Aurélie van der Daele © DR

Aurélie van den Daele, observatrice attentive du monde

Artiste "compagnonne" du TnBA et en lice pour diriger le Théâtre de l'Union , Aurélie van den Daele prépare la réouverture des théâtres.

Artiste « compagnonne » du TnBA, mais aussi du  Theatre des ILETS-CDN de Montluçon, en lice pour diriger le Théâtre de l’Union – CDN du Limousin, Aurélie van den Daele prépare ardemment la réouverture des lieux de culture avec pas moins de d’une pièce en création et deux autres en tournée. Curieuse du monde et des gens qui l’entoure, fondatrice du Deug Doen Group, groupe de travail qui explore les mécanismes de l’Histoire contemporaine, la metteuse en scène interroge à travers ses œuvres nos sociétés, nos comportements. Rencontre avec une artiste étonnante et humaine qui réveille par son regard acéré, lucide, nos consciences.

Glovie de Julie Ménard. Mise en scène d'Aurélie van der Daele © DR

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ? 
J’hésite entre le cirque de Pékin, où je me souviens surtout d’avoir passé ce moment entier à regarder le nombre de personnes présentes dans cet immense zénith, et une représentation de Harold et Maud avec Renata Scant, une comédienne grenobloise. C’est un souvenir ténu mais très beau sur cette pièce qui m’avait profondément dérangé. 
 
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ? 
Mon incapacité à effectuer toutes sortes d’autres activités physiques ou culturelles ! Tout y est passé : volley-ball, poterie, tennis, danse, GRS…
Et puis miracle le théâtre m’a ouvert une voie où je n’enroulais pas le ruban de ma partenaire en pleine compétition et où je ne me cassais pas de membre à chaque fin de séance. C’est grâce à un atelier théâtre que je suis sortie de mon mal-être enfantin et que j’ai rencontré mes grandes amies. C’est ça qui a été le déclencheur : me dire que je pouvais être dans la joie créatrice avec des gens que j’aimais, en train de mettre à l’extérieur mon monde intérieur – très composé je dois dire – Après j’ai fait quelques détours, et j’ai perdu du temps sur mon désir. 
Car le vrai déclencheur qui m’emmène vers la professionnalisation, c’est mon impossibilité à faire un métier où je ne peux pas raconter des histoires : c’est ce professeur de droit qui me demande quand je commence ma thèse, c’est le vertige que ça me procure de me dire que les questions qui m’habitent devront rester intérieures. C’est un moment très marquant dans mon esprit, un moment où le désir s’impose. 
 
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne et metteuse en scène  ? 
J’ai d’abord été formée comme comédienne, j’ai joué puis je me suis reformée. Et puis un jour, parce que j’ai eu un prof un peu gourou, j’ai fait la grève des scènes et je me suis assise dans des gradins. Je ne voulais plus passer sur le plateau. Je me suis mise à regarder les autres, et depuis, je n’ai jamais rien trouvé qui m’épanouit plus.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ? 
D’abord un sale souvenir de l’école primaire, la partie de cartes de Marcel Pagnol où on avait été mis en concurrence les uns avec les autres pour savoir qui serait choisi pour faire le spectacle. Et puis ensuite des matchs d’impros avec l’association de théâtre dont je parlais juste avant. De ces moments-là, je garde cette sensation de liberté, de joie, d’exultation.. 

Votre plus grand coup de cœur scénique – une pièce, une équipe, une personne, plusieurs personnes ? 
 (A)ppolonia de Krzysztof Warlikowski dans la cour d’honneur du Palais des papes : le moment, l’écriture, le jeu, la puissance du théâtre mêlée à la musique live, l’Histoire qui rencontrait les mythes…et la lame de fond du sacrifice. C’était incroyable. C’est mon premier choc théâtral total. Depuis, j’en ai eu beaucoup d’autres dont JR du FC Bergman. 

L'Absence de guerre de David Hare. Mise en scène d'Aurélie van den Daele © Marjorie Moulin

Quelles sont vos plus belles rencontres ? 
Mes rencontres avec le milieu LGBTQI+ et le milieu queer. Un monde s’est ouvert à moi : un monde de pensées, de luttes, de fêtes, de rêveries…Ces personnes rencontrées, ce sont celles qui m’ont le plus touché/déplacé/bousculé/bouleversé. 
Et puis après bien sûr les rencontres avec mes compagnon.n.es de travail du DEUG DOEN GROUP, qui sont incroyables. Avec qui nous partageons un chemin. 

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ? 
C’est une manière de survivre au monde. Je crois que je suis née avec une peau poreuse aux malheurs, poreuse aux détresses -sûrement comme beaucoup-
Si je ne fais pas de théâtre ces pensées m’assaillent et me clouent. Pour moi théâtre = vie comme le ACTION = VIE de ACT UP. 
Le théâtre m’insuffle une pulsion de vie, d’action, de révolte. 

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
La forêt ! qui constitue la ligne de recherche de notre prochain projet La forêt-monde avec notamment les autrices Elsa Granat et Charlotte Lagrange et le DDG. La puissance des histoires qui y sont racontées depuis des siècles, les arbres et leurs modèles collaboratifs, les symboles qu’ils représentent, tout ça m’ouvre un nouveau monde, où je lis Ovide et Baptiste Morizot, Stefano Mancuso, Tchekov et Shakespeare. 
Ce qui m’inspire aussi : les mouvements de révolte, les soulèvements. 
Le cinéma. Les séries, leurs constructions dramaturgiques, et leurs sens du suspens. Les auteurs et les autrices par leurs actes de transformation. 
Les œuvres millénaires. 

De quel ordre est votre rapport à la scène ? 
Organique. Mouvant. Nécessaire. C’est pour moi un lieu depuis lequel j’élabore des fictions enracinées dans l’histoire ou le réel. Je ne suis pas sur scène, mais je regarde ce lieu comme un endroit rituel pour raconter, une chambre mémorielle avec laquelle un dialogue se crée.

Angels in America de Tony Kutchner. Mise en scène d'Aurélie van den Daele © Marjorie Moulin

À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ? 
Dans mon ventre. Mon rapport à mon métier se situe là. Les angoisses se nichent là quand je suis assaillie. Les grandes joies aussi.
Bill Viola dit que l’œuvre doit parler à l’enfant qu’on était dans le ventre. Je crois à ce lien aux choses qu’on n’a pas forcément vu ou connu mais qui nous lie. 
 
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Cindy Sherman, Patti Smith, Catherine Meurisse, Mona Chollet, Florence Longpré, Kae Tempest, Bill Viola, The Blaze, Edouard Louis, Manu Larcenet, Gilles Clément, … La liste est longue. Pour les pairs du théâtre, je fais confiance au chemin. 
 
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
À des spectacles performances sur plusieurs jours. Une traversée sur 24h comme à La Villette, un vrai vivre ensemble où on lâche prise. J’adore l’effort et l’idée des montagnes à gravir ensemble. 
 
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ? 
Angels in America de Tony Kushner: de l’incommunicabilité, des désirs fous, des pulsions de vie/ de mort, Eros et Thanatos, des amitiés, des amours, et des anges qui crèvent le plafond !

Olivier Fregaville-Gratian d’Amore

Spectacle Inconnu de Sidney Ali Mehelleb
Mise en scène de Aurélie Van Den Daele
Coproduction : Théâtre Ouvert, Ferme De Bel Ébat – Théâtre de Guyancourt, Théâtre des Ilets – CDN de Montluçon

Glovie de Julie Ménard
Spectacle jeune public à partir de 8 ans
Mise en scène d’Aurélie Van Den Daele

Angels in America de Tony Kushner
Théâtre de l’Aquarium
Mise en scène d’Aurélie Van den Daele

Crédit photos © DR et © Marjolaine Moulin

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