En 2008, à la création en France du Roi Lion, Olivier Breitman nous éblouissait dans son interprétation remarquable de Scar, le méchant oncle du jeune Simba. 14 ans après, il revient sur la scène du théâtre Mogador, dans la nouvelle production de ce spectacle flamboyant. Rencontre avec un homme de cœur qui rugit de plaisir.
Ce sont les producteurs qui sont venus vous chercher ?
Olivier Breitman : Pas du tout, j’ai dû repasser les auditions. C’était le principe, tout le monde devait être à chance égale. Quand j’ai vu qu’ils reprenaient Le Roi Lion, je me suis mis sur les rangs. Si Le Roi Lion a été ma première grosse comédie musicale, entre-temps (j’ai fait bien d’autres spectacles musicaux comme La Nuit d’Elliot Fall avec Jean-Luc Revol, L’Hôtel des Roches Noires de Françoise Cadol, une autre grosse comédie musicale Dirty Dancing. Et puis, il y a eu Un Violon sur le toit, avec l’Opéra du Rhin qui fut une expérience magnifique. Parce que c’était une programmation à l’Opéra de Strasbourg, que c’est une œuvre extraordinaire, et surtout que cela m’a permis de travailler avec Barry Kosky, le directeur de l’Opéra-Comique de Berlin et metteur en scène de génie. J’avais donc très envie de revenir me frotter au Roi Lion et de retrouver cette autre metteuse en scène de génie qu’est Julie Taymor.
Donc vous avez dû postuler pour reprendre le rôle de Scar ?
Olivier Breitman : Absolument, j’ai envoyé mon CV à Stage Entertainment, aux producteurs et directeurs du Mogador, en espérant qu’ils se souviendraient un petit peu de moi… Ils m’ont convoqué pour passer les auditions. J’avais quand-même un peu d’avance sur les autres, parce que ce Scar, après l’avoir joué plus de 800 fois, je le connaissais intimement.
Pourquoi avez-vous voulu y retourner ?
Olivier Breitman : Parce que j’adore ce spectacle. Le Roi Lion est, il me semble, une œuvre un peu à part dans le répertoire des comédies musicales et même dans les mises en scène de Julie Taymor. Ce spectacle possède quelque chose de très particulier que l’on ne retrouve nulle part ailleurs ! Et puis pour le personnage de Scar. Pendant les trois ans où j’ai déjà joué ce rôle, je me suis passionné sans m’ennuyer une seconde jusqu’à la dernière représentation. Je me suis demandé si j’allais réussir, en ayant dix ans de plus, à me renouveler encore chaque soir. En fait, le personnage est tellement riche, si bien composé et bien écrit, que cela vient tout seul de lui découvrir de nouvelles nuances. Comme je le dis plus haut, entre-temps, j’ai vécu des expériences musicales nouvelles qui font que j’ai en ma possession plus d’armes artistiques pour aborder un rôle comme celui-ci.
Le rôle de Scar est très physique, ce n’est pas trop dur ?
Olivier Breitman : Effectivement, c’est physique. Étant un peu plus âgé que lors de la création, j’étais un peu inquiet : Est-ce que j’allais réussir à tenir le coup ? Eh bien oui finalement. C’est l’âge du personnage qui compte or Scar est éternel : il meurt chaque soir et ressuscite pour la représentation suivante, toujours énergique ! Je pense que c’est aussi pour ça qu’ils ont voulu faire repasser les auditions à tout le monde. Après 11 ans, les gens ne sont plus obligatoirement dans la même forme physique. Imaginez pour un danseur, et bien dans la troupe actuelle, il y a Wilberto (Gonzalez), qui était déjà, comme moi, de la création à Mogador. Il y a aussi une jolie histoire, celle de Gwendal (Marimoutou). Il y a 14 ans, il avait fait l’école du Roi Lion. Mais, comme cela arrive souvent chez les enfants, il a poussé d’un coup. Devenu trop grand pour interpréter le petit Simba, il n’avait pu jouer dans le spectacle. Aujourd’hui, il a été engagé pour faire Simba adulte. C’est une belle revanche du destin, non ?
Qu’est-ce que l’école du Roi Lion ?
Olivier Breitman : C’est l’école préparatoire pour préparer les enfants aux auditions. Actuellement, il y a une trentaine d’enfants qui préparent l’audition pour une éventuelle deuxième saison. Il faut savoir qu’il y a sept petits Simba et sept petites Nala. Ils viennent deux fois par semaine, une fois sur scène et une fois en doublure. Ainsi, si jamais celui qui doit jouer à un problème, il peut être remplacé. Ce système de remplacement a été utile plusieurs fois à cause du Covid et des cas contacts. J’ai moi-même deux doublures !
Revenons à Scar, jouer un personnage méchant, cela doit être finalement amusant, voire jouissif ?
Olivier Breitman : Quand je jouais des rôles de jeunes premiers, ce qui m’intéressait dans ces personnages, c’était de leur trouver une fêlure. Si le personnage est juste gentil, il risque de paraître un peu fade. Pour Scar, j’ai fait le chemin inverse. J’ai cherché pour quelles raisons il était devenu aussi affreux. Scar est un des plus beaux méchants de tous les personnages de Disney, car il est le plus torturé. Ce que Julie Taymor a encore plus accentué dans la pièce. Alors, oui c’est très jouissif de jouer un personnage qui transgresse les lois, cela me permet de transgresser les codes de jeu, de passer du naturalisme à l’expressionnisme. Mais il ne faut jamais oublier que si l’on n’est pas sincère dans ce que l’on fait, cela ne passe pas.
Qu’est-ce que les 14 années qui vous séparent de la création ont apporté à votre Scar ?
Olivier Breitman : J’ai exploré de nouveaux recoins de son cerveau tordu. Parfois j’ai des sous-textes que je n’oserais pas révéler à quiconque. Il y a une chose importante, Scar a beaucoup de scènes avec le petit Simba. À chaque représentation, le jeune Simba change d’interprète. Et ces petits Simba ont tous une énergie différente. Donc selon le Simba qui est sur scène, cela transforme un petit peu mon Scar qui est toujours en réaction sur le petit. Le malheur de ce personnage est ce petit Simba qui va devenir roi, alors que l’héritier du trône devait être lui. C’est la venue du petit qui déclenche la haine de Scar et son désir de vengeance. Je suis revenu aussi parce que j’étais heureux en jouant un personnage peu doué pour le bonheur !
Comment se transforme-t-on en Scar ?
Olivier Breitman : Cela commence à 18h30 pour jouer à 20h. Au départ, il y a un long travail de maquillage. J’aime ce moment où je vois le visage de Scar prendre forme. Cela me permet de laisser venir en moi le personnage et inversement. Ensuite, vient l’habillage. Le costume prend beaucoup de place, le masque est volumineux mais léger. Ce qui est compliqué, c’est toute la machinerie qu’il faut installer. Je suis câblé de partout. C’est le travail du corps qui donne l’impression que le masque est vivant. Le public ne doit se rendre compte de rien.
Après ce qu’on a vécu avec la pandémie, le public devait être heureux de vous retrouver.
Olivier Breitman : On sent que c’est un public qui a envie de spectacle, de théâtre. C’est formidable. Nous, les artistes, nous étions frustrés d’être interdit de travailler. Mais le public était frustré aussi d’être interdit de venir nous voir travailler. C’était dur pour tout le monde.
Quatorze ans après, il a lui aussi a changé.
Olivier Breitman : On a le même type de public qu’à la première fois, c’est-à-dire des gens qui ont envie de voir Le Roi Lion. Et puis, il y a ceux qui l’ont vu, il y a 14 ans, et qui reviennent avec leurs enfants ! Il y a une deuxième génération de spectateurs. C’est un phénomène qui existe beaucoup dans les comédies musicales, les gens qui reviennent voir plusieurs fois le même spectacle. Là, j’ai l’impression que c’est encore plus que d’habitude.
Et il est présent !
Olivier Breitman : C’est plein tout le temps ! Pour des places isolées, on en trouve toujours une ou deux ! Mais deux places côte à côte, il vaut mieux s’y prendre en avance. Je savoure le privilège que l’on a d’être dans un spectacle qui est plein tous les soirs. Afin d’assurer les représentations, quoi qu’il se passe, la production a mis en place tout ce système de doublures pour que l’on ne vive plus l’interruption forcée pour cause de virus et de cas contacts, comme on l’a eue pour les fêtes. Pour le moment, il est prévu que l’on soit à l’affiche jusqu’à fin juillet. Mais comme ça marche bien, on espère tous qu’il y aura une deuxième saison et après… on verra bien !
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Le Roi Lion d’Elton John et Tim Rice
Théâtre Mogador
25 rue Mogador 75009 Paris
Jusqu’au 31 juillet 2022
Du mardi au samedi à 20h, matinée samedi, dimanche à 15h et mercredi 2, jeudi 17 mars, mercredi, 13, 20, 27 avril. Relâche le 12 mai
Durée 2h35 avec entracte
Mise en scène de Julie Taymor
Avec Olivier Breitman, Cylia, Alexandre Faitrouni, Rodrigue Gallio, Gwendal Marimoutou, Noah Ndema, Sébastien Perez, Ntsepa Pitjeng-Molebatsi, et la troupe
Crédit portrait © Samy Telhaoui – Brandon Agency
Crédit photos © Alessandro Pinna