Les Producteurs, comédie musicale tirée de l’œuvre du génial Mel Brooks, mis en scène par le très Moliérisé et adulé Alexis Michalik, était l’événement le plus attendu de cette rentrée pléthorique ! Le spectacle est à la hauteur. Il est assurément le grand succès de cette saison théâtrale qui en avait bien besoin ! On y court !
Les Producteurs est à l’origine un film de Mel Brooks. Un chef-d’œuvre cultissime comme presque toutes les productions de ce cinéaste américain, complètement dingue, qui par son humour juif et son sens de la dérision a fait hurler de rire bien des générations. Depuis que le bruit a bruissé dans Paris que le petit chéri du théâtre Français, Alexis Michalik, allait mettre en scène la version musicale du film, notre cœur s’est mis à battre très fort. Les premières affiches ont envahi les colonnes Morris de la capitale en mars 2020, en plein confinement ! Après, plusieurs reports, voici enfin le spectacle ! On était tout excité en pénétrant dans le hall du théâtre de Paris. Et après deux heures de folies, on en est ressorti complètement combler ! Quel spectacle ! Quel show !
De l’art de faire un four
Max Bialystock (Serge Postigo) est un producteur de spectacle rarement en veine. Il a des idées mais pas de flair. Un jour, un petit comptable, Leo Blum (Benoît Gauden), lui explique que justement en faisant des fours, il peut se faire de l’argent ! C’est une histoire de comptabilité ! Cela ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd et le cupide Max décide avec Leo de faire le pire spectacle jamais produit. Pour cela il faut une histoire nulle, un metteur en scène qui le soit tout autant et des artistes ringards. Alors, ils vont choisir la pire pièce, écrite avec les pieds par un nazillon nostalgique (Régis Vallée), intitulée Des fleurs pour Hitler ! Qui irait voir une ode au Führer ? Ils choisissent un metteur en scène très paillettes et totalement as been (David Eguren). Pour eux le tour est joué ! Mais voilà, c’est connu en mathématique, moins avec moins, cela fait plus ! Et donc, c’est le succès !
Michalik et Vallée, un duo complice
Michalik est à l’aise dans la comédie musicale. N’oublions pas qu’un de ses premiers succès fut un musical adapté de Shakespeare, La mégère à peu près apprivoisée. Où l’on retrouvait déjà, son grand complice Régis Vallée. Ce dernier est exceptionnel en nostalgique du troisième Reich ! Le ridicule ne tuant pas, personne ne porte aussi bien la culotte bavaroise ! Il fait de son personnage un grand naïf, amoureux de ses pigeons, plus bête que méchant ! Et le metteur en scène n’a pas ménagé son comédien fétiche !
Du Michalik au cordeau
Revenons à la mise en scène, très à son aise également dans l’humour, Michalik s’est glissé dans celui de Mel Brooks avec un réel bonheur. Avec Nicolas Engel, gommant toutes les références trop américaines, jouant sur celles bien de chez nous, ils signent une adaptation française des plus réussites. Quant à la qualité, le rythme, le dosage entre les parties chantées, dansées et dites, l’enchaînement des tableaux, nous sommes dans le must de Broadway ! Et puis, il y a la patte Michalik, celle que l’on retrouve dans tous ses spectacles, changement à vue de décors ingénieux signés Juliette Azzopardi. Et surtout, ce dynamique esprit de troupe !
Esprit de troupe
Et quelle troupe ! Bon, dans cette œuvre, à part le personnage de la blonde et apprentie starlette suédoise au nom imprononçable, incarnée par la charmante Roxane Le Texier, les filles appartiennent surtout aux ensembles ! Elles sont tour à tour les petites vieilles escroquées par Max, les artistes, celles qui passent. Carla Dona, Mélissa Linton, Véronique Hatat, Eva Tesiorowski, et Edgar Paulet (oui c’est un garçon mais il est très bien en fille) sont parfaites. Elles manient le déambulateur avec dextérité. Pour les ensembles, on peut aussi compter sur les délirantes interprétations des garçons, Alexandre Bernot, Hervé Lewandowski, Léo Mandron, Loaï Rahman et Edgar Paulet (tout aussi bien en garçon).
Un duo de compères
Dans le rôle du véreux et égoïste Max, on retrouve le Québécois, Serge Postigo, qui vient de délaisser son habit de Sponz dans Papi fait de la résistance ! Dans la lignée des Marc Labrèche, le comédien nous a régalés par la folie qu’il met dans l’interprétation de ce personnage assez déjanté. Il a le savoir-faire anglo-saxon, mais pas que ! Benoît Cauden est une révélation ! Il est épatant en crédule et sympathique Léo qui rêve de devenir producteur ! N’ayant pas peur de tomber dans les délicieux excès, très Cage aux folles, l’étonnant David Eguren et le délirant Andy Coq nous ont arrachés de grands éclats de rire ! Ajoutons à tout cela l’excellence de l’orchestre, placé dans les baignoires à jardin et à cour et dirigé par Thierry Boulanger, un de nos spécialistes du musical français. Devant les applaudissements à tout rompre, la standing ovation qui a couronné la fin de la représentation, on peut dire que l’on connaît des producteurs heureux, car le succès est assuré !
Marie-Céline Nivière
Les Producteurs, comédie musicale de Mel Brooks
Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Jusqu’au 2 avril 2023
Du mardi au samedi à 20h, matinée dimanche à 16h, à partir du 22 oct. suppl. à 16h les samedis
Durée 2h
Livret de Mel Brooks et Thomas Meehan.
Musique et parole de Mel Brooks.
Mise en scène et chorégraphie originales de Susan Stroman.
Direction artistique et mise en scène d’Alexis Michalik.
Adaptation française Nicolas Engel.
Avec Serge Postigo, Benoît Cauden, Régis Vallée, David Eguren, Andy Cocq, Roxane Le Texier, Alexandre Bernot, Véronique Hatat, Léo Maindron, Marianne Orlowski, Loaï Rahman, Carla Dona, Hervé Lewandowski, Mélissa Linton, Sébastien Paulet, Eva Tesiorowski.
Les musiciens Thierry Boulanger, Benoît Urbain, Benoît Dunoyer, Franck Steckar, François Chambert, Jean-Pierre Solvès, Jean-François Quellec.
Décors de Juliette Azzopardi.
Costumes de Marion Rebmann.
Crédit photos © Alessandro Pinna