Après une 23e édition tronquée en raison des restrictions sanitaires, l’an passé, le festival lyrique de Belle-Île-en-Mer, bien que toujours à voilure réduite, retrouve, en cet été 2021, son public toujours aussi enthousiaste. imaginée par Philip Walsh, directeur artistique de la manifestation, la programmation, édulcorée de son opéra, n’en est pas moins exigeante, éclectique et joyeuse.
Au-dessus de la citadelle Vauban qui domine la ville de Palais, des nuages gris, menaçants, semblent prendre d’assaut les hauts murs, les contreforts vieux de plus de 400 ans. Ils ne sont que passagers. Le ciel bleu pointe rapidement son nez. Il en va ainsi en Bretagne, et encore plus sur son plus beau bijou îlien. Le mauvais temps ne dure jamais longtemps. Les vacanciers et les touristes ne s’y sont pas trompés. Ils sont là, accoudés au bar, attablés au restaurant, musardant devant les vitrines. Un peu plus haut, salle Arletty, un concert se prépare. Les bénévoles du Lyrique-en-Mer s’affairent. Tout doit être prêt pour vingt heures et l’arrivée des premiers festivaliers, d’autant que depuis le 21 juin, le « pass sanitaire » est obligatoire pour pénétrer dans les espaces accueillant du public. Une formalité de plus, nécessaire en ces temps pandémiques, pour enrayer la propagation des nouveaux variants du virus.
L’union sacrée de la danse et de la musique
Pour commencer ce voyage lyrique à Belle-Île, quoi de plus doux, de plus ensorcelant que de plonger dans des pièces musicales où les notes tirées des instruments, des voix des artistes, réveillent au plus profond de nos corps des rythmiques, des impulsions, des mouvements incontrôlés. Imaginée par Philip Walsh, La Danza ! invite à célébrer le chant, les retrouvailles, la joie de pouvoir à nouveau se réunir. De Carmen de Bizet aux Indes galantes de Rameau, en passant par une tarentelle de Saint-Saens ou une chaconne de Purcell, c’est tout un monde de fêtes mâtinées de lyrisme qui s’offre généreusement aux spectateurs. Morceaux enlevés, joyeux ou partitions plus mélancoliques, le récital emporte vers un ailleurs ou chaque intonation semble donner vie à un geste, une arabesque, un battement de pieds.
Quatuor de voix avec orchestre
Le moment n’aurait pas cette saveur si particulière, ne serait pas suspendu entre réalité et songe, sans la présence des artistes, tous excellents. Les voix de Lauren Urquhart (soprano), d’Éléonore Gagey (mezzo-soprano), de Łukasz Klimczak (baryton) et de Peter Tanstits (ténor) sont parfaitement soulignées par les violons de Nemanja Ljubinković et Nataša Grujić, l’alto de Paula Romero, le Violoncelle de Pablo Tognan et la contrebasse de Jérémie Decottignies. Interprétant(s) avec humeur les différents personnages qu’ils incarnent les chanteurs s’en donnent à cœur joie et entraînent le public conquis vers de folles embardées. À noter, le trio Flavia Hirte à la flûte, Max Mausen à la clarinette et Philip Walsh au piano est certainement l’un des instants les plus enchanteurs de la soirée. La journée s’achève joliment sur un air de la Veuve Joyeuse de Franz Lehàr. La nuit est tombée sur Belle-Île, laissant chacun emporter dans le secret de sa mémoire quatre notes de musique propices aux doux rêves.
Un air d’opéra au cœur de la citadelle Vauban
Le ciel est bleu sur le golfe de Morbihan. Les temps gris sont maintenant du passé. Après une journée consacrée aux visites d’usage, la citadelle bien sûr, ses secrets, ses cachots, ses curiosités architecturales, le stage de chants lyriques pour enfants organisé par le chef d’orchestre et pianiste David Jackson, un déjeuner passionnant avec Anne Germain, nouvelle présidente du Festival, qui imagine déjà l’après et notamment l’édition 2022, qui célébrera les 25 ans de la manifestation, un petit plongeon glacé dans les eaux froides de l’Atlantique, direction Palais et le fort Vauban, au rez-de-chaussée de l’arsenal se donne ce soir le gala d’opéra, un événement très apprécié des habitués qui s’y ruent en nombre. La salle est comble en cet avant-dernier soir de festivités.
Un tourbillon lyrique
Accompagné avec beaucoup de délicatesse et une jolie précision par le chef d’orchestre et pianiste David Jacskon, les quatre chanteurs du festival, Lauren Urquhart, d’Éléonore Gagey, de Łukasz Klimczak et Peter Tanstits conjuguent en toute complicité leurs talents. Ayant eux-mêmes choisi, les morceaux qu’ils souhaitaient interpréter, ils rivalisent de technicité et de fiévre contenue pour donner à chaque note une force troublante, une densité bouleversante. La magie opère. Le public est envoûté. Dans ce lieu chargé d’histoire, la musique opératique prend une dimension charnelle, spirituelle. Les airs s’enchaînent, chacun apportant avec lui son lot de nostalgie, d’amour, de rage, d’amitié et de moment de grâce. L’émotion est à son comble quand Éléonore Gagey entonne Scherza infida in gremblo ai drudo, l’un des airs les plus connus d’Ariodante, drame musical composé par d’Haendel. Enfin après encore quelques morceaux de bravoure, la soirée s’achève sur Rusalka, une œuvre du tchèque Antonin Dvorak, chantée par la divine Lauren Urquhart, saluée par un tonnerre d’applaudissements.
Après un bis, particulièrement apprécié, le public enjoué quitte les lieux sous une voûte étoilée qui s’accorde magnifiquement avec le gala d’opéra qui vient d’être donné. Le festival s’achève sur de belles promesses pour l’année à venir, un concert au nouvel an, un autre à Pâques, et plein d’initiatives pour la prochaine édition. Adieu Belle-Île et à très vite !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Lyrique en Mer
Du 30 juillet au 12 août 2021
Crédit photos © Lauren Pasche