Jusqu’au 18 février 2022, la cinquième biennale d’art flamenco bat son plein à Chaillot-Théâtre national de Danse. Conjuguant tradition, contemporanéité et réinvention perpétuelle, le programme met en parallèle figures incontournables et nouvelles étoiles. De Rafaela Carrasco à l’improbable et fascinant duo David Coria-Jann Gallois, en passant par Farruquito ou Rafael Riqueni, c’est toute la caliente espagnole qui déferle au Troca !
Depuis le 3 février, Chaillot fait salle comble. Toute la diaspora espagnole et tous les aficionados de Flamenco se sont donnés rendez-vous. Le grand escalier ne désemplit pas. Dans la salle Jean Vilar, chacun se fraye un chemin, salue une connaissance, un ami. Les accents chantent. Loin du froid parisien, le programme en forme d’éventail – idée fort ingénieuse – s’agite en tous sens pour rafraichir les têtes, l’air chaud tout droit venu de Séville, dont la biennale est un des partenaires de choix de cette manifestation.
Rafaela Carrasco, une Ariane des temps modernes
Robe fleurie de gros tournesols jaunes, la chorégraphe, ex-directrice artistique du Ballet flamenco d’Andalousie, se frotte à la tragédie grecque. En prenant comme sujet le mythe d’Ariane, l’artiste s’éloigne un temps de sa chère Espagne et invente une danse furieuse, endiablée sur fond de passion, d’amour blessé et de liberté empêchée par les murs froids, inquiétants d’un labyrinthe qui cache tour à tour jardin de fleurs ou bête déchaînée. Seule sur scène, Rafaela Carrasco frappe du pied, des mains sur son torse, claque des talons, tourne avec une précision, une maîtrise virtuose. Pur fruit de l’école traditionnelle de l’art andalou, reine de la perfection, de l’excellence, elle livre une prestation tout en générosité et intensité.
La conjugaison des arts
Accompagnée sur scène par quatre danseurs – Rafael Ramírez, Gabriel Matías, Ricardo Moro Felipe Clivioet Jesús Gonzalez -, de deux musiciens – Jesús Torres et Salvador Gutierrez – et de deux chanteurs – Antonio Campos et Miguel Ortega –, Rafaela Carrasco invite à un voyage tant intime, poétique que chorégraphique des côtes de la Crête au bord de la Seine, en passant bien évidemment par la fière Andalousie et la désertée île de Naxos. Questionnant nos doutes, nos besoins de liberté à travers l’histoire intemporelle de la belle Ariane, femme délaissée par un amant qui l’a dépouillée de tout, la majestueuse Sévillane virevolte jusqu’à l’épuisement et offre pour son grand retour une danse du cœur, de l’âme que de nombreux et fournis applaudissements ponctuent et saluent. L’Espagne est clairement dans la place !
Fusion passionnelle
Après la « caliente » de la tradition andalouse, Didier Deschamps, directeur de Chaillot jusqu’en 2021 et organisateur de cette cinquième biennale, a imaginé un duo improbable, une rencontre entre deux danses, deux styles, deux artistes que tout oppose, la lumineuse Jann Gallois, issue du hip hop, et le ténébreux David Coria, jeune virtuose du flamenco. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Imperfecto, leur création à quatre mains, fait des étincelles. Contant l’amour fou autant qu’impossible entre le feu et la glace, les deux chorégraphes signent une œuvre d’une rare incandescence.
Parler de l’Humain
Conjuguant avec audace, humour et maestria, la danse viscérale de l’un, cérébrale de l’autre, les deux danseurs tissent le récit d’une passion faite d’imperfections, de doutes, d’intenses et charnels corps à corps. S’amusant des genres et s’appuyant sur le chant flamenco de David Lagos, le piano d’Alejandro Rojas et les percussions de Daniel Suarez, Jann Gallois et David Coria ne font sur scène plus qu’un. À travers un travail fait d’improvisations, les deux artistes enflamment Chaillot. C’est beau, chaud et puissant !
Encore quelques jours sous le soleil andalou
Jusqu’à samedi, les artistes conviés à la cinquième biennale continuent à faire vibrer les murs du Trocadéro. Le guitariste Rafael Riqueni invite avec Nerja, dernier volet de sa trilogie musicale andalouse, à un poème chanté, dansé. Le danseur Farruquito propose de plonger avec six danseurs dans l’histoire du Flamenco. Enfin, l’ardent David Coria offre les prémices de sa prochaine création en accès libre dans le Foyer de la danse. Foncez et laissez-vous embraser par les danses ensoleillées tout droit venues de la péninsule ibérique, olé !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Cinquième biennale d’Art Flamenco
Chaillot-Théâtre national de la Danse
place du Trocadéro
75016 Paris
Jusqu’au 18 février 2022
Ariadna [al hilo del mito]
Mise en scène et chorégraphie de Rafaela Carrasco
Dramaturgie Álvaro Tato
avec Rafaela Carrasco, Rafael Ramírez, Gabriel Matías, Ricardo Moro Felipe Clivio et Jesús Gonzalez (danse), Jesús Torres et Salvador Gutierrez (guitares), Antonio Campos et Miguel Ortega (chant)
Direction musicale de Jesús Torres
Musique d’Antonio Campos & Jesús Torres
Costumes de Leandro Cano
Lumières de Gloria Montesinos (AAI)
Son d’Angel Olalla
Régisseur plateau – Rusti
Imperfecto
Chorégraphie, mise en scène et costumes de Jann Gallois et David Coria
Regard Extérieur de Frederic Le Van et Daniel Muñoz Pantiga
Lumières de Cyril Mulon
Régie son de Chipi Cacheda
Avec Jann Gallois et David Coria (danse), David Lagos (chant), Alejandro Rojas (piano et clavicorde) et Daniel Suarez (percussions)
Crédit photos © Ana Palma, © Michel Juvet et © Eyal Hirch