Au Grrranit à Belfort, après plusieurs semaines de résidence, Émilio Calcagno, tout nouveau directeur du Ballet de l’Opéra d’Avignon, revisite avec une extravagance radicale le célèbre conte italien de Carlo Collodi, Pinocchio. Décalant dans le monde d’aujourd’hui le récit de cette marionnette de bois devenue humaine, il invite à une réflexion sur nos sociétés hyper-connectées en manque de lien social.
De son regard clair, presque vert, le chorégraphe sicilien invite à réviser les classiques de la littérature enfantine. En s’emparant du conte de Carlo Collodi, qui a bercé son enfance, et nourrissant son processus créatif des images imprimées dans son subconscient par le film de Luigi Commencini, Émilio Calcagno imagine un songe éveillé où s’entremêlent rêves fantasmagoriques, cauchemars horrifiques et hallucinations suggestives et homo-érotiques.
Un conte réinventé
Geppetto, un pauvre menuisier, sculpte dans une chute de bois, une marionnette ayant les traits d’un petit garçon, qui prend vie et devra affronter mille aventures, trouver malgré ses mauvaises fréquentations, sa naïveté, le chemin de la raison pour enfin devenir humain. S’amusant des paraboles, des métaphores, Émilio Calgagno réinterprète l’histoire à l’aune des temps présents. Dans un cercle lumineux, le pantin Pinocchio (extraordinaire Ilyes Triki) est secoué de soubresauts. Il s’anime en même temps que dans la vidéo en noir et blanc, projetée derrière lui, son créateur, incarné par l’excellent Denis Lavant tente de monter une chaise Ikéa®.
Le conte à la trame prêt
S’enchaînant au rythme des musiques baroques, pop, rap et rock, les tableaux donnent à voir un garçon en devenir facilement influençable, qui se fait avoir à tous les coups par de faux amis, des âmes noires, visite le pays des jouets, se voit transformer en âne, avaler par une baleine, pour enfin prendre conscience que seul le savoir peut faire de lui un jeune humain. Tellement retravaillé, remanié pour coller au temps présent, aux préoccupations des jeunes générations, obsédées par leur portable, on pourrait presque douter que ce soit bien Pinocchio qui se tient sur scène. Et pourtant, malgré quelques ellipses, le chorégraphe originaire de Catane n’a fait que suivre le récit de Collodi, donnant ainsi une force étrange et saisissante à son adaptation chorégraphiée.
De la pop sombrement acidulée
Inventif, ingénieux, Émilio Calcagno et ses danseurs – Amalia Borsellino, Giulia Di Guardo, Luigi Geraci Vilotta, Rosada Letizia Zangri et Ilyes Triki – prennent à contre-pied le dessin animé de Disney pour mieux faire entendre le conte originel plus noir, plus inquiétant. Jouant avec les sonorités, les images vidéos joliment retravaillées par Daniéle Salaris, il entraîne le spectateur dans une ronde folle, une spirale vertigineuse quitte à ce qui en perde son latin, en l’occurrence ici ses réminiscences d’une fable italienne dont il ne reste aujourd’hui qu’un vague résumé, de lointains souvenirs.
Illuminé par la présence intense d’Ilyes Triki, Pinocchio questionne, interroge, secoue nos certitudes et invite à une réflexion sur la paternité, sur l’éducation, sur les chemins de vie. Une singulière et curieuse étrangeté à découvrir, à déguster, à laisser infuser !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Belfort
Pinocchio d’après le conte de Carlo Collodi
Grrranit
1 Fbg de Montbéliard
90000 Belfort
jusqu’au 16 décembre 2021
Durée 1h10
Tournée
Le 14 janvier 2022 au Forum, Saint Raphaël
En Février 2022 Maison du Théâtre et de la Danse, Épinay-sur-Seine
En Avril 2022 au Label dans #4 au CCN de Roubaix
En Avril 2022 au Théâtre d’Arcachon
en Avril-mai 2022 au Théâtre de Corse, Bastia
entre le 3 etle 26 mai à la Scène nationale de Sète
Chorégraphie d’Émilio Calcagno
Interprètes, Amalia Borsellino, Giulia Di Guardo, Luigi Geraci Vilotta, Rosada Letizia Zangri, Ilyes Triki
Création musicale, de Pierre Le Bourgeois
Création vidéo de Danièle Salaris
Création lumière d’Idalio Guerreiro
Voix Off de Denis Lavant
Crédit photos © Danièle Salaris
Very interesting, I liked the design of the article.