Après Conseil de Classe et l’épatant Roi du silence, Geoffrey Rouge-Carrassat peaufine Dépôt de bilan, sa dernière pièce qui croque la vie d’un jeune cadre dynamique au bord de la rupture et de la dépression. En espérant retrouver les planches à Avignon, où depuis plusieurs années, il fait carton plein, le frêle et lumineux artiste, aux multiples talents, rêve déjà au monde de demain et à ses futures créations.
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Mes parents qui dansent le rock au mariage de Ghyslaine et André.
Monsieur et Madame Carnaval qui brûlent dans la cour de l’école.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Pour avoir envie de faire un métier, il faut déjà que quelqu’un vous dise que c’est un métier.
Puis il y a ceux qui disent, c’est impossible : n’en parlons même pas. Ceuxqui disent, c’est beaucoup de travail : bon, d’accord.
Et ceux qui disent, c’est beaucoup de travail, mais tu en es capable : merci à ces gens-là – ceux qui donnent confiance.
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien, metteur en scène et auteur ?
J’ai choisi d’être comédien, auteur, metteur en scène parce qu’il fallait bien mettre des mots sur ma vocation et qu’il n’existe pas de Conservatoire généraliste ou bien de Conservatoire pour faire des choses. Mais d’ici 3 ans, ça ne m’étonnerait pas que je me sois mis à la sculpture. En fait, dire « Bonjour, je suis comédien, auteur, metteur en scène », ça ne me satisfait pas vraiment ; je préfère « Je fais du théâtre ». C’est plus juste par rapport à ma pratique, mais c’est toujours aussi vague. Quand je demande à quelqu’un « Que fais-tu dans la vie ? » et qu’on me répond « Je suis assistante commerciale dans une entreprise de maintenance en groupes électrogènes » ou « Je suis instructeur et régisseur du domaine public de Mâcon », je demande toujours « C’est-à-dire, concrètement, tu fais quoi de tes journées ? » Et même quand je dis « Je fais du théâtre », si l’on me demande « C’est-à-dire, concrètement, tu fais quoi de tes journées ? », je serais obligé de répondre « Dans le monde d’aujourd’hui, faire du théâtre (au sens de chercher à créer le lien), sur une année de travail, il faut compter 2 mois d’administratif, 3 mois de Bonjour, j’ai un super projet, regarde comme il est joli mon projet, et 4 mois de dépression – mais ça reste le plus beau métier du monde, sans déconner. » Et puis Nina… Elle dit que le plus important, c’est la longue patience.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
La kermesse, en petite section de maternelle, dans le gymnase de l’école, les enfants déguisés en rockeurs avec des guitares électriques en carton, une chorégraphie sur du Elvis Presley. Je ne me souviens de rien mais ma mère était là : il paraît que je faisais très bien semblant que la guitare était vraie. Et voilà, à 4 ans, tu t’éclates à faire du air guitar; et 20 ans plus tard, tu réponds à une interview plutôt que de faire du air théâtre tout seul chez toi.
Votre plus grand coup de cœur scénique – une pièce, une équipe, une personne, plusieurs personnes ?
Palermo Palermo de Pina Bausch.
Le Cirque invisible de Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thierrée.
Einstein on the Beach de Philip Glass et Bob Wilson.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Il serait plus simple de lister les mauvaises rencontres, mais elles finissent toujours par devenir de belles histoires à raconter.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Je fais du théâtre pour moi.
D’une part, parce que ça m’occupe.
D’autre part, parce que c’est thérapeutique.
Je fais du théâtre pour moi, et c’est comme ça que je le fais pour les autres.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Ce que j’inspire. On ne choisit pas totalement l’air qu’on inspire.
Tu peux grandir à la mer, vouloir voir la montagne… et tomber sur un lac.
Qu’est-ce qui m’inspire ?
Certains objets, dans les brocantes, qui ont une histoire. Certains objets, dans les centres commerciaux, qui n’en ont pas encore. Ma famille et celles et ceux qui m’entourent. Le hasard d’un certain chemin qui s’écrit dans un cadre arbitraire.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Obsessionnel.
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
La cage thoracique.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Novarina pour commencer.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Être avec Joël Pommerat quand il écrit dans sa maison de campagne et me faire très très discret.
Nettoyer les pinceaux de David Lynch dans son atelier.
Jouer dans l’adaptation cinématographique de L’Épopée de Gilgamesh par Pasolini.
Assister aux répétitions du prochain spectacle de Pina Bausch.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
La Laitière de Vermeer – enfin j’essaye.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Roi du silence de Geoffrey Rouge-Carrassat
Un festival à Villerville
Dépôt de Bilan de Geoffrey Rouge-Carrassat
Cie la gueule ouverte
Ccrédit photos © B. cruveillier, © Victor Tonnelli et © DR