À deux pas de l’Olympia, où elle s’est déjà produite en tant que chanteuse, Vanessa Paradis fait ses premiers pas sur les planches, dans un rôle écrit sur mesure par son mari Samuel Benchetrit. Lumineuse, troublante de sincérité, la comédienne séduit les cœurs par son jeu tout en finesse.
Jeanne (épatante Vanessa Paradis) tient une boutique de vêtements pour future maman. Un soir d’hiver, quelques jours avant noël, après avoir fermé son magasin, elle se tient dans le froid sur le trottoir, devant la devanture encore éclairée de son enseigne. Emmitouflée dans un magnifique manteau de fourrure, elle attend un taxi, qui doit la ramener chez elle. Un jeune homme (ténébreux Félix Moati), gentil « bad boy », gros dur au cœur en vrac, qui la prend pour une prostituée, l’accoste. De cette rencontre fortuite, naît une étonnante et troublante relation.
Blessures enfouies
Au fil de la conversation, somme toute très banale, ces deux êtres, un peu perdus vont se reconnaître. Visage fermé, tristesse infinie dans le regard, Jeanne semble, la cinquantaine approchante, désirée viscéralement la seule chose qu’elle ne pourra plus avoir, un enfant. Face à elle, le jeune paumé, un garçon abandonné à la naissance, auréolé de drames, de tragédies, cherche un peu de chaleur, d’amour, peut-être une mère ?
Un conte noir
De son écriture vive, singulière, parfois un peu trop littéraire, ronflante, Samuel Benchetrit invite à plonger imperceptiblement dans les noirceurs du monde, celles du quotidien. Évitant le pathos, le surplus de détails racoleurs, il signe un texte qui ne dit certes pas grand-chose mais qui offre à Vanessa Paradis un premier rôle au théâtre en or. Longiligne, fragile, elle illumine la scène. Sans avoir l’aisance de ses ainées – Jeanne Moreau, Ludmilla Mikaël, etc. – , elle touche par sa présence délicate et la grâce infinie qu’elle met dans sa gestuelle, sa manière d’être sur scène.
Duo de comédiens
Face à l’actrice, Félix Moati fait lui aussi ses premiers pas sur les planches. Et tout comme Vanessa Paradis, il se révèle un touchant comédien. Juste, il se glisse joliment dans le rôle de ce fils attendu, cet enfant de la DDASS, de ce gentil voyou en guerre contre l’humanité, qu’un peu de tendresse fait chavirer. En mari désabusé et fou d’amour, Éric Elmosnino joue parfaitement la carte du blasé, de la perpétuelle dernière roue du carrosse. Drôle, décalé, il reste sur des sentiers déjà battus. Un peu plus d’audace, aurait certainement donné à l’ensemble une dimension plus bouleversante, plus émouvante.
Entre comédie et tragédie, sans jamais vraiment choisir son camp, Maman est un joli moment de théâtre. Malgré la cherté des places, la pièce est une des belles découvertes de cette rentrée plus que pléthorique.
Olivier Fregaville-Gratian d’Amore
Maman de Samuel Benchetrit
Théâtre Édouard VII
Square
Du mardi au samedi à 21h, le samedi à 16h30 et le dimanche à 16h
Durée : 1h40
Mise en scène de Samuel Benchetrit assisté de Karine Assathiany
Avec Vanessa Paradis, Eric Elmosnino, Félix Moati et Gabor Rassov
Décors d’Emmanuelle Roy
Lumières de Laurent Béal
Costumes de Charlotte Betaillole
Crédit photos © Jean-Baptiste Mondino