Les Tigres sont plus beaux à voir d’après l’œuvre de Jean Rhys. adaptation et mise en scène Magali Montoya © Bellamy
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Magali Montoya sur la piste de l’autrice dominicaine Jean Rhys

Au Théâtre Le Colombier à Bagnolet, avant d’investir le Moulin du Roc à Niort, Magali Montoya peaufine le portrait de la romancière Jean Rhys.

Au Théâtre Le Colombier à Bagnolet, avant d’investir le Moulin du Roc à Niort, Magali Montoya peaufine le portrait théâtralisé de la romancière Jean Rhys. Parcourant de manière elliptique et kaléidoscopique l’œuvre et la vie de l’autrice créole, la comédienne et metteuse en scène sétoise signe un spectacle dense, un brin touffu, qui souligne finement l’écriture sensible de cette femme libre, coupée trop tôt de ses racines. 

A Paris, ce premier samedi du mois de décembre, est marqué par des manifestations houleuses contre la loi Sécurité globale. A quelques encablures de là, au cœur de la commune de Bagnolet, à deux pas de la mairie, la troupe de Magali Montoya répète, au théâtre Le ColombierLes Tigres sont plus beaux à voir, le spectacle qu’elle aurait dû créer si le confinement n’avait pas tout suspendu. Afin de laisser une trace, une empreinte de son passage, la metteuse en scène profite de ses derniers jours dans les murs du centre de création théâtrale et chorégraphique indépendant, créé par la Compagnie Langajà, pour ouvrir deux filages à un tout petit nombre de personnes. 

La naissance d’une autrice 
Les Tigres sont plus beaux à voir d’après l’œuvre de Jean Rhys. adaptation et mise en scène Magali Montoya © Bellamy

Avec ses airs d’andalouse arrachée à ses lointaines racines, Magali Montoya trouve dans la personnalité de Jean Rhys, l’autrice créole née en 1890 à la Dominique, une sorte de double. Se reconnaissant dans l’écriture de cette anglaise ayant vécu les derniers feux du colonialisme anglais, au cœur des plantations caribéennes, déracinée à l’âge de 17 ans pour Londres, la jeune femme ne trouve le réconfort de l’exil qu’un posant des mots sur des cahiers d’écolier. De son enfance îlienne à son mariage avec une sorte d’aventurier diablement romantique, de sa vie de bohème dans le Paris des années folles à sa renaissance par la plume, la metteuse en scène suit le fil d’une existence loin de tous sentiers battus. 

Une écriture sensible

Mettant au cœur de ce portrait théâtralisé, l’écriture intime de Jean RhysMagali Montoya signe une œuvre riche, dense, qui s’attache à donner toutes les couleurs, toutes les nuances d’une femme aux multiples vies. A trop suivre l’esprit elliptique de l’autrice, la comédienne et metteuse en scène se noie dans une abondance de détails, qui finit par perdre le spectateur. Fasciné pourtant par cette personnalité hors norme, il s’accroche, se passionne, porté par le jeu des trois actrices qui prêtent leurs voix, à différents âges, à l’écrivaine. Magali Montoya représente l’enfance, Bénédicte Le Lamer l’âge adulte, Nathalie Kousnetzoff la maturité. C’est en tout cas ce que l’on pourrait croire, au premier abord. Mais pas si simple, la metteuse en scène brouille les cartes pour mieux donner corps à l’énigme qu’est la lauréate du Prix de la Royal Society of Literature et du Prix WH Smith en 1967 pour La Prisonnière des Sargasses, son roman le plus connu.  

Une mise en scène méticuleuse
Les Tigres sont plus beaux à voir d’après l’œuvre de Jean Rhys. adaptation et mise en scène Magali Montoya © Bellamy

S’appuyant sur la musique jouée en direct par Roberto Basarte, sur la scénographie de Marguerite Bordat et Caroline GinetMagali Montoya a mis les mots au cœur de son spectacle. C’est eux qui véhiculent l’émotion, qui donnent à l’ensemble densité et attrait, qui emportent par-delà les murs des théâtres. Présence fantomatique autant qu’envoutante, Nathalie Kousnetzoff attrape les regards. Son timbre unique fascine. Elle introduit avec la troublante Bénédicte Le Lamer, la partie la plus intéressante de cette œuvre théâtrale, les pulsions intimes qui ont poussées Jean Rhys à écrire. Nécessaire à son équilibre de femme déracinée, la plume devient une évidence, un double qui la maintient hors de l’eau, de la folie. Face aux trois comédiennes, Jules Churin est vibrant en jeune auteur mordu, rêvant de percer le secret de cette autrice énigmatique. 

Une singulière atmosphère

Passionnant, bien qu’étiré à l’envi, Les Tigres sont plus beaux à voir est une plongée dans une œuvre unique et rare. Les conditions n’étant pas idéales, annulations, reports des répétitions, ambiance étrange, le spectacle, bien que de belle facture, s’en ressent quelque peu, mais c’est le propre du théâtre, de s’aiguiser au fil des représentations. La pièce en devenir devrait se lisser en se frottant au public et offrir une vision sensible de l’autrice Jean Rhys, une femme toujours en décalage avec son milieu, en lutte pour survivre, toujours un cahier sous la main pour le noircir d’idées, de mots, de sensations. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Les Tigres sont plus beaux à voir d’après l’œuvre de Jean Rhys traduite par Jacques Tournier, René Daillie, Claire Fargeot…
Théâtre de l’Épée de bois
Cartoucherie – Route du Champs de manœuvre
75012 Paris
Du 7 au 24 novembre 2024
Durée 1h25

Résidence de création en décembre 2020 au théâtre Le Colombier à Bagnolet
Durée 2h05 environ

Tournée
Les 16 et 17 décembre 2020 au Moulin du Roc, Niort
le 19 janvier 2021 au théâtre Molière, Scène nationale de Sète et du Bassin de Thau. 

Adaptation et mise en scène de Magali Montoya
Avec Nathalie Kousnetzoff, Bénédicte Le Lamer, Jules Churin, Magali Montoya, Roberto Basarte (musicien)
Scénographie de Marguerite Bordat et Caroline Ginet
Composition musicale de Roberto Basarte
Costumes de Virginie Gervaise
Lumière de Jean -Yves Courroux
Régie générale :de Johan Olivier

Crédit photos © Bellamy

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