Après Vole ! où elle contait les maux de l’adolescence, la pétillante Eva Rami continue son voyage introspectif. Se glissant dans la peau d’une apprentie comédienne, elle esquisse le portrait drôle autant que poétique d’une jeune femme exubérante et décalée. En attendant la tournée de Et le cœur fume encore de Margaux Eskenazi et Alice Carré, l’artiste monte exceptionnellement sur la scène du Petit Montparnasse pour une représentation unique de son dernier seule-en-scène, retransmis le jeudi 29 avril à 20h30 sur la plateforme OPSIS TV, et qu’elle espère reprendre au plus vite sur les routes de France.
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Un de mes premiers souvenirs d’art vivant a été le spectacle de Mado la niçoise dans la salle des fêtes du village où j’habitais à l’époque. Je la revois encore faire le grand-écart avec ses talons et sa jupe et entendre tout le monde dans la salle exploser de rire.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Aussi loin que je me souvienne, le premier déclencheur est sans hésitation Elie Kakou, que j’imitais sans cesse et dont je connaissais les sketchs par cœur. Je pense qu’il a allumé une partie de moi qui ne s’est plus jamais éteinte.
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne ?
J’ai toujours voulu être comédienne, mais ce choix s’est confirmé au fil du temps avec les rencontres, les formations et les différents projets auxquels j’ai participé. Être sur scène est le seul endroit où je me sens légitime, il y a comme une évidence, je me sens à ma place.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Les premiers spectacles auxquels j’ai participé remontent à l’école primaire où chaque fin d’année scolaire, on se produisait avec mes camarades sur la scène de la salle des fêtes de mon village (Oui, celle-la même où j’y ai vu Mado). J’en garde un souvenir très tendre et joyeux. J’étais encore très timide à l’époque, mais le plaisir que j’éprouvais de monter sur scène, répéter le spectacle avec les copains, m’apprêter, me costumer, me maquiller, jouer un rôle, était déjà très présent.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
J’en ai beaucoup. C’est difficile de choisir… Je me souviens d’une grosse claque esthétique avec la mise en scène de Roméo Castellucci dans The four seasons restaurant, d’un retournement de boyaux avec 32 rue Vandenbranden de la Compagnie Peeping tom, d’une fontaine lacrymale avec Espia a une mujer que se mata de Daniel Veronese ou encore Accidents de Martial Anton. Je suis aussi une grande admiratrice du travail de Joël Pommerat, Alain Platel, Wajdi Mouawad, Ludor Citrik et des Chiens de Navarre…
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Comment choisir ! J’ai rencontré beaucoup d’équipes théâtrales extraordinaires. Des humains qui m’ont touché au cœur, avec qui je continue d’entretenir des relations fortes et que je considère comme la famille que j’ai choisie. Que ce soit l’équipe du Collectif La Machine ou plus récemment L’éternel été de la Compagnie Nova. J’ai des souvenirs inoubliables avec Mario Gonzalez et l’équipe du Tartuffe, des fous rires infinis avec l’équipe du Cami, mis en scène par Nicolas Ducron. J’ai rencontré l’Amour sur le spectacle Dom Juan et les clowns et enfin, il y a Luc Khiari (accompagné désormais de la talentueuse Juliette Furic), créateur lumières sur mes deux seules en scène VOLE ! et T’ES TOI ! que j’ai rencontré sur le Tartuffe et qui m’accompagne depuis sur les routes pour le meilleur et pour le pire !
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Je crois qu’il est essentiel, car il me permet de transcender, transformer, sublimer la vie. Si non, la thérapie aurait été plus longue…!
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Les êtres vivants, les morts, la mer, la lumière, la nature, la musique, les livres, l’Amour, la transmission…
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
C’est aussi bien organique, obsessionnel, que religieux, je crois. Ma préparation est très ritualisée. J’ai besoin de m’échauffer longtemps, de ne pas trop manger, de ne pas savoir qui est dans la salle, de répéter des bribes de textes jusqu’au dernier moment, d’aller uriner une vingtaine de fois, de re re re re vérifier plusieurs fois la place de mes accessoires, convoquer mes bonnes étoiles, prendre dans mes bras mon équipe, pour dépasser la peur de tout avant de sauter sans parachute.
À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Instinctivement, je dirais les tripes, les viscères. Mais très vite, après, viennent le plexus solaire, le cœur, les poumons, la trachée, les yeux.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Tellement ! Là, aujourd’hui, à l’instant T, sans réfléchir, si je me focalise sur la scène, voilà les noms qui me traversent : Nicolas Bouchaud, Hortense Belhôte, Julie Berès, Wajdi Mouawad, Joël Pommerat, David Lescot, Clément Poirée, Xavier Gallais, Thomas Jolly, Camille Bernon et Simon Bourgade, Estelle Meyer, François de Brauer…
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Je rêverais de participer à un projet en apesanteur mis en scène par Fellini avec Charlie Chaplin et Elie Kakou !
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Si ma vie était une œuvre, j’aimerais que ce soit La Fontaine Stravinsky réalisée par Niki de Saint Phalle et Jean TInguely. Oui Monsieur, rien que ça…! 😉
Olivier Fregaville-Gratian d’Amore
Tes toi ! d’Eva Rami
Mise en scène de Marc Ernotte
Création au Théâtre de la Huchette
Représentation unique en livestream le 29 avril 2021 à 20h30 sur Opsis TV.
Tournée prévue saison 2021-2022
Et le cœur fume encore de Margaux Eskenazi et Alice Carré d’après les textes de Édouard Glissant, Kateb Yacine, Assia Djebar et Jérôme Lindon
Festival d’Avignon le OFF
11. Gilgamesh Belleville
Vole ! d’Eva Rami
Mise en scène de Marc Ernotte
Festival d’Avignon le OFF
Théâtre de la Luna
Crédit photos © Kentin Morgan, © Eric frahon, © Gaëlle Simon et © Photo Lot