Margaux Lopez
Conseil chorégraphies de Fantine Lanneau-Cassan
conseil chant de Christophe Charrier
Crédit photos © Matthieu Camille Colin