Dans le cadre de la Biennale des Arts de la Scène en Méditerranée, Maguelone Vidal, artiste associée à la Bulle Bleue, un des six établissements, qui, en France, permet à des personnes en situation de handicap mental ou psychique d’exercer un métier du spectacle vivant, esquisse un portrait théâtralisé du comédien Julien Colombo. Du désir d’être sur scène à l’énergie vitale qui se dégage de la relation au public, elle signe un spectacle rare et troublant. Rencontre.
Vous êtes artiste associée avec la Bulle Bleue à Montpellier. En tant qu’artiste en quoi est-ce important de travailler dans ce lieu ?
Maguelone Vidal : Travailler au sein de cette troupe de comédien.ne.s professionnel.le.s structurée en ESAT (Etablissement et Service d’Aide par le Travail), lieu d’inclusion de personnes dites en situation de handicap, est une expérience en humanité augmentée. Ces acteur.rice.s, tous.tes de puissantes personnalités, ont une façon exceptionnelle de négocier l’acte même de la scène, à la fois individuellement et collectivement, dans des conditions psychiques et/ou physiques parfois difficiles: la question du désir est posée de façon crue tout le temps. Dès le premier jour, le caractère extrêmement direct des relations, cette absence de filtre m’ont beaucoup impressionnée. Très vite les choses se révèlent, la qualité des relations humaines, les fragilités, les difficultés, les joies sont nommées. Et je me suis sentie magnifiquement accueillie.
Que vous ont apporté tant dans votre travail que dans votre rapport aux autres, ces trois années de compagnonnage ?
Maguelone Vidal : C’est également la première fois que je travaille au sein d’une troupe permanente, ce qui est très rare de nos jours, avec, en plus des métiers directement liés au théâtre, la collaboration précieuse et fructueuse des éducateur.rice.s.
L’enjeu est aussi d’articuler au sein d’une même création, la troupe de La Bulle Bleue et l’équipe d’Intensités, la compagnie qui porte mes projets. C’est à la fois, une expérience de groupe majeure et une expérience de relations singulières.
Cela m’a permis aussi de me nommer dans mon activité de metteuse en scène. Certes je créais déjà auparavant des spectacles vivants hybrides mettant en scène musicien.ne.s, danseur.se.s, comédien.ne.s, mais là c’est la première fois que je construis des pièces exclusivement avec de comédien.ne.s… qui se révèlent d’ailleurs être des musicien.ne.s et danseur.euse.s d’une poésie extraordinaire.
Comment est né Julien, dernière création que vous réalisez avec la Bulle Bleue ?
Maguelone Vidal : Julien est né d’un manque. J’avais rencontré le comédien Julien Colombo lors d’un premier labo avec les comédiennes en 2017 avant d’être invitée comme artiste associée par Delphine Maurel et la direction de La Bulle Bleue. Par la suite, j’ai eu envie de l’intégrer dans la distribution de L’Amour des commencements, pièce chorale pour huit comédien.ne.s, créée en novembre 2019. Mais cette création est très sollicitante physiquement, les acteur.rice.s y sont toujours en action même lorsqu’ il.elle.s ne sont pas à vue. Cela ne correspondait pas à la physiologie de Julien.
J’ai donc proposé de créer Julien un solo en forme de portrait, par et pour lui. Il s’y raconte dans son désir de la scène et ses élans impérieux. Porté par une écriture hybride, à la fois documentaire, chorégraphique et musicale, il y performe la dualité entre la nécessité de conservation cellulaire, liée à sa singularité physiologique, et l’énergie consumée sur un plateau de théâtre, cette énergie vitale qui se régénère en se dépensant.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Julien de Maguelone Vidal
Biennale de des Arts de la Scène en Méditerranée
La Bulle Bleue
285 rue du Mas de Prunet
34070 Montpellier
Vendredi 26 novembre, Mercredi 8 décembre, Jeudi 9 décembre, Mercredi 15 décembre et Jeudi 16 décembre à 20h
Mise en scène, dramaturgie de Maguelone Vidal
Composition musicale de Maguelone Vidal et Marc Siffert
Texte de Maguelone Vidal à partir d’interviews de Julien Colombo
Interprétation Julien Colombo
Travail chorégraphique – Fabrice Ramalingom
Mise en corps de Lorenzo Dallaï
Scénographie d’Emmanuelle Debeusscher
Création lumière de Daniel Lévy
Régie lumières de Mylène Pastre
Ingénierie du son – Axel Pfirrmann
Costumes de Catherine Sardi
Crédit photos © Marc Ginot et © Marie Clauzade