Avec tout le talent qu’on lui connaît, Philippe Caubère s’empare des Lettres de mon moulin d’Alphonse Daudet. Dans ce bel écrin qu’est le théâtre de l’Œuvre, le prodigieux comédien fait revivre toute la magie de la Provence et fait surtout résonner la langue du poète. Une merveille à déguster sans modération.
Avec ses spectacles qui forment Le Roman d’un acteur et L’homme qui danse, Caubère a créé un style dramatique, dont les références dépassent l’art du conteur. J’appartiens incontestablement au fan-club, je suis une Caubérienne ! Chacun de ses spectacles m’enthousiasme. Il m’emporte si loin ! Qu’il parle de lui où qu’il s’attaque à des auteurs comme Louis Aragon, Alain Montcouriol, André Benedetto ou André Suarès. Le comédien fait vivre et vibrer les mots et les images.
Souvenirs d’enfance
On a tous en nous, dans nos souvenirs d’enfant, quelque chose qui nous rattache aux Lettres de mon moulin. Ah, cette Petite chèvre de Monsieur Seguin attachée à son piquet rêvant d’aventures, comme on l’a racontée par Fernandel, assise bien sagement à côté du tourne-disque, le livret entre les mains, tournant la page à chaque coup de clochette, frissonnant à l’arrivée du loup. Résumer Daudet à ce bovidé serait une galéjade. Dans chaque nouvelle qui compose l’ouvrage, l’écrivain provençal dépeint d’une plume des plus pittoresques, les hommes de son temps et le monde qui l’entoure.
Deux Caubère sinon rien
Caubère faisant rarement les choses à moitié, a choisi 13 nouvelles, qu’il fait entendre sur deux soirées. Comme sur les disques de l’époque, il y a la face A (jours pairs) et la Face B (jours impairs) ! A vous de voir si vous écoutez l’intégrale où juste une des parties. Pour ma part, je n’ai assisté à La Condition des soies à Avignon, qu’à une soirée ; celle composée de La mule du Pape, Les deux auberges, Les trois messes basses, L’élixir du révérend père Gaucher et Nostalgie de Caserne. L’autre partie, contient Installations, La diligence de Beaucaire, Le secret de Maître Cornille, La chèvre de Monsieur Seguin, L’Arlésienne, La légende de l’homme à la cervelle d’or, Le curé de Cucugnan, Le pète Mistral. Celle-ci, je me la réserve pour les fêtes. Cela me rappellera la crèche, les santons et la Pastorale Provençale qui enchantaient les noëls de mon enfance.
On dirait le sud
Vêtu de l’habit qu’aurait pu porter Daudet à son époque, Caubère démarre livre à la main. Un léger mistral souffle sur nous apportant la crainte de la lecture ! C’est une petite galéjade que s’offre le comédien pour bien monter la fracture qui existe entre lecture et interprétation. Il est le poète Daudet. Avec la magie de la maîtrise de son art, il fait surgir devant nous tout un univers. On plonge dans cette fin du XIXe siècle, où l’ancien monde se prépare à croiser la modernité. Ce Marseillais du Théâtre du Soleil se régale, et nous aussi avec cette langue chantante d’Occitanie. L’acteur est à son aise dans ces textes remplis d’un humour si subtil. Et tel le ravi, on l’écoute sans broncher, presque bouche bée, vibrant sur chaque parole, imaginant les paysages et les situations. C’est magnifique !
Marie-Céline Nivière
Les lettres de mon moulin d’Alphonse Daudet
Théâtre de l’Œuvre
55 rue de Clichy
75009 Paris
Du 11 novembre 2021 au 8 janvier 2022
Du mercredi au samedi à 19h, dimanche à 17h
Durée 1h35 (chaque partie).
Spectacle conçu, mis en scène et jouer par Philippe Caubère
Régie de Mathieu Faedda
Conception du costume par Michel Dussarat
Aide-mémoire Véronique Coquet.
Crédit photos © Sébastien Marchal