Depuis 2010, date de rénovation de l’Agora, cité internationale de la danse, Montpellier Danse a entamé une politique de résidence très active, soutenue par la Fondation BNP Paribas. Face à la pandémie et à la fragilisation du secteur chorégraphique, Jean-Paul Montanari a fait le choix d’être solidaire en lançant un appel à projets aux compagnies professionnelles de tous horizons. En plus des chorégraphes programmés lors du festival et des artistes régionaux, une dizaine de compagnies devraient dans les mois à venir pouvoir investir les lieux. Reportage.
La France est, à nouveau, confinée au moins jusqu’à la fin avril, mais le printemps est pourtant là, inexorable, comme l’a rappelé la ministre de la Culture en faisant référence aux mots si justes de Pablo Neruda. Dans les « starting-blocks » pour l’édition 2021 de Montpellier Danse, qui auralieu cette année exceptionnellement trois semaines, du 23 juin au 16 juillet, l’équipe du festival est sur le pied de guerre. Soutenue par la Fondation BNP Paribas, l’institution occitane ouvre ses studios de répétitions à différentes compagnies. De Sylvain Huc à Salia Sanou, en passant par La Zampa ou Emanuel Gat, qui ont posé leur valise, le temps de réfléchir, de travailler leurs spectacles futurs, l’Agora est un lieu de partage et d’échange, un endroit où l’art vivant prépare demain.
Un environnement studieux
Fort de trois studios de répétition, Montpellier Danse, accueille tous les ans plus d’une dizaine d’artistes. Haut lieu de création, le festival offre aux compagnies un cadre idéal de travail. « Depuis sa naissance en 1984, précise Jean-Jacques Goron, responsable du mécénat jusqu’en juillet prochain, date à laquelle il cédera sa place à Isabelle Giordano, la fondation soutient la danse contemporaine. Nous avons commencé notamment avec des compagnies comme celle d’Angelin Preljocaj ou de Susan Buirge. C’est vraiment ancré dans notre politique de mécénat. En règle générale, nous les soutenons pendant trois ans et sommes amenés à renouveler notre appui deux fois pour une même durée. En parallèle de cela, nous soutenons aussi des institutions. Il était donc logique d’être partenaire de Montpellier Danse, et tout particulièrement dans le cadre du soutien à la création et à l’accueil des artistes en plein processus créatif. Nous avons le même système d’aide pour la fabrique de Chaillot et la Maison de la Danse à Lyon. » Sortant d’un mois de résidence au Studio Cunningham, Salia Sanou a pu avancer considérablement D’un rêve, sa prochaine pièce, qui clôturera le festival en juillet prochain. « Comme je travaille beaucoup à partir d’improvisations, explique-t-il, j’ai vraiment besoin de prendre mon temps, de voir comment telle proposition s’imbrique dans telle autre. En tant que chef d’orchestre, lors de ce moment assez charnel du processus de création, je cisèle l’ensemble, je le modèle, je fais en sorte qu’une synergie naisse de ces moments privilégiés. Grâce à ce temps de résidence, j’ai pu avoir la liberté nécessaire pour avancer, rechercher, explorer plusieurs pistes avec mes huit danseurs ». À l’écoute de son équipe, le chorégraphe burkinabé aime particulièrement le fait d’être en vase clos dans un même lieu où ils dorment, mangent et travaillent ensemble. « C’est un luxe, un vrai privilège, souligne-t-il. Cette immersion totale est ce qui fait la grande spécificité des résidences à Montpellier Danse. Tout est à portée de main. Tout est tourné vers la création à venir. Je crois que cela nourrit le projet, lui donne sa force, sa cohésion. »
Un équipement adapté à toutes les étapes de travail
Si le Studio Cunningham est le plus prisé en fin de création, en raison de son équipement technique permettant de définir son et lumière, la Salle Béjart, installée dans l’ancienne chapelle rénovée, et le Studio Fleuret sont plus adaptés pour les premières étapes du processus créatif. « C’est à l’invitation de Jean-Paul, raconte le chorégraphe Sylvain Huc, que je suis venu répéter avec mes danseurs au Studio Cunningham. Avec Gisèle Depuccio, la directrice adjointe du Festival, ils avaientapprécié Sujets, pièce présentée en 2018 et avait dans l’idée de me réinviter pour les 40 ans de l’événement, qui n’ont pu avoir lieu en raison de la pandémie. Ils m’ont donc proposé de revenir pour l’édition 2021. Bénéficiant d’une coproduction pour ma nouvelle création, Nuit, j’ai pu profiter de deux temps de résidence.. L’un en octobre 2020, pour une période de prospection et de réflexion et l’autre en janvier 2021, avec un sacré coup de main technique pour peaufiner le travail. Ils se sont vraiment démenés pour nous offrir ce qui nous était nécessaire. C’était très important pour moi, car c’est ce dont j’avais vraiment besoin pour avancer. » Par ailleurs, juste au-dessus du studio, sept logements, assez monacaux, sont mis à disposition des artistes, afin de leur permettre de se concentrer au mieux, de ne pas se disperser.
Une volonté solidaire
Aux commandes du Festival depuis 1983, Jean-Paul Montanari veille aux grains. Riche de son expérience, il utilise au mieux les ressources qu’il a à sa disposition pour aider les artistes, les soutenir. « En 2010, suite à la dernière phase de travaux de réhabilitation du lieu en pôle chorégraphique, qui ont notamment permis de rénover le théâtre extérieur, développe Anne-Sophie Aamodt, secrétaire générale de Montpellier Danse, il a été créé trois studios de répétitions, ainsi qu’un certain nombre de logements. Ainsi équipé, il a été possible de mettre en place une vraie politique de résidence. Jusqu’à peu, elle concernait surtout des artistes programmés lors du festival ou en saison, ainsi que des compagnies régionales, qui n’ont pas de lieu pour travailler. » Avec la pandémie, la donne a changé. Le secteur a complétement été chamboulé. « Face à cela, souligne-t-elle, notre directeur a tenu à mettre en place une nouvelle politique, plus solidaire, plus à l’écoute du monde de la danse. » Ainsi, en plus des coproductions et du soutien aux acteurs locaux, Montpellier Danse vient de terminer un appel à résidence qui permettra, à terme, d’accompagner financièrement – entre mille et cinq mille euros seront alloués aux compagnies sélectionnées en fonction de leur besoin et du nombre d’interprètes sur scène – et techniquement, durant une à trois semaines, une dizaine de projets.
Une sélection large
Grace à ce nouveau dispositif, Montpellier Danse souhaite agrandir encore un peu plus son horizon, s’ouvrir plus largement au monde. « Pour postuler, explique Anne-Sophie Aamodt, il suffisait d’être une compagnie professionnelle. Maintenant que l’appel d’offre est clos, nous allons réunir un comité de sélection qui va choisir les projets que nous souhaitons aider et suivre. Afin d’être le plus exhaustif possible, Jean-Paul Montanari a souhaité qu’un tiers des compagnies soient régionales, un tiers, nationales et enfin un tiers, internationales. » En attendant de découvrir les heureux élus de ce nouveau système d’aide et de résidence, il est possible de rêver à un séjour estival à Montpellier, pour cette 41e édition du festival et voir ainsi les 45 artistes programmés, suivre les 22 spectacles programmés et participer aux 125 manifestations proposées.
Reportage réalisé par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Crédit photos © Montpellier Agglomération, © Le Petit Cowboy, © Antoine Temps, © Eric Damiano et © Marc Coudrais