Décidément cette année 2020 aura été terrible, la Covid n’a pas fait de trêve pour les fêtes. Robert Hossein, l’éternel amoureux balafré d’Angélique et chantre de spectacle populaire et grandiose, est décédé à 93 ans en ce 31 décembre des suites de la covid, laissant à nouveau le monde du théâtre, qu’il a marqué par ses grandes mises en scène, en deuil.
Elle est bien triste cette nouvelle. Robert Hossein, pour bien des générations, est le ténébreux, balafré Joffrey de Peyrac, dans la série romanesque des Angéliques, films que la télévision a l’habitude de diffuser justement pendant les fêtes de fin d’année. Il était bien plus que cela, c’était un grand et passionné homme de théâtre. Somptueux bavard, lorsque vous l’interviewiez, il fallait se battre pour éviter qu’il ne fasse à votre place les questions. D’un caractère bien trempé, ses colères étaient oniriques, tous ceux qui ont eu affaire à elles s’en souviennent sûrement encore. Et je pense à Ghislaine Dewing, sa fidèle attachée de presse, qui les essuyait régulièrement avec une patience d’ange. Elle s’avait qu’elles passaient aussi vite qu’elles étaient montées. Car derrière tout ce décorum, Hossein cachait un grand cœur et une immense générosité. Je me souviens de celle qu’il avait pour le Cours Simon et sa directrice Rosine Margat qu’il n’abandonna jamais.
Des spectacles grandioses
C’est justement grâce au Cours Simon que j’ai découvert Robert Hossein comme metteur en scène de grands spectacles.Généreux, passionné, il avait offert des places aux élèves pour Notre Dame de Paris au Palais des sports. C’était le spectacle événement de cette année 1978. J’étais dans la classe des collégiens et j’ai tout de suite sauté sur l’occasion. Quelle claque ! Je n’avais jamais rien vu de tel. Puis l’année suivante, il y a eu Danton et Robespierre au Palais des Congrès, une fresque sur la Révolution Française qui me marqua profondément. Les acteurs surgissaient de toute part, menaient avec fougue les grands débats. La scène du procès de Louis XVI était impressionnante. Robert Hossein traitait le théâtre comme un véritable spectacle cinématographique, avec des scènes magistrales, une pléthore de comédiens, cela bougeait, vivait, nous entraînant dans un tourbillon d’émotions. C’était ça la magie d’Hossein !
Du théâtre au cinéma
Puis, il y eu Les Misérables, la comédie musicale de Schönberg et Boublil créée en 1980 toujours au Palais des sports. Je ne cessais de fredonner la chanson de Gavroche. Même si cette version n’ a pas eu le succès de celle des anglo-saxons, elle marqua. Puis, comme pour régler le problème de ce demi-succès, Hossein nous offrit la version cinématographique du roman de Victor Hugo, avec un éblouissant Lino Ventura dans le rôle de Jean Valjean et Michel Bouquet en Javert. J’avais été invitée à la première dans le sacrosaint Palais des Sports. Le spectacle était autant dans la salle, où se trouvait le Tout-Paris, que sur l’écran. Après la projection, je l’avais croisé dans les couloirs et lui avais dit toute l’admiration que je lui portais. Ma gueule de Gavroche de l’époque l’avait amusé !
Un homme entier
Hossein était alors encore tout auréolé de ces années du Théâtre populaire de Reims et de sa fameuse école. Si il agaçait les bien-pensants, les élites, on ne peut lui enlever qu’il avait rendu accessible le théâtre à ceux qui souvent n’osent pas y aller. Bien sûr, il y eu après certains spectacles qui pouvaient nous laisser dans l’expectative, ceux où il demandait aux spectateurs de voter à la fin, comme Je m’appelais Marie-Antoinette, ceux portant sur le thème de Jésus, de la vierge Marie ou du pape Jean-Paul II. Converti au catholicisme, il avait la foi et l’assumait totalement.
Comédien rare, voix inoubliable
C’est lui qui offrit à Jean-Paul Belmondo ses plus belles prestations, dans Kean de Dumas et Cyrano de Bergerac de Rostand, lorsqu’il dirigeait le théâtre Marigny. Hossein était aussi comédien, et même si ses apparitions se faisaient rares, il a été pour ma part un inoubliable Créon dans le Antigone d’Anouilh, mis en scène par Nicolas Briançon. Sa voix cassée et rauque résonne encore ! C’est avec une certaine émotion que je regarderai le film de Lelouch, Les uns et les autres où il était remarquable. Robert Hossein s’était une grande figure et avec sa disparition nous tournons de nouveau une page de l’histoire du théâtre. Adieu l’artiste et merci pour tout !
Marie Céline Nivière
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