À l’ombre du théâtre Armande Béjart d’Asnières, les élèves du Studio ESCA, seule École supérieure de comédiens par Alternance, répètent sans relâches une adaptation très contemporaine de Roméo et Juliette de William Shakespeare. Au temps du coronavirus, la formation des 44 apprentis-comédiens s’adapte aux contraintes sanitaires. Reportage.
Par une fraîche journée de février, rendez-vous est pris avec Tatiana Breidi et le metteur en scène Paul Desveaux, les tous nouveaux directeurs du Studio ESCA, l’un des douze établissements supérieurs de théâtre. Après une petite balade dans le centre-ville d’Asnières, sous un ciel gris, au détour d’une impasse, derrière l’imposant théâtre municipal, se cache l’entrée de l’établissement qui en son sein abrite une salle de spectacle ainsi que l’École supérieure de comédiens par Alternance.
Un lieu accueillant
C’est par le foyer tout de jaune peint que l’on pénètre dans la bâtisse. Quelques chaises, quelques tables de métal offrent aux apprentis-comédiens, à l’équipe administrative du Studio ESCA, un lieu de convivialité et d’échanges. Les rires fusent. La bonne humeur est de rigueur. Avant de reprendre le chemin des planches pour reprendre les répétitions de leur Roméo et Juliette, qui sera présenté dans quelques jours à quelques professionnels au théâtre Montansier, coproducteur de l’aventure, tous ont besoin d’évacuer le stress, de se détendre.
Une école particulière
Contrairement à ses prestigieuses homologues, l’École du Nord, l’École du TNS, celle de Saint-Étienne ou le Conservatoire, au studio ESCA, tous les élèves sont des apprentis, tous travaillent en parallèle de leur formation. C’est un souhait émis en 1992 par les deux fondateurs, Jean-Louis Martin-Barbaz et Hervé Van der Meulen, qui perdure toujours. « Les cours ont, en général, lieu jusqu’à 14 heures, explique Tatiana Breidi, laissant l’après-midi libre pour qu’ils puissent honorer leurs obligations professionnelles. En moyenne, sur les trois ans que dure le cursus, chacun des apprentis-comédiens a sept à huit employeurs en dehors du Studio. Les expériences sont diversifiées et multiples. Certains se tournent vers des compagnies émergentes, d’autres vers du théâtre d’entreprise. Afin de les aider à s’insérer dans le monde professionnel, nous avons noué des partenariats avec certains théâtres privés, certains CDN. » Ainsi, au cours des trois dernières années, des jeunes étudiants de l’ESCA ont pu participer à l’aventure de La Dame de chez Maxim, mis en scène par Zabou Breitman au Théâtre de La Porte-Saint-Martin, ou plus récemment au T2G dans Suite n°1 de Joris Lacoste.
Entrée sur concours
Comme pour toutes les Écoles supérieures d’art dramatique, pour suivre la formation, il faut passer un concours, qui tient compte de nombreux critères : comme avoir déjà suivi une formation, avoir déjà quelques expériences amateures ou professionnelles, etc. Les places sont chères. « Cette année, souligne Paul Desveaux, nous avons reçu plus de 1 000 candidatures et nous n’avons que quinze places. Notre formation a du succès, pour la qualité de l’enseignement, sa formule unique d’alternance, mais aussi parce que durant les trois ans d’études, nos apprentis sont tous rémunérés. Ce qui est à l’heure actuelle, très précarisante, plutôt bienvenu pour nos élèves. »
De sujet à moteur
Construit autour de stages thématiques regroup, le programme d’études du Studio ESCA est particulièrement complet. Les cours de chant, de danse, de jeu menés par des intervenants extérieurs tels Christiane Letailleur, Anne Le Guernec ou Guy-Pierre Couleau, sont complétés par des accompagnements personnalisés aidant chacun des apprentis comédiens à lire et négocier leurs contrats, à préparer des auditions, à réaliser leurs projets ou les aider s’ils le souhaitent à créer leur propre compagnie, leurs propres spectacles.
Un Roméo et Juliette ciselé au cordeau
Sous le regard bienveillant de Paul Desveaux, une partie des élèves retenus pour participer à cette adaptation contemporaine de la plus célèbre pièce de Shakespeare, répètent inlassablement la même scène d’ouverture. L’important de la séance, dirigée par le chorégraphe Jean-Marc Hoolbecq est de fixer les gestes, les entrées des uns, les sorties des autres, se servir du décor – un échafaudage – à bon escient. Sur la scène, Léna Bokobza-Brunet et Léa Delmart se glissent dans la peau de deux serviteurs de Montaigu qui cherchent la nique à Mercutio, incarné par la plantureuse Kim Verschueren et un de ses affiliés, joué par Anthony Martine. Plus tard, ils seront rejoints par Benvolio, le cousin de Roméo, interprété par le jeune et prometteur Pierre-Antoine Lenfant, en passe d’obtenir son diplôme national supérieur professionnel (DNSP).
La répétition, base de la pédagogie
Dans la bonne humeur, apprentis-comédiens, metteur en scène, metteur en espace et assistante, reprennent chaque mot, chaque mouvement, chaque intonation. La perfection a un prix, un travail acharné. Dans les coulisses, les autres artistes, Ulysse Robin, Thomas Rio, attendent patiemment leur tour, tout en ne perdant pas une miette des conseils dispensés à leur camarade. Le temps défile. Chacun prend mentalement des notes. Tous rêvent d’en découdre, de jouer enfin devant du public. Si leur expérience personnelle leur permet de garder le cap, la fermeture des théâtres, l’impossibilité de sentir vibrer une salle pleine commence à se faire sentir.
Il est temps de les laisser travailler, de quitter Asnières et l’équipe du Studio ESCA. La rencontre fut passionnante, ouvre de nouvelles perspectives, l’envie de voir évoluer ces graines de comédiens sur les planches ou dans d’autres registres.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Studio | ESCA
3, rue Edmond Fantin
92600 Asnières sur Seine
Crédit photos © OFGDA