Sortie de la toute dernière promotion de l’École du Nord de l’ère Rauck, Paola Valentin fait son entrée au théâtre Nanterre-Amandiers en Jeanne d’Arc, dans Henri VI de Shakespeare. Voix grave, physique de jeune fille et allure de garçon manqué, la comédienne, que l’on a déjà pu vu dans Noce de Lagarce et dans Les couteaux dans le dos de Pierre Notte, brûle les planches. Une artiste lumineuse et intense à découvrir.
Qu’est-ce que vous a donné envie de devenir comédienne ?
Paola Valentin : Je suis venue à Paris après mon BAC pour faire de la peinture. Je voulais rentrer aux Beaux Art de Paris. J’ai fait une prépa d’arts et je passais mes journées à peindre seule, dans des ateliers. Puis, j’ai rencontré des gens qui faisaient du théâtre, et mon envie de créer avec eux est apparue comme une évidence. Très vite, j’ai eu le désir de confronter ce travail et de le partager avec un public. Être seule, ensemble, faire partie d’aventure humaine, portée par une œuvre, un texte, un univers, je trouvais que c’était une expérience incroyable.
Plus jeune, j’avais fait du théâtre de rue, et j’avais répété un spectacle qu’on avait joué dans une salle. Et un matin, en arrivant dans ce théâtre, j’ai eu la sensation diffuse de me sentir à ma place. Ce n’est que plus tard que j’ai découvert les grands textes notamment avec Bruno Wacrenier, mon premier professeur, puis après avec Jean-Pierre Garnier en classe libre de Florent.
J’aime toujours autant créer, et peindre et imaginer des espaces, c’est pourquoi j’essaie de mélanger les arts plastiques et le théâtre.
Pourquoi avoir choisi l’École du Nord ?
Paola Valentin : Avant d’être prise à l’École du Nord, j’ai fait la classe libre des cours Florent. J’y ai rencontré beaucoup de gens avec qui nous avons pu développer notre créativité.
L’École du nord m’attirait, car elle était basée sur le texte, sur les auteurs. Sur le rapport à la langue, aux auteurs, aux mots, je n’avais pas eu l’occasion de travailler cela en profondeur.
J’avais besoin d’une école qui me donne des outils.
Quels ont été les moments forts ?
Paola Valentin : La rencontre avec Alain Françon a été magique.
Au fur et à mesure du travail, le texte et le sens du texte apparaissent, et les fondations qu’il nous donne sont assez incroyables pour un acteur.
La rencontre avec Pauline Bayle et Tiphaine Raffier.
Le clown, avec Gilles Defacque, notre voyage en Russie … Tellement de rencontres et d’univers, Cyril Teste et le rapport à la caméra à l’image au théâtre. C’était vraiment trois années très denses. Nous étions rattachés au Théâtre du Nord, et avons passé beaucoup de temps avec l’équipe du lieu, nous avons donc rencontré tous les corps de métier.
Grâce au Croquis de voyage, une idée de Cécile Garcia Fogel, nous avons eu la chance de partir seul(e) pendant un mois. J’ai acheté un camion que j’ai aménagé et j’ai fait un tour de France. Je suis allée peindre les gens à travers une plaque de plexiglas et je leur ai posé à tous, les mêmes questions. J’ai fait un documentaire de ce voyage. Quelle expérience !
Vous êtes dans Henri VI, comment se sont passées les répétitions avec Christophe Rauck ?
Paola Valentin : Elles ont été intenses, car nous avons eu très peu de temps pour montrer les 4 heures 30 de spectacle. C’est une longue épopée avec beaucoup de personnages, des intrigues qui mêlent politique et pouvoir. Nous avons beaucoup travaillé avec Christophe sur le texte, être au plus droit, au plus juste, avec Cécile Garcia Fogel sur la prosodie, être dans le texte, dans le sens du texte et aller au bout de l’idée. Parler droit, être dans les images, et ouvrir son jeu. Ne pas se préoccuper de sa partition, mais faire avancer l’intrigue et porter tous; cette histoire plus grande que nous. Nous avons également travaillé avec Philippe Jamet sur le rythme du spectacle, les moments collectifs, la tenue du corps.
Quel (s) rôle(s)? jouez-vous ? Et qu’est ce qui vous plaît dans cette incarnation ?
Paola Valentin : J’ai la chance de jouer le rôle de Jeanne D’Arc.
C’est un rôle magnifique. Qui fait peur ! C’est un personnage mythique. C’est une si grande icône que l’on ne sait pas comment la jouer. Pour m’aider, Christophe me disait « Jeanne d’Arc, c’est une jeune fille, c’est une bergère, elle est sauvage, elle est très concrète dans sa parole qui s’invente et devient cheffe de guerre. » La mise en scène m’a beaucoup aidée également. Le fait qu’elle puisse voler, cela procure déjà quelque chose d’extraordinaire. Puis je joue également une sorcière, un prince, le vieux Clifford. Je change de costume, cours en coulisse d’une scène à une autre, mets des perruques, c’est génial !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Henri VI de Shakespeare
Théâtre Nanterre-Amandiers
7 Av. Pablo Picasso
92000 Nanterre
Jusqu’au 24 octobre 2021
Mise en scène de Christophe Rauck
Collaboration artistique de Cécile Garcia Fogel
D’après la traduction de Stuart Seide
Avec Louis Albertosi, Mathilde Auneveux, Adèle Choubard, Maxime Crescini, Orlène Dabadie, Simon Decobert, Constance de Saint Rémy, Joaquim Fossi, Nicolas Girard-Michelotti, Antoine Heuillet, Pierre-Thomas Jourdan, Solène Petit, Noham Selcer, Rebecca Tetens, Nine d’Urso & Paola Valentin
Lumières d’Olivier Oudiou
Son de Sylvain Jacques
Costumes de Fanny Brouste
Travail du corps de Philippe Jamet
Crédit portrait © Simon Gosselin