Avec la disparition de Marthe Mercadier en ce 15 septembre, une nouvelle page se tourne dans l’histoire des grandes heures du théâtre de boulevard, que la comédienne aura marqué de son immense talent. Elle qui nous avait tant fait rire, aujourd’hui nous fait verser une larme d’émotion.
Elle n’avait pas son pareil pour lancer ses répliques. La voix grave, presque cassée, un débit syncopé dû à un bégaiement dans sa petite enfance, une démarche décidée et aérienne, voilà tout ce qui faisait le style Mercadier. Elle était une reine du boulevard. Plus accessible que Pacôme et Maillan, ces deux monstres sacrés, le public lui vouait une profonde admiration. Elle était populaire !
À la télé ce soir
Comme beaucoup d’entre nous c’est d’abord par la télévision que je l’ai connue. Ses nombreuses prestations dans l’émission Au théâtre ce soir resteront gravées. Personnellement, ma préférée de toutes, parce qu’elle y est extraordinaire face à une Pacôme, déchaînée est Interdit au public de Roger Dornès et Jean Marchand. Elle était impayable en Nicole Guise, ancienne comédienne devenue femme de directeur de théâtre ne rêvant que de remonter sur scène ! Et puis, il ne faudrait pas oublier le rôle de Fanny dans la série des Saintes Chéries, avec Micheline Presle et Daniel Gélin !
Une âme de militante
Sa carrière a été longue, elle a joué les textes des plus grands, Roussin, Poiret, Sauvajon, Barillet et Grédy, ainsi que des classiques comme Feydeau, Molière. Le cinéma n’a pas su utiliser son talent, mais n’étant pas rancunière, elle fut une productrice avisée avec notamment Et la tendresse bordel. Elle produisit également pour le théâtre. C’est elle qui permit à la bouleversante pièce de Martin Sherman, Bent de se produire à Paris avec Bruno Cremer. Elle était surprenante ! Derrière ses airs de joyeuse fofolle, elle cachait une militante, proche des socialistes. Elle avait même été nommée chargée de mission pour les problèmes de l’audiovisuel auprès d’Yvette Rudy, alors ministre des Droits de la femme. Ne mâchant pas ses mots, on se souviendra de ses prises de position !
Première au théâtre
La première fois que je l’ai vue sur une scène, en vrai, c’était en 1982, aux théâtres des Variétés, dans Lorsque l’enfant paraît de Roussin, dans une mise en scène de Rouzière. Elle partageait l’affiche avec Guy Tréjean, Françoise Christophe et deux petits jeunes, Stéphane Hillel et Yolande Folliot. Élève alors aux cours Simon, j’avais profité des fameuses invitations que les anciens du cours offraient aux petits nouveaux. Rien de mieux que d’aller voir les grands jouer pour faire son apprentissage. Puis, ce fut en 1984, le fameux Don d’Adèle de Sauvajon et en 1986, Les voisins du dessus de Laurence Jyl. Je me régalais de chacune de ses prestations.
Une actrice populaire
Je l’ai vue pour la dernière fois sur scène en 2001 dans le Squat de Jean-Marie Chevret, mise en scène par Jean-Pierre Dravel au Rive Gauche. Elle interprétait avec tout son génie une insupportable bourgeoise au caractère bien trempé. Face à elle, Claude Gensac était impayable en gentille petite sœur qui ne se laissait pas faire. Je me rappelle des tonnerres d’applaudissements qui avaient résonné dès son entrée en scène. Comme les gens étaient heureux de la voir ! Ils savaient qu’ils allaient récolter bien des plaisirs ! Et c’est debout qu’ils l’acclamaient à la fin du spectacle. Elle saluait et l’on pouvait lire sa joie et son bonheur d’avoir bien fait son ouvrage.
Une artiste virevoltante
La maladie d’Alzheimer ayant attaqué sa mémoire, Marthe Mercadier a quitté la scène en 2014 ! Pourtant en 2011, c’est en pleine forme qu’elle avait participé à Danse avec les stars, montrant qu’à 82 ans, elle n’avait rien perdu de son dynamisme et de son sens du comique. Elle, qui avait appelé ses mémoires Je jubilerai jusqu’à 100 ans, vient tirer sa révérence à 92 ans. Au revoir Madame et merci pour tout !
Marie-Céline Nivière
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