À Vannes, Scènes du Golfe, Jane Birkin a donné, ce lundi 24 mai, le coup d’envoi de sa tournée Oh ! Pardon tu dormais… Silhouette fragile, voix toujours claire mais plus mature, la plus Anglaise des Françaises a insufflé une force de vie et d’émotion au théâtre depuis trop longtemps endormi. Un moment rare, troublant d’humanité et de communion.
Il pleut sur Vannes. Un nuage noir recouvre la ville, l’orage gronde derrière les fenêtres du foyer du théâtre Anne de Bretagne. Mieux que les trois coups de bâton, le ciel tonne pour annoncer la nouvelle : Ce soir, la salle rouvre et Jane Birkin monte sur scène, pour défendre son dernier album, Oh ! Pardon tu dormais …, écrit par ses soins sous le regard complice d’Étienne Daho et de l’arrangeur Jean-Louis Pierot. Très vite, l’ondée laisse place à un grand soleil. Le présage est donc de bon augure. Sur le parvis, les premiers spectateurs arrivent. A bonne distance, respectant les règles sanitaires en vigueur, chacun s’installe. Pour ce tout premier concert, cette première date publique, seules 280 places sur les 800 que comptent l’espace sont occupées. « C’est déjà énorme, souligne avec ferveur Ghislaine Gouby, directrice du lieu. Depuis dix jours, que les musiciens, les techniciens, Etienne (Daho) et Jane (Birkin) sont arrivés pour la résidence de création, nous n’avons cessé de croiser les doigts, de nous faire tester pour que ce petit miracle ait enfin lieu. »
De Gainsbourg à Daho
Une musique d’ambiance s’échappe des haut-parleurs. Loin du brouhaha habituel, une sorte de silence quasi religieux envahit la salle. Depuis huit mois que les salles de spectacle sont fermées au public, le moment a quelque chose de sacré. Derrière des pendrillons noirs, des silhouettes apparaissent. La salle retient son souffle. Les quatre musiciens investissent le plateau. Un tonnerre d’applaudissements les accueille. Puis silhouette légèrement voutée, un brin fragile, Jane Birkin sort de l’ombre. Illuminée d’un halo de lumières, elle avance lentement vers le devant de la scène. Le visage, un peu ailleurs, mais irradié d’un sourire pudique, heureux, tout juste esquissé, elle se laisse emporter par les premières notes de musique et entonne un Jane B. délicat, émouvant, réorchestré au plus juste, jusqu’à l’épure du morceau originel, par les soins de Daho. Sous le regard de son nouveau complice, un ami de la famille, la muse de Gainsbourg rend hommage à son mentor pour mieux se libérer de son emprise, s’émanciper et dévoiler un peu de la femme poète, de l’amoureuse souvent déçue, de la mère aimante et meurtrie qu’elle est devenue. Lumineuse, un peu traqueuse, la chanteuse se livre joliment, intensément.
Mélancoliquement joyeux
Il y a la joie dans l’air, celle d’être tout simplement là, de se donner sans concession à un public fervent, heureux. Toutefois, un fantôme familier plane dès le deuxième morceau. Il tourbillonne, se manifeste par de tout petit trémolo dans une voix quasi intacte, toujours aussi juvénile, à peine plus mature, un brin plus grave. Hommage à sa fille Kate, Ces murs épais saisissent, attrapent l’auditoire. Voile de tristesse à peine esquissé, l’orchestration enveloppante de Daho et de Jean-Pierre Pierot entraîne vers un ailleurs, une sérénité doucement retrouvée. Au diapason de la chanteuse, la salle serre la gorge, puis comme une caresse aimante, réconfortante, applaudit à tout rompre. Une heure trente durant, les plus belles chansons d’amour de Gainsbourg viennent nourrir les nouveaux morceaux écrits par Jane. Mélancolie matinée d’une lueur singulière, Birkin est là, immobile mais tellement vivante. Nimbée des éclairages savamment travaillés par Victoria, L’ex-fan des sixties met son âme à nu, ses émotions aux fleurs de sa peau, de son timbre teinté de cet accent anglais si reconnaissable.
Les tendres épaules de quatre musiciens
Des dessous-chics, légèrement égratignés à Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve qui fait se dresser les poils sur le bras, en passant par l’émouvant Cigarettes ou la jolie comptine Les Jeux interdits, Jane B. est comme portée par la force invisible, tranquille et apaisante de Colin Russeil à la batterie, de Marcello Giuliani à la basse, de François Poggio aux guitares et Jean Louis Piérot au piano et aux Keyboards. Présents tout le long de la prestation, ils font vrombir leurs instruments s’accordant sur la tonalité de la chanteuse. Parfois submergent les mots tout juste susurrés tout en offrant un écrin de velours à la voix délicate de celle qui ce soir, plus qu’un autre, est au cœur des attentions.
Jane B., fragile, sensible, exquise, brûle lentement les planches, prend le temps d’installer son style, sa grammaire, sa parole trop longtemps tue derrière celle des autres. Grâce à Daho, resté dans l’ombre même lors des rappels, elle explose fébrile, mélancolique, mais plus assurée que jamais. Habitée par les ombres de sa vie, la chanteuse quitte le plateau un sourire radieux accroché aux lèvres, le cœur empli de l’amour donné par une salle debout pour saluer l’artiste, la femme, l’autrice.
Olivier Fregaville-Gratian d’Amore
Oh ! Pardon tu dormais… de Jane Birkin
Concert
Du 24 au 26 mai 2021
Scènes du Golfe
Palais des Arts et des Congrès
Place de Bretagne, 56000 Vannes
Tournée
08/06/2021 – SOISSONS – Le Mail
12/06/2021 – SEIGNOSSE – Le Tube
27/06/2021 – TOULOUSE – Le Marathon des Mots
02/07/2021 – LYON – Les Nuits de Fourvière
11/07/2021 – BAR LE DUC – Instants Suspendus
03/09/2021 – VILLARS-LES-DOMBES – Les Musicales du Parc des Oiseaux
19-20/09/2021 – PARIS – Philharmonie de Paris
09/10/2021 – CLERMONT-FERRAND – La Coopérative de Mai
22/10/2021 – TARBES – GESPE
29/10/2021 – LUXEMBOURG – Den Atelier
11/11/2021 – LIMOGES – Opéra de Limoges
23/11/2021 – MONTPELLIER – Le Corum
24/11/2021 – MARSEILLE – Le Silo
28/11/2021 – LE GARRIC – Un weekend avec elles
08/12/2021 – BRUXELLES – Cirque Royal
21/01/2022 – BRESSUIRE – Bocapole
26/01/2022 – GENEVE (CH) – Théâtre du Léman
08/02/2022 – SARCELLES – Théâtre André Malraux
23/03/2022 – NANTES – Cité des Congrès
24/03/2022 – PLOUGASTEL – Avel Vor
13/05/2022 – CHARTRES – Théâtre de Chartres
25/06/2022 – les nocturnes du Festival de Chateauvallon
Direction artistique d’Etienne Daho
Direction musicale d’Etienne Daho & Jean-Louis Périot
Et sur scène avec Jane Birkin :
Colin Russeil – Batterie
Marcello Giuliani – Basse
François Poggio – Guitares
Jean Louis Piérot – Piano – Keyboards
Crédit portrait © Nathaniel Goldenberg
Crédit photos © Gilles Vidal – Hans Lucas