Après avoir plongé, avec Love en 2018 et Faith, Hope and Charity en 2021, de manière vertigineuse le spectateur au cœur de la détresse sociale d’un Royaume Uni pressuré par un système post thatchérien hyper capitaliste, Alexander Zeldin s’intéresse cette fois à la fin de vie. Traversant La Manche, il poursuit, pour la première fois avec une troupe française, son travail exploratoire des errances de nos sociétés occidentales normées. S’intéressant aux personnes à la marge d’un monde qui n’admet ni les faiblesses, ni les revers, ni les doutes, l’auteur et metteur en scène britannique dresse le portrait à l’encre noire d’une vieillesse qui ne supporte pas de se voir diminuer, de familles incapables de gérer au quotidien la dépendance de ses ainés, d’un système de santé exsangue et de soignants empathiques, mais à bout de souffle.
Ô vieillesse ennemie
S’emparant d’un sujet en vogue au théâtre – King Lear Syndrome d’Elsa Granat, À la vie d’Élise Chatauret, etc. – , que la crise de la Covid a mis en lumière, la fin de vie, les EHPAD, la mort, Alexandre Zeldin donne vie en direct à la déchéance de Marguerite (troublante Marie-Christine Barrault) , mère et grand-mère, aimante, mais indigne. Tous les éléments qui ont fait la force de ses dernières créations sont réunis, pourtant la mécanique ne prend pas. L’ennui s’installe de minute en minute. Le temps s’allonge sans jamais saisir totalement notre attention.
Une troupe au diapason
Ni la mise en scène très réaliste, ni la troupe ne semblent pourtant en cause. Les comédiennes et comédiens sont parfaits dans leur rôle, Catherine Vinatier incarne avec justesse cette fille, cette mère dépassée par les événements, Annie Mercier parfaite comme toujours en vieille gouailleuse rock n’roll et aguicheuse, Nicole Dogué touchante en aide-soignante au grand cœur compatissant et Thierry Bosc détonnant en gentilhomme Alzheimer, tombeur sur le retour de ces dames. C’est ailleurs que l’alchimie ne fonctionne pas, comme si le travail très ciselé de Zeldin, tout comme celui de Simon Stone avec ses Trois Sœurs en 2017, ne passait pas la rampe de la langue de Molière et du jeu à la française.
pièce en miroir
Une autre explication à notre impossibilité à s’attacher à cette œuvre pourtant nécessaire, pourrait être l’âpreté trop réaliste de la fin de vie ainsi montrée, la manière dont le texte résonne en nous, nous mettant face à la difficulté à supporter notre propre culpabilité à ne pouvoir souffrir les manies de nos petits vieux tant aimés, leurs petites méchancetés, leurs jugements à l’emporte-pièce, leur manière déroutante, étouffante de nous montrer leur tendresse, leur amour.
Fragmentant sa pièce à coup de changements de décor longs et tonitruants, le dramaturge anglais offre avec Une mort dans la famille, un spectacle certes de belle facture, mais qui faute d’un texte soutenu a du mal à trouver son rythme.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Une mort dans la famille d’Alexandre Zeldin
Ateliers Berthier
Odéon – Théâtre de l’Europe
1 place Suarès
75017 Paris
Reprise du 11 au 21 janvier 2023.
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h.
Jusqu’au 20 février 2022
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h
Durée 2h10
texte et mise en scène d’Alexander Zeldin
avec Marie Christine Barrault, Thierry Bosc, Nicole Dogué, Annie Mercier, Karidja Touré, Catherine Vinatier et, Nita Alonso, Flores Cardo, Francine Champlon, Michèle Kerneis, Dominique de Lapparent, Françoise Rémont, Marius Yelolo, et, Aliocha Delmotte, Hadrien Heaulmé, Mona, Ferdinand Redouloux
scénographie / costumes de Natasha Jenkins
lumière de Marc Williams
son denJosh Anio Grigg
travail du mouvement de Marcin Rudy
dramaturge / collaboratrice artistique – Kenza Berrada
collaborateur artistique – Robin Ormond
assistante costumes – Gaïssiry Sall
stagiaire à la mise en scène – Marcus Garzon
Crédit photos © Simon Gosselin