Dans le cadre du Festival du TNB, qui se tient jusqu’au 27 novembre 2021 à Rennes, Pascal Rambert a composé, pour les vingt élèves sortant de l’école du TNB, une pièce chorale qui se nourrit de leurs rêves, de leurs fantasmes, mais aussi de leurs sombres et angoissés cauchemars. Un moment suspendu et surréaliste aux frontières de l’imaginaire.
Dans un écrin blanc immaculé, page vierge de destinées encore en devenir, seul un piano noir, une plante verte et quelques poufs sont les uniques témoins matériels d’un monde imaginaire et fantasmagorique. D’un pas lent, presque irréel, un à un, les vingt étudiants tous habillés de noir de la promotion 10 de l’École du TNB font leur entrée dans le plus grand des silences. Ils se placent autour de l’instrument de musique, face au public. Tous attendent que les doigts volubiles de Valentin Clabault effleurent les touches blanches et noires, avec les premières notes d’Hallelujah de Jeff Buckley revisité par Alexandre Meyer. Avec une belle énergie, ils joignent leurs voix parfaitement synchrones à la musique. Un léger frisson parcourt l’assistance, troublée par l’étrangeté du moment, sa délicatesse.
Des rêves noirs
Du groupe compact se détachent des silhouettes, des personnalités singulières. Investissant le devant de la scène, chacune impose une présence, une posture. Puis, la parole se libère du songe, du moment de grâce. Un drame a eu lieu, un soir, une nuit. Nul se souvient vraiment de l’instant, du moment. Tout est brouillé. Seule la sensation, collée à leur peau, d’avoir vécu de manière collective, une hallucination, une transe sexuée, alcoolisée et droguée, semble persister dans leur inconscient. Ce couteau levé, ce sang coulé, est-il réel ?
Fantasmes angoissants
Tous, enfermés, confinés dans les neuf m2 de leur chambre-étudiant, rêvent de se retrouver, de partager, d’unir leurs peaux, de retrouver la sensation de l’autre. Mais la pandémie est passée par là. Elle a détruit, ravagé le lien social, créant des angoisses, des manques. De cette matière impalpable, inconsciente et hallucinogène, Pascal Rambert nourrit sa plume, son récit. Par bribes, jouant des répétitions, imaginant une histoire kaléidoscopique à multiples voix, il invite le spectateur à plonger tête la première dans ce malström de pensées, de rêves et de cauchemars. Ciselant la partition de chacun des comédiens – tous excellents – , s’appuyant sur la diversité de leur jeu, le dramaturge et metteur en scène signe un spectacle détonnant et hypnotique.
Entrée terrifiante dans l’inconnu du monde professionnel
Composé à la manière d’une comptine d’enfants pas sages, d’une ritournelle infernale, Dreamers est une mise en abime du passage perturbant entre le cocon protecteur des études à l’angoissante perspective d’un envol prématuré dans le monde professionnel. La formule pourrait paraître simpliste, voire primitive, mais c’est sans compter le désir vissé à la peau d’être sur scène des vingt artistes en devenir. Tous, à leur manière, ils habitent l’espace, le font leur, et traversent le quatrième mur pour mieux saisir le spectateur l’emmener dans leur folle et vertigineuse ronde.
De belles natures d’artistes
Loin de tout académisme, Hinda Abdelaoui, Olga Abolina, Louis Atlan, Laure Blatter, Aymen Bouchou, Clara Bretheau, Valentin Clabault, Maxime Crochard, Amélie Gratias, Romain Gy, Alice Kudlak, Julien Lewkowicz, Arthur Rémi, Raphaëlle Rousseau, Salomé Scotto, Merwane Tajouiti, Maxime Thébault, Lucas Van Poucke, Mathilde Viseux et Lalou Wysocka réussissent haut la main le rituel de sortie d’école. Porteurs de belles promesses, ils gravent de manière entêtante la chanson de Buckley dans nos têtes, mais, et c’est le plus important, y impriment de belles images !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Rennes
Dreamers de Pascal Rambert
Sortie d’école de la promotion 10 de l’École du TNB
TNB
Salle Galiby
Rue Jean-Marie Huchet
35000 Rennes
Jusqu’au 27 novembre 2021
Durée 2h00 environ
Mise en scène de Pascal Rambert assisté de Romain Gillot
Collaboration Artistique – Audrey Bonnet & Laurent Poitrenaux
Chorégraphie de Rachid Ouramdane
Musique d’Alexandre Meyer
Lumières d’Yves Godin
Scénographie d’Aliénor Durand
Costumes de Clémence Delille
Traduction En Anglais Pour Les Sur-Titrages de Nicholas Elliott
Avec Hinda Abdelaoui, Olga Abolina, Louis Atlan, Laure Blatter, Aymen Bouchou, Clara Bretheau, Valentin Clabault, Maxime Crochard, Amélie Gratias, Romain Gy, Alice Kudlak, Julien Lewkowicz, Arthur Rémi, Raphaëlle Rousseau, Salomé Scotto, Merwane Tajouiti, Maxime Thébault, Lucas Van Poucke, Mathilde Viseux et Lalou Wysocka
Crédit photos © Gwendal Le Flem