Au théâtre de Sartrouville, six metteurs en scène ont répondu à la demande de Sylvain Maurice d’écrire un spectacle à jouer partout à destination du jeune public. En résidence depuis l’automne 2021, David Lescot, Julia Vidit, Nicolas Genovese, Marion levy, Claire Diterzi et Baptiste Amann, fin prêts, partent à l’assaut des Yvelines pour le meilleur, pour le rire, pour l’extraordinaire.
Depuis maintenant 13 éditions, la biennale Cité-Odyssées, laboratoire de création jeune public, porté par le Théâtre de Sartrouville-Yvelines-CDN, s’appuie sur un fort maillage départemental, un réseau de médiathèques, de maisons de jeunes et de la culture, de centre, soucieux, etc., pour diffuser des œuvres imaginées et produites in situ. Conçus en résidence au cœur du CDN yvelinois qui les accueille, les diffuse, les spectacles doivent répondre à un cahier des charges précis : se jouer partout, ne pas dépasser 45 minutes, et se contenter d’un budget limité. Cette année, six artistes de disciplines et de générations différentes ont accepté de relever le défi lancé par Sylvain Maurice. Au programme du rire, des épopées héroïques, des histoires à dormir debout et pas moins de 200 représentations sur tout le territoire des Yvelines !
Opéra à gogo
Après les mémoires d’un enfant de six ans proposés par David Lescot, que nous avons pu découvrir hier, Claire Diterzi invite, avec Puisque c’est comme ça je vais faire un opéra toute seule., à entrer dans la chambre d’une soprano et compositrice en devenir. Pour la première fois de sa carrière, l’auteure-compositrice-interprète et guitariste française se frotte à la création jeunesse. Fidèle à sa singularité, son goût pour l’extraordinaire, le décalé, elle se joue des codes, s’amuse des sonorités et convie petits et grands à une s’immerger dans les rêves émancipatoires d’une jeune fille, à s’initier à l’art lyrique.
Parcours initiatique
Sur fond de mythologie russe, la jeune Anja se lance dans l’écriture d’une œuvre opératique, d’une épopée où l’héroïne, Svetlana la tempête, refuse de se marier avec le prince charmant, quitte le cocon familial pour découvrir le monde, s’affranchir des règles et entrer bien armée dans l’âge adulte. Fascinés, les petits au premier rang et les grands, juste derrière, se laissent porter par les sons métissés créés par Claire Diterzi à l’aide ordinateur, par la voix cristalline de l’épatante soprano Anaïs de Faria. Malgré quelques saturations, quelques dissonances dues à de petits couacs acoustiques, la compositrice, à la tête de la compagnie Je garde le chien, se sort plutôt bien de l’exercice et signe une bien sympathique et détonante odyssée enfantine.
Folle nuit en internat
Pas le temps de se poser, les propositions s’enchaînent. Dans une autre salle du CDN, Baptiste Amann entraîne les spectateurs de tous âges dans les rêveries d’une fillette qui refuse de dormir. S’inspirant de ses propres enfants, dont l’un est persuadé de somnoler les yeux ouverts, l’autre que cela ne sert à rien de dormir, le comédien et metteur en scène imagine une fable d’aujourd’hui conjuguant réalité et songe fantasmagorique. Profitant de l’obscurité et du silence de la nuit, Thalia, enfant de la DDASS, fuit ses problèmes en s’inventant un monde fait d’extraterrestres, de divinités, de monstres sacrés, de vaisseaux fantastiques.
Une comédienne lumineuse
Installée sur un lit mezzanine, l’inénarrable Thalia Otmanetelba n’a pas sa pareille pour donner vie à l’impalpable, à l’incroyable. De sa verve fougueuse, de sa faconde intarissable, elle s’empare du texte ciselé par Baptiste Amann et entraîne les spectateurs dans ses folles embardées, ses récits homériques. S’adressant dans un style très direct aux enfants, mais aussi aux adultes, dont elle se moque gentiment, la comédienne brise le quatrième mur en invitant chacun à participer à cette aventure intersidérale, à devenir un de ses comparses, de ses copilotes. N’essayant pas de mimer l’enfance, jouant sur les codes du genre, les réinventant pour mieux attraper notre attention, Jamais dormir est tout simplement une pépite à savourer sans modération.
Rivalisant d’inventivité, les artistes choisis pour participer à cette 13e édition de Cité-Odysées ont dépassé toutes les attentes, offrant au spectacle vivant, un peu en berne en cette période covidée, une belle promesse d’avenir !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Festival Cité-Odyssées
Théâtre de Sartrouville-Yvelines-CDN
Pl. Jacques Brel
78500 Sartrouville
Jusqu’au 3 février 2022
Durée 45 minutes
Puisque c’est comme ça je vais faire un opéra toute seule.
Tournée jusqu’au 11 mars 2022 dans le département des Yvelines.
texte, musique, mise en scène, scénographie Claire Diterzi
collaboration texte, collaboration dramaturgie Kevin Keiss
avec Anaïs de Faria (soprano)
régie générale Thomas Delacroix
costumes Fabienne Touzi Dit Terzi
Jamais dormir
texte et mise en scène Baptiste Amann
Tournée jusqu’au 11 mars 2022 dans le département des Yvelines.
avec Thalia Otmanetelba
régie générale Auréliane Pazzaglia
construction décor Marc Valladon
Crédit photos © Jean-Marc Lobbé