Musicien de formation, Guillaume Léglise est arrivé au théâtre, un peu par hasard. Une rencontre, un soir à La Loge, dans le XIe arrondissement de Paris a tout déclenché. Des concerts à la composition de musique pour pièce de théâtre, le jeune Breton n’a pas hésité à franchir le pas. Rencontre avec un artiste qui ciséle les silences, souligne les intentions, les émotions, un magicien des notes.
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Les chaises de Ionesco au Quartz à Brest, impossible de retrouver qui l’avait mis en scène. J’étais très jeune, 12 ou 13 ans, dans les années 90. J’en ai un très beau souvenir, j’étais avec mes parents, c’était étonnant, énigmatique et fascinant. Leur abonnement là-bas a fait mon éducation au spectacle vivant avec une très belle programmation théâtrale, musicale et même de danse contemporaine, car à l’époque, il y avait un très bon festival et mon père adorait y aller.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
C’est vraiment une histoire de rencontre, bizarrement alors que j’adorais ça, je ne pensais pas que c’était pour moi… Donc je n’imaginais pas en faire un jour. J’ai monté plusieurs groupes plutôt pop et folk à Paris qui ont eu un moment leur succès, et puis j’ai proposé à La Loge, qui venait d’ouvrir rue de Charonne d’aller jouer un concert solo chez eux, et Lucas Bonnifait a parlé de moi à Nicolas Kerszenbaum, qui est venu me voir après le concert, il avait beaucoup aimé et m’a sollicité pour les rejoindre sur une création à la musique… C’est en 2010, je crois et depuis on a beaucoup créé ensemble, une dizaine de créations. Je lui dois le deuxième chapitre de mon éducation théâtrale et bien plus encore, une très belle histoire, de très beaux souvenirs.
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être musicien?
Un père collectionneur de disques de jazz et de musique contemporaine, et un frère également très mélomane qui a ouvert la voie en osant devenir artiste peintre… J’ai tout simplement choisi la musique pour trouver un champ d’expression, je crois. Elle m’a permis d’être en lien avec les autres, de trouver ma place.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Un spectacle de Nicolas Kerszenbaum, Sous la falaise, présenté à la Loge, je jouais la musique en direct avec les comédien.nes et un autre musicien/auteur qui a été un passeur pour moi, Denis Baronnet. Ce qui m’a frappé lors de la première, c’est l’émotion que j’ai eu dans ce moment unique qu’on partageait, musiciens, interprètes et public, tou.tes ensemble à raconter cette histoire dans ce lieu clos. J’ai tout de suite senti que j’adorais ça. Ce moment suspendu. C’était tellement autre chose que les concerts que je peux faire.
Votre plus grand coup de cœur scénique – une pièce, une équipe, une personne, plusieurs personnes ?
J’ai été bouleversé par le spectacle de Kirill Serebrennikov, Outside, que j’ai vu en 2019 au Festival d’Avignon… Magnifique hommage au photographe Ren Hang et à leur fraternité d’artistes vivant et travaillant sous une dictature. L’impression d’assister à une œuvre majeure.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Il y en a forcément une à part, puisque je vis désormais avec ! Pauline Ribat sur son deuxième spectacle qu’elle a écrit et mis en scène, Dans les Cordes et dont j’ai composé la musique. Et puis je crois qu’en commençant à travailler dans le spectacle vivant, j’ai découvert avec les acteur.rices et danseur.ses, des êtres qui m’inspirent et me touchent… Parmi eux je citerai Marik Renner, Jean Baptiste Verquin, Aude Lachaise, Nicolas Martel, Marjory Duprès..
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Il a forgé une partie de mon identité. Ensuite, le plus beau, c’est évidemment tout ce que tu partages dans une équipe quand tu es en création. On cherche ensemble, on se trompe ensemble, on trouve ensemble. J’adore cette expérience collective de création, qui me lie aux autres.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Je crois que le cinéma a été et reste le medium qui m’inspire le plus… Installer un climat, une couleur par la musique et raconter une histoire. Il y a quelques duos de compositeur/cinéaste qui sont pour moi très important. Howard Shore et David Cronemberg, Angelo Badalamenti et David Lynch, Philippe Sarde et Claude Sautet ou évidemment Michel Legrand et Jacques Demy…
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
ll s’agit pour moi de la question du regard et de l’écoute. De travailler autour de l’expérience sensible d’être dans le même espace ensemble. J’aime beaucoup pour cela ce que permet l’écriture de plateau. J’écris alors les musiques en improvisant pour et avec les propositions que font les acteur.rices… Pareil pour les danseur.ses et les chorégraphes. C’est comme faire exister un lien entre le présent des propositions des interprètes et tout le travail préparatoire que j’ai eu avec le metteur en scène ou lachorégraphe.
À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Je crois que tout commence par l’écoute, par mes oreilles, trouver ma place dans les silences ou provoquer le silence des autres pour qu’on m’écoute… Trouver sa place dans l’espace sonore.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Angelin Preljocaj, Gisèle Vienne, David Geselson, Das Plateau, Gisèle Vienne, Phia Ménard, Hope Sandoval (Mazzy Star), Cat Power…
A quel projet fou aimeriez-vous participé ?
Alors je suis déjà sur un projet fou, Kairos, le nouveau projet de Nicolas Kerszenbaum, une longue fresque, de la musique en direct, ça va être fou je pense !.
Sinon je rêve de travailler sur une adaptation au théâtre du film de Pasolini, Les Mille et une Nuits, en réorchestrant et revisitant la musique écrite par Ennio Morricone.
Si votre vie était une œuvre, qu’elle serait-elle ?
J’ai une grande fascination pour Barry Lyndon, tout dans ce film m’attire. Il est d’une grâce et d’une sensualité folle même si c’est le récit d’une terrible déchéance…
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Swann s’inclina poliment d’après Marcel Proust, Mise en scène de Nicolas Kerszenbaum
Théâtre de Belleville
Crédit photos © OFGDA, © Tiffany Duprés, c Eve Manoée