Au Lucernaire, après le succès de sa trilogie Psy Cause(s), qui explorait la psyché féminine, Josiane Pinson s’attaque à celle des hommes et offre à Alexis Victor, un texte qui égratigne la masculinité mal placée tout en faisant la part belle à nos fragilités, nos doutes. Le mâle ne serait-il qu’un colosse au pied d’argile, ou plus prosaïquement un humain comme les autres ?
Une voix off résonne dans le noir. Elle semble tout droit sortie du subconscient de l’hôte de ces lieux, un cabinet de psy installé au Paradis du Lucernaire. Tout vêtu de noir, visage avenant, Alexis Victor se glisse dans la peau de ce thérapeute de la gent masculine, à la limite du burn out familial. Entre sa vie perso en berne et ses patients complétement azimutés, l’homme navigue à vue cherchant avec humour et philosophie la lumière au bout du tunnel.
Galerie de portraits
Dégageant sympathie et jovialité, l’homme doute. Il est plein de failles, de blessures secrètes. Au fil des rencontres, des patients qui s’allongent sur son divan, il livre un portrait intime et kaléidoscopique du mâle d’aujourd’hui à la fois fragile, brut de décoffrage, angoissé, confit de certitudes et incapable de se remettre en cause, de laisser la place à l’autre, l’ami, la femme, l’enfant, son double sensible. Ainsi un peu plus d’une heure durant, le mari épuisé par son épouse vorace, l’acteur anxieux, le patriarche préférant son chien à sa femme, ses enfants, le père de famille dragué par une jeune surdouée, le fils écrasé par un père militaire, défilent et se confient sans filtre et pour le plus grand bonheur des spectateurs.
Une analyse tendre du mâle en perte de repère
Après s’être attaquée aux femmes, à leurs tourments, à leurs incertitudes, à leurs troubles, dans trois spectacles haut en couleurs, la gouailleuse Josiane Pinson s’intéresse cette fois à l’autre sexe. À la demande d’Alexis Victor, elle explore les méandres de la psyché des Messieurs. Toujours directe, elle brosse une analyse sans concession, sans jugement, du mâle qui cherche sa place dans un monde qui ne cesse d’évoluer, de remettre en cause la domination masculine. Le ton est certes plus grave, moins pétulant, mais il n’en reste pas moins caustique et finement troussé.
Acteur sensible
Pas simple d’entrer dans les pas de la Pinson, direz-vous. Pourtant, Alexis Victor s’en sort haut la main. Explorant d’autres contrées, ne cherchant surtout pas à l’imiter, il invente son propre personnage, un être sensible, borderline, qui se noie dans un quotidien où tout vrille, qui puise au plus profond de lui la force de lutter, de ne plus se complaire dans son statut de victime d’un père autoritaire, handicapé du cœur, d’une mère étouffante, etc. Petit à petit lâchant prise avec le texte, avec ses appréhensions, ses craintes, le comédien sort du cadre, réveille sa fibre drolatique « pince sans rire » et assume sa part d’humanité… après avoir craqué pour la psy déjantée de Psy Cause(s), laissez-vous charmer, séduire par ce lui singulier, qui derrière un certain sérieux, touche juste, et perce à jour nos faiblesses !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Psy cause(s) lui de Josiane Pinson
Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Petits-Champs
75006 Paris
jusqu’au13 mars 2022
Du mardi au samedi à 19h00, le dimanche à 15H30
Durée 1h10 environ
Mise en scène de Josiane Pinson assistée de Marie-Céline Nivière
avec Alexis Victor
Avec les voix de Deborah Lawrence, Laurent Richard et Josiane Pinson
Création lumière de Jacques Rouveyrollis
Création musicale de Stéphane Corbin
Mixage son de Spot Machine
Crédit photos © Raymond Delalande
