Une grande dame vient de quitter la scène qu’elle aimait tant ce mercredi 21 avril. Myriam Feune de Colombi ne verra pas la réouverture du Théâtre Montparnasse qu’elle dirigeait d’une poigne de fer dans un gant de velours. Avec sa disparition, une page de l’histoire du théâtre se tourne.
Je garderai toujours le souvenir de ces soirs de générales, où elle accueillait ses invités avec une élégance rare, le sourire aux lèvres, l’œil aux aguets, vérifiant que tout se déroulait pour le mieux. Elle nous recevait comme le doit une maîtresse de maison. Car son théâtre était sa maison. Elle faisait partie des derniers Mohicans, ces directeurs de salles de théâtre, héritiers d’une époque où la qualité artistique primait sur le commercial. Elle était consciente de l’importance de l’héritage de Gaston Baty. Tenir un navire tel que le Théâtre Montparnasse, exigeait d’avoir à sa barre un capitaine qui avait un cap à tenir. Et elle l’a bien tenu, inscrivant à sa programmation toute une suite de succès. Le public ne s’y trompait pas, il savait où il mettait les pieds. Et pourtant, si sa ligne de conduite était la qualité, elle n’hésitait pas à brouiller les pistes, passant du classique au contemporain, de la comédie au drame.
Du Français au Montparnasse
Elle aimait le théâtre et le connaissait bien. Sortie du conservatoire en 1960, c’est tout naturellement que la Comédie-Française l’engagea. Elle y fut pensionnaire durant onze années. Sa beauté et son élégance de jeune première en firent une Roxane, une Célimène, si l’on en croit les souvenirs de beaucoup, remarquables. On peut imaginer que c’est dans la grande maison de Molière qu’elle a appris l’exigence qui la caractérisait. L’amour l’éloigna de la scène mais pas longtemps. Son mari, Jean-Louis Vilgrain, industriel et amateur d’art, lui offrit en 1984 ce somptueux cadeau, le Théâtre Montparnasse. La comédienne devient alors directrice. Marchant sur les pas de Marguerite Jamois, qui dirigea pendant plus de 20 ans ce lieu mythique, elle y régna avec bonheur, enchaînant les succès. On peut dire qu’elle s’est dévouée à son théâtre. Elle savait choisir les textes, mais aussi les metteurs en scène qui allaient porter les projets, les comédiens qui allaient les interpréter. Elle veillait sur tout ce qui se passait dans son théâtre, aucun détail n’échappait à son regard, que cela soit sur la scène, dans la salle, dans les coulisses et les bureaux.
Un théâtre toujours à l’arrêt
On devine la grande peine qu’elle a dû connaître avec la fermeture de son théâtre à cause de ce virus qui a enrayé la bonne marche de notre quotidien. Elle devait attendre avec impatience la réouverture, avec dans son escarcelle pleine de projets à proposer à son public. Aujourd’hui, nous nous associons à la tristesse de sa famille, du théâtre Montparnasse qui doivent se sentir orphelins, comme nous. Merci, Madame, pour toutes ces magnifiques années où le théâtre fut à la fête.
Marie-Céline Nivière
Crédit photos © Théâtre Montparnasse et © Papagon